Maghreb : la Tunisie a-t-elle définitivement perdu la bataille de la banque face au Maroc ?

Maghreb : la Tunisie a-t-elle définitivement perdu la bataille de la banque
face au Maroc ?

Par

Moncef MAHROUG

Concurrents, la Tunisie et le Maroc le sont dans bon nombre de secteur
économique, notamment dans la banque. Les Tunisiens ont été les premiers à
s’internationaliser, avec la création de l’Union Tunisienne de Banque (UTB,
à l’initiative de la Banque Centrale de Tunisie) en 1977 à Paris. Dix ans
plus tard, la Société Tunisienne de Banque, première banque de Tunisie,
avait créé la Banque sénégalo-tunisienne (BST) en 1986, à Dakar, une autre
au Liban, et pris une participation dans une banque à Ouagadougou.

 

Depuis, les banques tunisiennes n’ont non seulement pas étendu leur présence
à l’international, mais ont même reflué : certes l’UTB existe toujours, mais
la BST a été rachetée en janvier 2007 par… Attijariwafa Bank, et la filiale
libanaise de la STB a été cédée à des Libyens.

 

Donc, c’est plutôt à une offensive bancaire marocaine au Maghreb en général
–mais également en Afrique francophone subsaharienne- et en Tunisie, en
particulier, que l’on assiste. La «razzia» marocaine a commencé fin 2005
avec le rachat de l’ex-Banque du Sud par Attijariwafabank –en partenariat
avec Banco Santander-, puis la prise d’une participation majoritaire par la
Banque marocaine de commerce extérieur (BMCE) dans le capital du groupe
naissant Axis (intermédiation boursière, conseil financier aux entreprises,
gestion d’actifs).

 

Depuis, Attijariwafabank a ouvert un bureau en Libye –où elle s’est
récemment intéressée au rachat de 19% du capital de la banque «Al Wahda »-,
soumis –en 2006- une demande d’agrément pour la création d’une banque el
Algérie (où la banque marocaine s’est également intéressée au Crédit
populaire d’Algérie, proposée à la privatisation), et annoncé, en novembre
2007, l’ouverture d’une filiale en Mauritanie.

 

Cette forte montée en puissance d’Attijariwafabank sur le plan maghrébin,
s’est accompagnée d’une percée spectaculaire en Afrique francophone
subsaharienne. Outre la reprise en janvier 2007 de 66,67% du capital de la
Banque sénégalo-tunisienne, rebaptisée depuis Attijari bank Sénégal, le
groupe Attijariwafa bank a racheté en novembre dernier, auprès du groupe
Mimran, 79,15% du capital de la CBAO (Compagnie Bancaire de l’Afrique
Occidentale) au Sénégal, et est candidat pour la prise de contrôle de la
Banque Internationale pour l’Afrique au Niger (BIA).

 

La BMCE n’est toutefois pas en reste. Le groupe bancaire de l’homme
d’affaires Othman Ben Jalloun est présent en Afrique centrale, mais surtout
en Afrique de l’Ouest, et principalement au Sénégal à travers BMCE Capital,
sa banque d’affaires, qui a installé une filiale dans ce pays en 2003. En
septembre dernier, la BMCE a signé un accord pour le rachat de 35% du
capital d’African Financial Holding (AFH), qui contrôle le groupe Bank of
Africa (BOA), présente dans onze pays, aux quatre coins du Continent, dont
Madagascar, le Kenya, l’Ouganda et l’Ile Maurice.

 

La BMCE n’est pas moins active au Maghreb. A la recherche d’autres
opportunités en Tunisie, cette banque a déjà fait acte de candidature –comme
Attijariwafabank- pour le rachat de la Banque Franco-Tunisienne et pour la
Banque Tuniso-Koweitienne. En Algérie, elle a déjà déposé une demande pour
l’ouverture d’une filiale, et s’intéresse en plus à la Mauritanie.

 

Néanmoins, Attijariwafabank et la BMCE ne sont pas les seules banques
marocaines à faire montre d’activisme au Maghreb et en Afrique. Le groupe
Banques Populaires est un autre acteur important dans ce domaine. Candidat
malheureux pour le rachat des 60% du capital de la Banque Tuniso-Koweitienne,
récemment cédés par les Etats tunisien et koweitien, ce groupe, déjà présent
en Guinée et en République Centrafricaine, aurait obtenu un agrément pour
monter une filiale en Mauritanie.

 

Face à ce «jaillissement » spectaculaires des banques marocaines au Maghreb
et en Afrique, les banques tunisiennes esquissent une timide riposte.
Première à se lancer, AMEN Bank a créé une société de leasing en Algérie et
projette de s’y doter d’une banque. La B.I.A.T., la plus importante banque
privée de Tunisie, qui vient d’ouvrir un bureau en Libye (où la BTL et l’ATB
se sont également implantées), vient de déposer une demande d’agrément pour
installer une filiale en Algérie.

 

Toutefois, aucune banque tunisienne n’est présente au Maroc, ou n’a à ce
jour annoncé de projets sur ce pays….