Tunisie : Béji Caid Essebsi pour restaurer le lustre de l’Etat

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Pour remettre le pays en marche, il faut restituer tout son pouvoir à l’appareil d’Etat. Enfin! Le retour de visibilité?

C’est une affaire de charisme, il a suffi à Béji Caid Essebsi de s’adresser au peuple pour conquérir l’opinion. Il s’est obligé à une préséance républicaine en s’exprimant un jour après que le président a fait part de la feuille de route jusqu’au 24 juillet prochain pour élire une Assemblée constituante. Son intervention a fait tilt. L’homme a vite rempli le siège du «Père de la Nation». Instantanément, le peuple a retrouvé ses repères et le contact a été fusionnel. La prise en mains de l’appareil de l’Etat est-elle, pour autant, en bonne voie?

Le signal fort: la rupture avec le régime de la dictature

Le retour aux «affaires» de Béji Caid Essebsi relève de l’impondérable. Mais c’est une des belles surprises de la Révolution de la Dignité. Et, c’est un «come back» providentiel. Grand serviteur de l’Etat et virtuose de la politique, héritier du Bourguibisme, il sait que l’on gouverne avec des symboles. Aussitôt terminés les propos apaisants d’entrée en matière, il est entré dans le vif du sujet. Il a choisi d’attaquer de front. La désertion est qualifiée. Cela vaut condamnation, et on ne fera pas de quartier. Seulement en Etat de Droit, c’est la justice qui prononcera le verdict. Et le Premier ministre actuel, comme son prédécesseur, respectera cette démarche et c’est ce qui préserve l’honneur de la Révolution.

Pour sa part, il restera dans le strict carré de sa fonction politique et s’attèlera à marquer la rupture avec le passé.

Gardien du temple

Au sommet de son art, malgré le poids des années, fié et bien en verve, le Premier ministre nous a restitué toute l’aura et la splendeur du modèle de l’Etat tunisien. Celui-là même qui a été à l’origine de l’émancipation de la femme et du planning familial, de l’école publique, obligatoire, ouverte à tous et gratuite. Sans oublier la santé publique également gratuite.

Et parmi ses autres acquis, point besoin de les citer, une armée nationale. Et nous savons tous combien sa discipline républicaine a servi la Révolution. Et cadeau suprême au peuple, cet Etat nous a cimentés triomphant du régionalisme et du tribalisme et a matérialisé notre unité nationale.

Nous soulignons ce dernier trait au moment où notre pays a vécu des évènements douloureux à Ksar Helal, pourtant lieu symbolique de notre renaissance nationale. Ces événements pourraient saper notre acquis suprême et détricoter l’ouvrage, si on retient la date du 2 mars 1934, de 80 ans de lutte!

Le Premier ministre, sans le dire, nous a montré ce que nous pouvions perdre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire si on ne pilote pas le chantier démocratique avec ce qu’il faut de raison.

Après la feuille de route, le plan d’action

Le Premier ministre hérite de la partie délicate du travail. Le pays s’est donné une feuille de route et sait à présent où il veut aller. La partition est écrite mais c’est au gouvernement de mettre tout cela en musique. Il faudra d’abord restituer à l’Etat toutes ses prérogatives, à commencer par le rétablissement de l’ordre. Il s’est réjoui de la fin des deux sit-in de La Kasbah et de la coupole d’El Menzah. On peut soutenir que côté obéissance civile, la partie est presque gagnée. L’ordre public ne peut être définitivement assuré que si la sécurité revient également. Le Premier ministre doit remettre en route tout le dispositif policier.

Quelle sera la coopération entre le ministère de l’Intérieur et l’armée? Béji Caid Essebsi connaît les deux départements. Il est bien paré pour s’adresser à l’un et à l’autre et trouver le juste compromis.

Et dans l’univers du travail, il faut aussi un retour à la normale. Et c’est une tout autre partie qu’il faudra mener avec la direction actuelle du Syndicat. Le Premier ministre est averti de l’urgence économique. Il voit le pays en panne et la croissance «voisine de zéro». Le pays est en manque de punch. Il sait qu’il doit effectuer la reprise en mains de l’appareil de l’Etat pour lui donner la visibilité nécessaire au redémarrage du pays. Il a soutenu lui-même devant le peuple qu’il n’adopte une idée que si elle est gagnante. Ce faisant, il a pris un engagement de résultat.