Souheil Nabli : “Les risques du métier, c’est notre métier


Propos recueillis par Mohamed BOUAMOUD

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Comment fonctionne une Société de recouvrement ?

 


Souheil Nabli
 :
La Société de recouvrement dispose à un moment d’une créance restée impayée.
Evidemment, il y a les mandatés de la Justice, c’est-à-dire l’avocat puis
l’huissier. Au milieu, il devrait y avoir le gestionnaire, et c’est nous les
gestionnaires de la créance. Avant de passer en justice, nous tentons de la
recouvrer à l’amiable, l’objectif étant de trouver une solution à même
d’équilibrer entre le créancier et le débiteur. Le professionnel du
recouvrement dispose des méthodes nécessaires, maîtrise les procédures
adéquates, gère les délais, mais surtout sait tenir le discours qu’il faut
avec le débiteur.


 


Votre partenaire est donc
toujours le créancier ?

 

Nous représentons certes
le créancier, mais cela ne veut pas dire qu’on ne prend pas en compte la
situation du débiteur. Parfois, le créancier ne peut pas être payé parce que
tout simplement le débiteur ne peut pas payer selon les conditions exigées
par le créancier. Sur le principe, le débiteur est généralement d’accord ;
il faudrait juste trouver la solution en cherchant à comprendre la situation
du débiteur dont on fait part au créancier avec une proposition de payement
de la créance selon les possibilités du débiteur. De la sorte, on peut
aboutir à une solution sans dégât, sans passer par la Justice. Mais il est
vrai qu’au cas échéant, on est enclin à passer aux procédures forcées, le
tribunal et toute la machine judiciaire. Ces mesures contraignantes, nous
les passons aux mandatés par la loi, l’avocat et l’huissier. Pour autant,
notre activité ne s’arrête pas là : on doit relancer tout le temps l’avocat,
voir s’il a rencontré quelques obstacles d’ordre juridique ou de fait pour
intervenir. C’est donc, pour nous, une gestion de la créance, une gestion de
l’avocat, une gestion du huissier dans toutes ses interventions, et jusqu’à
celle de trouver un dépôt en cas de saisie des biens du débiteur. Notre
tâche est autrement plus lourde quand nous intervenons pour un groupe
d’entreprises ou des banques qui comptent des centaines, voire des milliers
de créances. Pour gérer le nombre, il faut se doter d’outils informatiques,
de logiciels très développés et d’un personnel très qualifié.


 


Qui peut être
recouvreur ?

 

Selon le texte de la loi,
pour exercer l’activité du recouvrement, il faudrait répondre à certaines
conditions dont je citerai les principales : avoir un capital de départ
d’une hauteur de 300 mille dinars ; revêtir le caractère d’une Société
anonyme dûment contrôlée par le ministère des Finances en sa qualité de
Société de services ; la première personne responsable ne doit pas avoir
d’antécédents ou être sujet à quelques interdictions (interdit de chéquier
ou autre). C’et tout de même l’argent des entreprises qui est entre nos
mains, par conséquent il faudrait une Société où le problème de l’insécurité
ne se pose même pas.


 


Une agence de
recouvrement, ou une Société de recouvrement, quelle différence ?

 

On peut confier la
créance à une Société de recouvrement créée dans le cadre de la loi, comme
on peut la confier à une petite agence, c’est-à-dire une personne physique
ayant créé sa propre agence. Sauf que le risque est incomparable. Entre
confier la créance à une personne physique dont on ne sait pas vraiment ce
qu’elle va en faire, ou la confier à une Société – donc une institution –
dont le PDG même est un fonctionnaire parmi les fonctionnaires, cela change.
Pour peu que la personne physique disparaisse dans la nature avec la
créance, et bonjour les vrais dégâts.


 


En rachetant des
créances, vous ne courez pas de gros risques ?

 

A toute activité son
risque. En ce qui nous concerne, les risques du métier c’est notre métier.
Mais je dois dire que dans notre activité, chaque risque est sujet à
analyse. A travers notre expérience, nous avons traité plusieurs types de
créances, de la plus petite à la plus importante, et de différents âges.
Aujourd’hui, c’est notre propre historique qui nous dicte la décision à
prendre : sur tel type de créances, nous avons réussi jusqu’à 60 %, mais sur
tel autre, nous n’avons gagné qu’à concurrence, par exemple, de 30 %. Tout
est étudié : le type de créance, le montant, la personne ou la nature de
l’entreprise débitrice, la région même du débiteur, le support de la créance
(chèque, traite, reconnaissance de dette…), et l’âge de la créance. Ce qu’on
étudie, au juste, c’est notre performance sur tel ou tel type de créances.


 


Réussir à hauteur de 60 %
veut dire échouer à concurrence de 40 %. Est-ce que vous parlez en termes
d’échec de recouvrement ?

 

Nous parlons en termes de
‘‘Recouvrable’’ et ‘‘d’irrécouvrable’’. Nous ne sommes pas des
prestidigitateurs capables de réussir à tous les coups. L’irrécouvrable peut
être le cas d’un type en prison, un autre qui s’est exilé à l’étranger,
etc., et là, nous ne pouvons rien. Par exemple, il nous est arrivé de
racheter une créance qui allait s’avérer…tout à fait en règle, qu’elle
n’était même pas une créance. Nous avons perdu de l’argent, mais c’était le
prix à payer pour apprendre. Chaque fois que nous héritons d’une proposition
de rachat d’une créance, nous l’analysons selon les critères de nos
performances, et selon les risques que cela comporte. Cela étant, nous
n’avons commencé à racheter des créances que l’an dernier, mais il le
fallait, nous devions tôt ou tard apprendre à prendre de tels risques.

 

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