Tourisme Saharien : entre euphorie et désenchantement

Pour marquer la 21ème édition du tourisme saharien, le dynamique staff du
ministère du Tourisme a organisé un voyage de presse pour faire le point sur un
secteur, plus porteur que jamais et, hélas, encore en «grande souffrance».
Certains regretteront les grandes festivités autour de cet événement qui, des
années durant, a mobilisé beaucoup d’attention et fait l’objet d’une importante
communication. D’autres se contenteront d’énumérer les réalisations, petites et
grandes, à tout le moins, concrètes et prometteuses. «Nous avons agrandi la
scène principale de l’arène où se tient le festival de Douz», nous déclare-t-on
d’emblée. «Nous venons d’achever le réaménageant de deux hôtels à Douz, dans le
cadre du programme de reclassement, moyennant une enveloppe de 8,9 millions de
dinars», indique-t-on encore. «La région connaît une véritable renaissance
architecturale», conclut, de son côté, le président de l’Association de
sauvegarde de la Médina de Kebili, alors que l’on visitait en grande pompe, la
vieille ville abandonnée, suite aux inondations de 1969.

Un large projet de restauration et d’aménagement y est entamé valorisant «Kebili
l’ancienne». Un espace de loisirs y est aussi prévu et l’enveloppe allouée à ce
projet présidentiel avoisine les 400.000 dinars. En parcourant, à grande
vitesse, les villes et villages de la région, force est de constater que leurs
identités sont fortement préservées. Ce résultat est l’aboutissement d’un grand
travail de sensibilisation. L’objectif était de permettre aux régions
sahariennes déshéritées de trouver, dans le tourisme, une solution à leurs
problèmes économiques.

Prendre conscience que la prospérité vient, précisément, de la mise en valeur du
patrimoine culturel et du respect des identités et équilibres de la région,
c’est très probablement l’un des plus grands acquis pour la zone. En 20 ans, le
sud a complètement changé de visage. La richesse est bel et bien là, présente et
discrète. Les gigantesques pas réalisés doivent être appréciés à leur juste
valeur. Pour mémoire, le tourisme saharien a effectivement amorcé le début d’une
nouvelle ère pour la zone.

De ce point de vue, la destination Tunisie a mis à son avantage un atout de
taille pour se démarquer des autres destinations balnéaires méditerranéennes et
se donner une image diversifiée et multiple. Désert, il faut plutôt parler de
Sahara puisque c’est perlé d’oasis, le plus proche d’Europe, la Tunisie est
l’une des rares destinations qui peut résumer (une sorte d’abrégé) autant
d’écosystèmes différents sur une journée de transport routier. En près de 10
heures de route, on quitte les forêts de chêne liège de Tabarka pour passer la
nuit dans une oasis du sud tunisien. On quitte Tunis au matin, avec sa dimension
méditerranéenne, orientale et carthaginoise, pour passer la nuit à la belle
étoile et savourer l’appel des grands espaces en partant, le temps d’une
méharée, pour une immersion totale dans le Sahara.

Aujourd’hui, les attentes et le potentiel de développement sont de plus en plus
grands. La situation provoque, de toutes parts, des colères et des
ressentiments. L’urgence est d’aller de l’avant pour désenclaver le tourisme
saharien. Un véritable objectif à atteindre. L’aéroport international de Tozeur
est un bijou, seulement peu d’avions y atterrissent. A ce jour, seulement trois
vols directs internationaux réguliers venant de Paris, Nice et Lyon opèrent sur
la région. L’annonce de l’annulation a refroidi les ardeurs des professionnels
qui avaient fondé de grands espoirs sur la programmation d’un vol direct venant
de Madrid. 35% de la clientèle espagnole qui se rend en Tunisie passe par le
Sahara. C’est dire combien ils affectionnent ce produit.

