Economie mondiale : Du G20 au G2 !?

La banqueroute du système financier international accélère l’émergence du couple
sino-américain sur une scène mondiale, en butte aux conséquences désastreuses de
deux décennies de néo-conservatisme anglo-saxon, fondé sur le délire spéculatif,
la bulle du crédit et le profit immédiat. Désormais la réalité économique du
monde, indiquent plusieurs agences de notation, bascule vers l’Asie, forte de
3,5 milliards d’hommes -alors que l’Occident ne représente plus que 12% de la
population mondiale- de modèles de développement devenus résilients grâce à une
compétitivité structurelle, à un sens de l’épargne élevé et à l’accumulation de
quelques 5.400 milliards de dollars de réserves. Un matelas de devises digne des
cavernes d’Ali Baba.

Depuis son divorce avec la révolution culturelle, l’élimination de la bande des
quatre, la décomposition de l’Union Soviétique et l’inscription sans égale dans
l’univers de la mondialisation, Pékin assume son statut de superpuissance.
Premier créancier de Washington avec plus de 1.700 milliards d’actifs, la Chine
finance les déficits records de l’Oncle Sam, s’engage pour des plans de relance
à hauteur de 1.500 milliards de dollars afin de sortir le monde de l’ornière de
la crise et envoie des bâtiments de guerre pour combattre la piraterie au large
de la Somalie, actant une projection de la marine chinoise, ce qui n’est pas
sans rappeler les élans impériaux de la perfide Albion au temps de sa splendeur.

Place au nouveau condominium :

Pour un bon nombre d’Instituts stratégiques, l’avenir, la prospérité et la
stabilité du XXIème siècle sont étroitement liés à la relation
américano-chinoise et à sa propension à lutter contre les fléaux de l’économie
de casino, à juguler les effets de la bulle du crédit et à réhabiliter l’ordre
marchand international, dont l’ingénierie financière et ses déboires, à l’œuvre
à Wall Street et au sein de l’institution bancaire occidentale, sont à l’origine
d’un retour spectaculaire d’un Etat providence, décrié, malmené, cloué au
piloris, depuis la chute du régime bolchévique, au début des années
quatre-vingt-dix.

Au fait, la recherche d’un partenariat stratégique avec la Chine participe aussi
de la reconstruction du leadership américain par l’administration Obama qui
entend, grâce à ce G2, apparentés à deux nations-continents, s’attaquer au
dossier dramatique du réchauffement climatique, se pencher sur la
sous-évaluation massive des monnaies asiatiques, mettre sur les rails un
capitalisme dévoyé par la galaxie finance et rétablir un équilibrage entre les
différents pôles de l’économie ouverte.

Au temps de la guerre froide et du rideau de fer, Chou En-Lai, premier ministre
du grand Timonier et l’un des artisans de la longue marche du Parti communiste
chinois, résumait la coexistence pacifique prônée aussi bien à Moscou qu’à
Washington, en ces termes : «Que deux éléphants se battent ou qu’ils fassent
l’amour, c’est toujours l’herbe qui se trouve dessus qui est écrasé».

En ce début du XXIème siècle, la Chine a remplacé l’URSS dans le rôle de
l’éléphant. Sans une vision pour ses marches au sud de la Méditerranée,
l’Europe, insistent des stratégistes, en dépit de ses atouts pour élargir le G2
en G3, sera déclassée au rang d’herbe.

La guerre des valeurs, l’autre champ de compétitivité :

Individualisme, liberté politique, société ouverte, mobilité sociale et culte de
la réussite, côté anglo-saxon, contre capitalisme d’Etat, autoritarisme,
discipline de fer, patriotisme à fleur de peau et ambition impériale, chez
l’Empire du milieu. C’est la compétition déclinée en termes de valeurs et de
puissance.

En dépit de l’érosion du leadership stratégique américain dans le monde du fait
des guerres d’Irak, d’Afghanistan, de l’alignement systématique sur les
positions de l’Etat hébreu, le pays de Roosevelt conserve une aptitude unique à
se réinventer -comme le prouve l’élection d’Obama- dégage une vitalité
démocratique qui donne le tournis aux autres nations, continue de faire tourner
un carrousel de rêves chez toutes les générations et garde un potentiel
d’attractivité énorme à travers le monde grâce à des institutions fortes, des
talents, vite convertis en prix Nobel et à des capitaux nomades, à la recherche
de terres libres, où la liberté d’entreprise relève du droit divin.

La Chine, forte de ses valeurs confucéennes, entend présenter une image humaine
de la puissance. Ses mots d’ordre sont humilité, pragmatisme, efficacité et
persévérance. Loin de tout messianisme, Pékin, contrairement à l’Oncle Sam qui
se veut le chantre de la propagation des valeurs de liberté et de démocratie
dans le monde, refuse le statut de donneur de leçons, se garde de s’immiscer
dans les affaires intérieures des autres Etats, privilégie la diplomatie des
coulisses et pense plutôt à sécuriser son économie en rachetant à bas prix des
actifs stratégiques tout en essayant de contrôler les facteurs de puissance,
depuis les matières premières -qui font aujourd’hui de la Chine le premier
partenaire du Brésil et de l’Afrique- jusqu’à l’espace et au cyberespace.

Des deux géants, qui prendra le dessus ?

Obama est actuellement le messager prophétique d’un métissage mondial en marche.
Nouveau messie, icône d’une espérance générationnelle, le nouveau locataire de
la Maison Blanche essaie de repositionner son pays dans le monde arabo-musulman,
relance le rêve américain, en se gardant de toute posture ethnique et réaffirme
la volonté d’un pays qui veut, dit-il dans sa première allocution officielle, ce
qu’il imagine et peut ce qu’il veut.

Concernant le géant asiatique, l’interrogation demeure sur la possibilité pour
un Etat autoritaire, répressif (mise au pas du mouvement estudiantin en 1989),
sans alternance politique, d’incarner un modèle pour le reste de la planète, en
dépit de sa réussite indéniable dans le développement d’un capitalisme maitrisé
par la puissance publique et fondé sur les bienfaits de l’épargne.

Au fait, la liberté, au cœur de la constitution américaine et objectif majeur de
l’homme depuis les débuts de l’ordre marchand, fait vibrer les cœurs, entretient
les élans et sanctuarise le pays de Martin Luther King, comme étant le bastion
des âmes libres et indépendantes.