Tunisie-France : Deux têtes dans une chéchia

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match Tunisie-France continue de faire couler de l’encre en France. Nous
n’allons pas en rajouter, de crainte de mettre de l’huile (d’olive) sur le
feu. Un volet a pourtant été superbement ignoré par la plupart des
intervenants de l’affaire. Celui de la chéchia, ce fleuron de notre
artisanat, ce symbole de notre identité à la fois islamique et africaine.
15.000 exemplaires de nos historiques bonnets de laine ont été ainsi
distribués aux spectateurs. Sans doute pour apaiser les esprits, en gardant
les têtes au chaud.

L’Association des Tunisiens de France fait remarquer que 300 familles se
sont dévouées pour préparer nos couvre-chefs traditionnels, notamment pour
les décorer aux couleurs des deux pays. Les plus traditionalistes crieront
à l’hérésie. Mais passons. Si on l’a allègrement fait porter aux supporters
des Aigles de Carthage, sûrement à défaut de chapeaux, les analystes ont
négligé l’aspect économique.

Notre chéchia nationale est bien présente même sur le web. Votre
Webmanagercenter s’est du reste fendu d’un papier sur la question. Mais il
n’est pas le seul. L’encyclopédie en ligne Wikipedia lui consacre une page.
Un site Internet, ( www.chechia.com ), retrace même le parcours de Mohamed
Abbasi, l’un des plus dignes représentants de la confrérie des chaouachis,
ces chapeliers à la mode de chez nous.

Un portail Internet de la place rappelle pourtant que plus de 80% de nos
chéchias sont destinées à l’exportation. Et encore. Nous ne réussissons pas
à faire face à la demande. Une demande africaine, de pays comme le Nigeria,
le Sénégal, mais aussi de pays voisins, comme la Libye et l’Algérie. Notons
toutefois que nos frères maghrébins, tout comme nous, ont tendance à
abandonner leurs traditions. Et de toute façon, le nombre de nos artisans
étant en chute libre depuis l’Indépendance, nous ne nous plaindrons pas.
Pourtant, la chéchia est toujours là. La confrontation «amicale»
tuniso-française n’a fait que nous le rappeler. Et les meilleures campagnes
de marketing s’adossent généralement à de tels événements. Pour profiter à
plein des retombées médiatiques, et des passages gratuits à la télévision.

L’argument marketing est imparable. Pour siffler (et même persifler), les
vrais Maghrébins doivent se munir de leur chéchia. Elle pourrait même être
distribuée dans les officines antiracistes, style «touche pas à mon pote».
Et puisque les débats n’en finissent pas de rebondir, dans les journaux
français, on pourrait, pour une fois, se montrer réactifs. Les crispations
identitaires agissent aussi sur le goût vestimentaire. Des petits malins en
ont d’ailleurs profité pour vendre des tee-shirts «musulmans», avec
calligraphies et autres slogans. Pourquoi pas des chéchias ? Les Européens
amateurs d’exotisme pourraient constituer une cible de choix pour nos
maîtres artisans. Et après tout, n’a-t-on pas vu des chapeaux tibétains sur
des têtes allemandes, des capuchons péruviens adoptés par des Suisses ?
C’est qu’il fait froid, chez nous, là-bas !