L’infrastructure routière s’améliore de jour en jour. Elle est amortie, entre
autres, par un parc automobile de 4×4 qui atteint les 500 véhicules. Le nombre
d’agences de voyage réceptives opérant sur le sud a quasiment explosé pour
dépasser la trentaine. En novembre 2006, le golf de Tozeur a ouvert ses greens:

www.tozeuroasisgolf.com
. Il enregistre, de janvier 2007 à ce jour, 3.120 greens.
Son coût d’investissement est de 8,5 millions de dinars, seulement peu de
golfeurs s’adonnent à ce sport à Tozeur. Les uns n’y restant jamais assez
longtemps, les autres ne sachant rien de son existence. Le golf est
vraisemblablement réduit à être exploité dans le cadre d’une séquence liée à
l’évènementiel. Des efforts marketing semblent pourtant fournis, mais les
limites de leur efficacité butent sur une programmation aérienne très
restreinte. «Nous participons aux salons et foires, mais pour plus d’efficacité,
il nous faut des nationalités traditionnellement consommatrices de tourisme
golfique», résume M. Fakher Sallem, directeur général du Golf de Tozeur.

A ce jour, le golf enregistre une moyenne de 15 à 20 clients /jour. Comme «pour
réparer, il faut parler» et que dans l’exercice de mon métier, il me faut écrire
des mots pour nommer les maux, je ne peux au lendemain de mon périple de 24
heures dans le sud, que revenir avec un magnifique souvenir de coucher de
soleil, le goût exquis des dattes et constater que ce tourisme est et restera
dans les conditions actuelles un tourisme de passage. Longtemps considéré comme
un palliatif du tourisme balnéaire. Ses revenus découlent essentiellement
d’excursions d’un, deux ou trois jours au départ d’hôtels balnéaires. Dans le
cadre de circuit découverte d’une semaine, on y passe deux nuits, tout au plus.

Cette approche ne permet aux hôtels du sud ni d’améliorer leurs services ni leur
faible taux d’occupation (34% en 2006). Durant cette dernière décennie, le
tourisme d’affaires a trouvé une excellente niche dans le sud et ses
potentialités. Le manque de structures et de produits d’animation et de
divertissements «étouffe» pourtant la destination. Dans la région, il n’existe
ni casino, ni discothèque, ni restaurants de cuisine internationale, ni
boutiques de qualité pour un shopping à l’international, ni cinéma, ni théâtre,
ni Ulm, ni montgolfière … La liste s’allonge. «Aujourd’hui, réclamer de manger
japonais ou thaïlandais, acheter un cadeau griffé dans une boutique de luxe,
prendre un apéritif dans un lounge ou sur les dunes de sables où et quand je
veux, coule de source dans ma conception détente durant un voyage. Enormément de
destinations offrent des possibilités folles. Je repars à contrecœur avec mon
argent. J’avais prévu d’acheter mes cadeaux de noël. C’est dommage !», commente
M. Yves. Paolino, client individuel italien rencontré à Tunis, le lendemain de
son périple dans le sud. Son épouse était plus incisive : «C’est mortel, que
voulez-vous y faire plus d’une nuit ?».

LLa capacité hôtelière d’accueil atteint aujourd’hui les 11.000 lits répartis sur
65 hôtels toutes catégories confondues. En 1987, elle n’était que de 3.000 lits.
La diversification de l’hébergement est l’un des gros acquis de la région. Les
campements touristiques sont en forte progression. Ils sont aujourd’hui plus
d’une dizaine. Ils ont su développer une activité régulière et capter des
programmes attractifs et originaux. Ils ont inventé un produit proche, dynamique
et participatif. Un hôtel et une autre dizaine de campements sont en cours de
réalisation pour consolider l’hébergement dans la région et l’étendre à 1.197
nouveaux lits. «Les campements fonctionnent bien. Dès le début de la saison, ils
affichent des résultats très satisfaisants», insiste le ministre du Tourisme, M.
Khelil Lajimi, revenu la veille du WTM à Londres au cours d’un informel point de
presse.

«Comment créer de la valeur ajoutée à partir du tourisme saharien ?», il pose la
question d’entrée avec autorité et franchise. Cette question est son programme
de travail. Les professionnels et opérateurs du tourisme saharien se posent au
quotidien et ardemment cette interrogation. Les clients profiteraient des
réponses à trouver. Pour le moment, ils la conjuguent ponctuellement durant des
séjours soit trop courts soit trop longs, n’ayant finalement peu «ou « beaucoup
trop» de temps.

Le tourisme d’affaires a incontestablement tiré le tourisme saharien vers le
haut. Aujourd’hui, on tire la sonnette d’alarme en raison de la dégradation du
parc hôtelier dans son ensemble. La région cherche inlassablement son palace
d’antan. Gageons qu’en le trouvant ou en le créant, bon nombre de problèmes
seront élagués. L’urgence est à l’action.