Déjeuner-débat de la TACC à propos des Tics : «L’offre tunisienne ne répond pas suffisamment aux standards des grands donneurs d’ordre nationaux ou internationaux»

tacc-2411-1.jpgLa démocratisation de l’accès au haut débit a permis d’atteindre les 600 mille abonnés, le but est d’arriver à 1.4 million d’abonnés à l’horizon 2014, sans parler de la prochaine généralisation de l’ADSL à travers la fibre optique au niveau des zones d’affaires, des zones industrielles, des campus universitaires et des centres hospitaliers, avant d’attaquer le segment résidentiel.

Est-ce pour autant que notre pays a atteint des niveaux de développement performants en matière de TIC? Ce n’est pas aussi évident que nous avons bien envie de le croire. Car, lorsque nous tâtons le pouls de certains entrepreneurs tunisiens mais surtout étrangers, nous réalisons rapidement que beaucoup reste à faire en matière de nouvelles Technologies de l’information et de la communication (TIC). Et là, il ne s’agit pas uniquement d’infrastructures mais d’efficience, de réactivité et de niveau de prestations. Rien que certaines coupures répétitives impromptues du réseau peuvent se répercuter négativement sur la qualité des liaisons Internet et celles de la transmission des données.

La consolidation des fondements de l’économie numérique doit aussi passer par le développement d’une culture du numérique aussi bien dans les administrations publiques qu’au niveau du secteur privé.

Selon Nazeh Ben Ammar, président de la TACC qui s’est exprimé à l’occasion d’un récent déjeuner-débat de la Chambre en présence de Mohamed Naceur Ammar, ministre des Technologies de la Communication, «force est de constater que l’offre tunisienne ne répond pas aux standards des grands donneurs d’ordre internationaux… et pas assez à ceux des donneurs d’ordre locaux».

Ceci est-il dû à une faiblesse entrepreneuriale ou à un défaut d’accès aux financements? La TACC compte traiter ces «chantiers en profondeur et sur le long terme grâce au programme ROCCD, financé par le MEPI et qui s’adresse aux PME et vise la promotion du partenariat économique entre des entreprises américaines et celles de la région».

Mais il est entendu que ce n’est pas la Chambre tuniso-américaine de commerce, malgré toute sa bonne volonté, qui résoudra tous les problèmes inhérents au secteur des TIC dans notre pays. L’Etat ainsi que tout le tissu entrepreneurial ont une responsabilité en la matière. 

Une stratégie efficiente est donc indispensable pour garantir  l’entrée de plain-pied de l’économie tunisienne dans l’ère numérique. «Nous parlons depuis des années du développement des TIC et nous ne pouvons même pas nous prévaloir d’une industrie du contenu digne de ce nom. Les pouvoirs publics, eux-mêmes, ne l’encouragent pas puisqu’au lieu de faire appel aux privés pour aider à la conception des contenus des sites web, ils le font en interne. En fait, les pouvoirs publics ont une responsabilité dans le développement de ce genre d’activité», a observé Maher Kallel, opérateur privé. C’est à l’Etat, en effet, qu’il revient de développer de grands projets mobilisateurs en commençant, par exemple, par externaliser tous les contenus des ministères et établissements publics. En guise de grands projets, indique le ministre, «nous démarrons de grands chantiers touchant les secteurs de l’éducation, de la santé, des affaires sociales, le transport, le tourisme, l’enseignement supérieur, et la réalisation de projets en relation avec le développement de services numériques d’utilité publique dans plusieurs domaines (culture, tourisme, loisirs, etc.) dans le cadre d’un PPP».

Les privés, toujours plus exigeants, appellent à la mise en place d’un programme d’encouragements et d’incitations visant les jeunes créateurs de produits TIC innovateurs: «Il faudrait pour cela des avantages comparables et même meilleurs que ceux accordés par le Foprodex si nous voulons passer du statut de sous-traitants à celui de producteurs et d’exportateurs de produits numériques et informatiques à haute valeur ajoutée et créer la demande à l’international». Et encore une fois, c’est à l’Etat de soutenir les efforts de recherche et d’innovation relatifs aux TIC en mettant en place un fonds de recherche pour permettre aux jeunes chercheurs de concrétiser leurs idées et mettre en place de nouveaux projets. Le budget Recherche appartenant au ministère de l’Enseignement supérieur, une collaboration plus rapprochée entre les deux ministères devrait être amorcée si ce n’est déjà fait. Le déploiement de la TNT, avec une couverture de 90% des régions à la fin de cette année, va avoir un double impact, celui de réallouer le dividende numérique pour le développement des réseaux basés sur les systèmes LTE (4G) et permettre le lancement de bouquets de programmes HD éducatifs, culturels et autres.

Mais il y a aussi «la stratégie produits pour renforcer les capacités et les avantages comparatifs au risque de disparaître, si nous ne nous y mettons pas de finir par disparaître» s’alarment les jeunes promoteurs dans le secteur des TIC.

Il existe des produits de niches, répond le ministre, et de  créneaux porteurs grâce au renforcement de l’écosystème de l’innovation et en permettant aux entreprises innovantes de mettre en place et de concrétiser leurs produits et services en accédant aux technologies de demain (Cloud computing, Réseaux des nouvelles générations, LTE, Green IT, Data centers, e-business, m-business, Réseaux sociaux, etc.).

Sur un tout autre volet, le e-commerce, dont on ne fait que parler, n’a pas encore réussi, a ce jour, son décollage à cause «principalement des modes de paiement», précise un intervenant. La société SunGard, multinationale spécialisée dans l’informatique bancaire et les logiciels informatiques pour les institutions financières internationales et implantée depuis quelques temps en Tunisie, aiderait-elle au développement de solutions de paiement adaptées au contexte tunisien en direction des sites e-commerce? Il faut l’espérer.

Concernant les produits destinés à l’exportation, l’aménagement d’espaces technologiques (pôles, cyberparcs, cités), conformément aux standards internationaux, vise à augmenter sensiblement l’offre pour l’attrait des IDE et des activités de l’offshoring qui représentent un marché mondial estimé à plus de 500 milliards de dollars US et pourraient générer plus de 150.000 emplois qualifiés pour les 10 années à venir dans notre pays, indique Mohamed Naceur Ammar.

Toutefois, l’offshoring, requérant le plus souvent une proximité culturelle, et en particulier linguistique, entre pays d’origine et pays d’accueil, la question qui se pose est celle de savoir comment développer un pôle géosectoriel entre la Tunisie (pays francophone) et les USA. L’importance de la maîtrise de la langue a été par conséquent citée comme étant un obstacle important dans la promotion des échanges économiques et qui plus est dans les secteurs de pointe avec les Etats-Unis.

Mais il y a d’autres entraves au développement des TIC citées par les intervenants au petit-déjeuner de la TACC dont celles afférant aux réglementations fiscales et aux financements de projets immatériels sans garanties matérielles. Des interrogations auxquelles le ministre des Technologies de la Communication a essayé de répondre de la manière la plus diplomatique et la plus prudente possible avec une insistance particulière sur les projets qui seront bientôt réalisés par l’Etat.

Au fait, quand-est ce que, dans notre pays, nous passerons du stade de l’évaluation et de l’étude à celui du pratique et du terrain ?