L’informatique française recrute… en Inde de préférence

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étudiantes en informatique, à Bangalore en 2003. (Photo : Indranil Mukherjee)

[04/08/2009 05:59:23] PARIS (AFP) Capgemini et Steria, deux grands noms des services informatiques français, vont bientôt compter plus d’employés en Inde que dans l’Hexagone, à l’image de beaucoup d’entreprises du secteur, une mutation qui inquiète les salariés et ne convainc pas forcément les analystes.

L'”offshore”, qui consiste à délocaliser des prestations dans des pays à bas coûts, est présenté comme un remède miracle à la crise et les groupes du secteur ne jurent que par lui.

En 2008, ces projets, réalisés de l’Asie à l’Europe de l’Est, en passant par l’Amérique du Sud, ont représenté 5% du marché, selon une récente étude du cabinet Pierre Audoin Consultants. A elle seule, l’Inde a capté 30% de ce chiffre encore petit, mais appelé à croître fortement.

Le calcul est vite fait: un ingénieur indien gagne 6.000 à 8.000 euros par an, contre 30 à 35.000 euros pour un débutant en France.

En mars, Steria faisait savoir que ce pays pourrait détrôner la France et ses 6.000 employés cet été, tout un symbole pour ses 40 ans d’existence.

Capgemini espère atteindre ce stade “au second semestre”, a indiqué son directeur général Paul Hermelin, lors de la présentation cette semaine des résultats semestriels.

Pour mieux résister à la récession, la plupart des sociétés de services informatiques (SSII) ont en effet décidé de réduire leur personnel en France pour privilégier les pays à bas coûts.

Chez Capgemini, l’un des groupes les plus avancés dans ce domaine, les effectifs “onshore” ont fondu de 2.000 personnes au premier semestre, tandis qu’ils restaient quasiment stables à l'”offshore”, où travaillent désormais 28% de ses salariés. Soit 25.000 personnes, dont près de 20.000 en Inde, contre 21.400 sur le territoire national.

Atos Origin, dont le nouveau PDG Thierry Breton a fait de l’offshore l’une de ses priorités, compte pour sa part 15% de ses employés dans les pays à bas coûts.

Mais cette transformation de fond fait grincer des dents, notamment chez les salariés.

Pour Régis Granarolo, président du Munci, association professionnelle des informaticiens, une telle stratégie entraîne une “perte d’emplois directe ou indirecte pour les informaticiens français et européens”.

Si cette “concurrence sauvage” a longtemps été masquée par une conjoncture favorable, assure-t-il, la récession a changé la donne.

Le Munci a décidé de passer à l’action à la rentrée, en appelant ses membres au “boycott” des sociétés concernées et en incitant les pouvoirs publics à écarter ces entreprises de leurs appels d’offres. Il préconise également des “mesures fiscales favorisant l?implantation des centres de services en province”.

Outre les revendications sociales, l’efficacité économique de ce modèle est contestée.

“On a l’impression que l’Inde, c’est la solution magique, mais à terme je pense que ce n’est pas une stratégie vraiment viable”, estime Ludovic Melot, analyste du cabinet d’études Precepta.

“Ce qui m’interpelle, c’est de fonder son modèle uniquement sur les coûts, car au bout d’un moment, la baisse des coûts atteint ses limites”, explique-t-il.

D’autant plus que “ce phénomène de délocalisation peut poser des problèmes de qualité, du fait d’une grande différence, notamment culturelle, entre les équipes qui exécutent les projets et le client final”.

Conscientes de ce besoin de proximité, les SSII se réorganisent de plus en plus par grande zone: l’Inde pour la clientèle anglo-saxonne, l’Amérique latine pour les pays hispanophones, le Maghreb pour les clients français…