Lourde rechute des marchés face à la récession et des devises volatiles

[22/10/2008 21:03:58] PARIS (AFP)

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Le New York Stock Exchange (NYSE) le 21 octobre 2008 (Photo : Spencer Platt)

Un sommet mondial sur la crise réunira les pays du le 15 novembre près de Washington, a annoncé mercredi la Maison Blanche, ce qui n’a pas enrayé la chute des marchés financiers affolés par les signes tangibles de récession.

Ce premier sommet, accepté par les Etats-Unis sous la pression des Européens, réunira les principaux pays industrialisés et émergents (G-20), un conclave créé en 1999 après les crises asiatique et russe.

La réunion visera à “discuter des causes de la crise financière” et “identifier les principes de réformes” pour éviter qu’elle ne se reproduise, selon une porte-parole du président George Bush.

Des experts financiers seront chargés de “formuler des recommandations” en vue d’un sommet ultérieur qui pourrait être organisé avant la fin du mandat de M. Bush le 20 janvier.

Face à la pire crise depuis 1929, Européens et Américains étaient tombés d’accord samedi pour réunir une série de sommets internationaux afin de réfléchir à une refonte du système financier international.

Les marchés financiers ont fait peu de cas de cette annonce, tétanisés par les répercussions de la crise financière sur les résultats des entreprises et les craintes d’une récession de grande ampleur.

Après avoir campé dans le rouge pendant la journée, les Bourses européennes ont plongé en clôture: Paris a perdu 5,01%, Francfort et Londres 4,46%.

La Bourse de New York, en baisse dès l’ouverture, a accéléré ses pertes, le Dow Jones perdant 4,50% et le Nasdaq 3,18% vers 17H35 GMT.

L’euro a poursuivi son plongeon face au billet vert, dopé par les perspectives d’un nouveau plan de relance aux Etats-Unis. A 16H00 GMT, la devise européenne s’échangeait à 1,2840 dollar.

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évolution de l’euro face au dollar depuis deux ans

Le nouvel ordre mondial qui pourrait sortir du sommet reste encore flou.

L’UE veut une réforme profonde du système actuel, une sorte de Bretton Woods bis, du nom des accords de 1944 qui avaient jeté les bases du système financier actuel. Les Européens proposent une supervision mondiale des marchés, qui serait confiée au Fonds monétaire international (FMI).

Réticent à l’idée d’une refonte du système, George Bush a souligné à plusieurs reprises son attachement aux “fondements du capitalisme démocratique” et à la “liberté des marchés”.

Le président français Nicolas Sarkozy, qui avait lancé l’idée d’un sommet fin septembre, a aussitôt salué l’annonce. La série de sommets vise à “refonder le système financier international”, en passant par une “surveillance plus efficace de tous les opérateurs”, a-t-il souligné.

En attendant, les marchés financiers ont poursuivi leur glissade.

Les pires dégringolades ont été enregistrées à Madrid (-8,7%) et surtout Buenos Aires (-16,1% à mi-séance), toutes deux très affectées par le projet de nationalisation du système privé de retraites en Argentine annoncé mardi par la présidente Cristina Kirchner.

Les Bourses asiatiques étaient aussi mal orientées, avec des chutes de 6,79% à Tokyo, 5,20% à Hong Kong et 3,20% à Shanghai.

L’euro poursuivait sa chute alors que les divergences d’approche en Europe sur les remèdes à apporter à la crise ont éclaté au grand jour.

L’Allemagne a ainsi sèchement renvoyé dans les cordes le président français Nicolas Sarkozy et sa proposition de créer des fonds souverains nationaux pour protéger l’industrie contre des prédateurs étrangers.

La monnaie européenne est passée sous 1,30 dollar, soit une perte de plus de 20% depuis son sommet historique de 1,60 dollar le 15 juillet. La livre britannique est, elle, tombée à un plus bas depuis plus de cinq ans face au billet vert.

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à Bruxelles le 16 octobre 2008 (Photo : John Thys)

Ces mouvements marquent le retour en grâce du dollar, les cambistes tablant sur un deuxième plan de relance américain, alors qu’ils doutent de la capacité des dirigeants européens à trouver une riposte commune face à la récession.

Les Européens ont en effet écarté toute idée de plan de relance généralisé.

Pourtant, le mot “récession” n’est désormais plus tabou.

“Après avoir pris des mesures pour le système bancaire, nous devons maintenant agir contre la récession financière mondiale”, a plaidé mercredi Gordon Brown à la Chambre des communes.

M. Brown a reconnu s’attendre à “une récession en Amérique, en France, en Italie, en Allemagne, au Japon, et, parce qu’aucun pays n’est immunisé, en Grande-Bretagne aussi”.

En Suisse, les économistes d’UBS ont estimé mercredi que l’économie européenne allait entrer “en récession quasiment au même moment que les Etats-Unis”.

En France, Nicolas Sarkozy présentera jeudi une série de mesures de soutien à l’économie, notamment en faveur des PME, dont des dispositions destinées à amortir les effets de la crise sur l’emploi.

Les derniers résultats d’entreprises ont confirmé la contagion de la crise financière à l’économie, avec des conséquences lourdes pour l’emploi.

Le géant pharmaceutique américain Merck, dont le bénéfice trimestriel a baissé d’un tiers, a annoncé la suppression de 7.200 postes d’ici à 2011.

Le groupe internet américain Yahoo! a annoncé un bénéfice net divisé par trois pour le troisième trimestre et une réduction d’au moins 10% de ses effectifs d’ici la fin de l’année.

Sur les 90 sociétés américaines qui ont fourni entre lundi et mercredi des prévisions de résultats, 42% étaient négatives et seulement 6% positives, selon un recensement du site d’informations financières Briefing.com.

Le marasme économique risque en effet de se transformer en crise sociale.

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économiste John Maynard Keynes en juillet 1944 à la conférence de Bretton Woods

Selon une responsable des Nations Unies chargée du programme pour l’habitat, la crise pourrait déclencher des émeutes au sein de la population urbaine grandissante dans le monde, alors que des habitants n’arrivent plus à payer leur loyer.

Autre indicateur de la crise, l’or noir poursuivait sa chute: les cours sont passés sous les 65 dollars à Londres, au plus bas depuis mai 2007, et tournaient autour de 68 dollars à New York, après l’annonce d’un bond plus important que prévu des stocks américains d’hydrocarbures.

De quoi alimenter le débat parmi les membres de l’OPEP sur l’ampleur de la réduction de production qu’ils vont décider vendredi à Vienne.