La France instaure une taxe sur les bonus des traders sur le modèle anglais

[16/12/2009 17:30:01] PARIS (AFP)

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à la sortie du Conseil des ministres, le 16 décembre 2009 à Paris (Photo : Gérard Cerles)

La France va instaurer une taxe de 50% sur les bonus versés par les banques aux traders en 2010, à partir de 27.500 euros, sur le modèle annoncé la semaine dernière par la Grande-Bretagne, une mesure décriée par les banques françaises qui craignent pour leur compétitivité.

La ministre de l’Economie Christine Lagarde a présenté les contours de cette taxe mercredi en Conseil des ministres, très proches de ceux retenus par Londres.

La taxe touchera les bonus versés en 2010 au titre de 2009. Elle n’est pas destinée à être prorogée. La mesure sera intégrée dans le projet de loi de finances rectificative du Grand emprunt, qui sera examiné en janvier ou février.

Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a estimé que le mesure était “pleinement justifiée” par les bénéfices engrangés par les banques en partie grâce au soutien de l’Etat. Il a estimé que la taxe devrait “incite(r) les banques à plus de modération dans le versement des bonus”.

Elle concernera quelque 2.000 à 3.000 opérateurs de marché travaillant en France mais sera perçue directement auprès des banques. Elle servira à abonder le fonds de garantie des dépôts, qui sécurise les dépôts des épargnants, une idée formulée fin août par président Nicolas Sarkozy.

Pour l’heure, seules la France et la Grande-Bretagne se sont engagées sur cette voie, mais la ministre de l’Economie comme le prochain commissaire européen aux services financiers Michel Barnier ont appelé à son extension à d’autres pays.

“L’efficacité d’une telle mesure dépendra du nombre de places financières qui l’appliqueront”, a déclaré M. Barnier dans une interview au Monde daté de jeudi.

Le produit attendu de la taxe n’a pas été précisé mais la presse avait avancé le chiffre de 200 millions comme le montant espéré par Bercy.

Le périmètre exact concerné par la taxe reste aussi à définir. N’est pas tranchée la question de savoir si la part des bonus versée en action sera prise en compte, ou seulement la part versée en numéraire; pas davantage que celle de la prise en compte ou non dans les 50% de la taxe spécifique sur les salaires qu’acquitte déjà le secteur bancaire.

Les données que la commission bancaire est en train de recueillir auprès des banques devraient permettre de préciser ces points rapidement, a expliqué Christophe Bonnard, le directeur adjoint du cabinet de Christine Lagarde.

La Fédération bancaire française a déploré une mesure “unilatérale” de nature à “entam(er) encore davantage la compétitivité de la place de Paris où existe déjà une taxe sur les salaires”.

Elle a souligné que la place de Paris s’était montré “pionnière” et “exemplaire” en matière de bonus. Par ailleurs, le plan de soutien gouvernemental dont ont bénéficié les banques a rapporté plus de deux milliards d’euros à l’Etat, a-t-elle relevé.

Une source bancaire ayant requis l’anonymat a dénoncé un “geste politique” de nature à donner une “mauvaise image” des banques françaises.

Pour Vally Colli, associée au sein du cabinet de recrutement Vendôme Associés, un exode de traders vers d’autres places financières que Londres ou Paris est peu probable. “Sur les bonus les plus élevés, il y aura certainement cette possibilité, mais cela restera marginal”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

Le syndicat FO-Banque a estimé de son côté que la mesure allait “dans le bon sens” mais qu'”elle ne sera pas suffisante car beaucoup trop ciblée sur les bonus” et demande “une plus juste répartition des bénéfices des établissements bancaires”.