Partenariat social : Comment associer liberté et sécurité!

Par : Autres


Par Ghanie Ghaussy*

Un des acquis les plus importants de
l’«économie sociale de marché» est la création d’un «partenariat social»
responsable à l’intérieur d’un ordre économique libéral. Il s’agit avant
tout d’une liberté, à l’intérieur de laquelle les «partenaires sociaux», les
travailleurs organisés (syndicats) et les entreprises responsables
(patronat) conçoivent, sans l’intervention directe de l’Etat, les conditions
sociales du travail.

 

Dans le domaine de la politique de
l’emploi, la politique des salaires est gérée en exclusivité par les
partenaires sociaux, sans intervention directe de la politique ou de l’Etat.
Dans ce sens, le partenariat social est aussi la mise en œuvre du principe
de subsidiarité qui accorde la priorité aux entités privés (individus,
institutions) qui règlent elles-mêmes leurs affaires. Les partenaires
sociaux conviennent ensemble des conventions collectives qui comprennent,
outre les dispositions relatives aux salaires, des règles concernant le
droit du travail. Ce système a été réalisé dans certains Etats occidentaux
comme en Allemagne qui, pour les besoins de cet article, nous servira
d’exemple.

 

Le système d’un partenariat social
volontaire tel que défini ci-dessus, n’a pas encore été réalisé dans le
monde arabe. Les différents Etats arabes ont opté pour une politique de
régulation, autrement dit ils ont créé les conditions pour une organisation
plus ou moins sociale de la vie économique en adoptant de nombreuses mesures
étatiques directes pour les marchés de production et le marché du travail.
Le patronat autant que les travailleurs doivent se soumettre, pour autant
qu’ils soient concernés par les réglementations, à cette politique. Ces
mesures déterminent –p. ex. sous forme de décrets– dans les Etats à tendance
socialiste (Syrie, Libye, Algérie et, à un moindre degré, l’Egypte) les
interventions directes de l’Etat dans l’ensemble de la politique
entrepreneuriale. Si dans d’autres Etats plus orientés vers l’économie de
marché (Jordanie, Arabie-Saoudite, Liban, Etats du Golfe), la politique
régulatrice joue également un certain rôle, son importance semble plus
limitée que dans le premier groupe d’Etats mentionnés ci-dessus. Notons ici
que le degré d’influence que la politique régulatrice exerce sur les marchés
du travail et des capitaux ainsi que sur la formation et les innovations
détermine également la «bonne gouvernance», autrement dit la qualité de
l’ordre économique est plus ou moins amoindrie par le nombre d’obstacles
bureaucratiques mis en place par les différents gouvernements.

 

Si le partenariat social idéal est une
utopie difficile à réaliser, certains pays germanophones comme l’Allemagne,
la Suisse ou l’Autriche, mais également le Benelux et la France se sont
rapprochés de l’idéal d’un «partenariat social optimal».

 

Le partenariat social en Allemagne se
compose des organisations syndicales en tant que représentants des
travailleurs, et des organisations patronales. L’organisation faîtière des
syndicats, la Fédération des syndicats allemands (Deutscher
Gewerkschafts-bund – DGB) avec ses 6,6 millions d’adhérents est composée de
: IG-Metall avec 2,3 millions, Ver.di avec 2,2 millions, Christlicher
Gewerkschaftsbund avec 0,7 million, IG Bau avec 0,4 million et plusieurs
petits syndicats dont le nombre global est d’environ 1 million. La puissance
des syndicats en Allemagne n’est pas uniquement une question quantitative,
elle relève notamment du fait que ces organisations ne sont pas seulement
représentées dans les instances économiques, les organismes de la sécurité
sociale, la formation professionnelle et la radio mais également dans la
politique et la justice. A cette association qui veille sur les intérêts des
travailleurs, s’oppose les organisations patronales (Bundesverband der
deutschen Industrie BDI et autres groupements d’intérêt des entrepri
entreprises) qui sont également représentées au niveau de la politique et de
l’Etat.

 

En tant que partenaires sociaux, les deux
groupes – patronat et syndicats – jouent un rôle particulier dans la
politique des salaires et la politique de l’emploi. La première relève du
seul domaine des partenaires sociaux, sans intervention aucune de l’Etat.
Les partenaires sociaux négocient les conventions collectives, qui
comprennent des aspects relatifs aux salaires mais également des aspects
relatifs au droit du travail. Ces conventions sont dans la majorité des cas
déclarées obligatoires. Alors que dans le domaine de la « sécurité sociale »
l’Etat règle, en accord avec les partenaires sociaux, les mesures relatives
aux différentes assurances obligatoires – vieillesse, maladie, dépendance,
accident, chômage – le paiement des salaires en cas de maladie, le congé
payé et les jours fériés payés, en déterminant le seuil minimal, les mesures
des partenaires sociaux peuvent dépasser ce cadre au profit des
travailleurs. Ces mesures concernent les accords sur le temps de travail qui
lient les entreprises et les conseils d’entreprise par des accords
individuels correspondants, la flexibilisation du temps de travail, le seuil
d’acceptabilité pour la mobilité professionnelle, la protection du travail
et la santé sur le lieu de travail, les versements spéciaux pour certaines
occasions, p. ex. les bonus de Noël, et les gratifications mensuelles
spéciales, le salaire mensuel supplémentaire et la prévoyance retraite de
l’entreprise ainsi que les structures pour la formation et la formation
continue dans l’entreprise. Ce « filet social » que les entreprises doivent
assumer à titre de charges salariales s’élève en Allemagne de l’Ouest à 70 %
et en Allemagne de l’Est à environ 63 % des coûts du travail. Cette charge
constitue un inconvénient majeur pour les entreprises allemandes en termes
de compétitivité nationale et internationale. Pour les travailleurs ces
charges constituent à la fois des inconvénients – les contributions à la
sécurité sociale réduisent le montant du salaire net – et des avantages
considérables dans la mesure où ils profitent des accords relatifs aux
salaires.

 

Dans ce contexte, il faut également
mentionner que la mise en œuvre des mesures citées n’est pas facile. Elle
diffère considérablement d’une branche à l’autre, voir à l’intérieur d’une
même branche entre les différentes entreprises, en fonction des conventions
collectives applicables. Les taux de croissance relativement faibles et le
taux de chômage en hausse, ont affaibli, au cours des dix dernières années,
la position des partenaires sociaux, notamment des syndicats. Le patronat
est moins disposé à faire des concessions au niveau des salaires et les
syndicats ne peuvent plus faire accepter leurs revendications salariales.
Pour cette raison, le nombre de travailleurs syndiqués a été réduit de
presque la moitié au cours des quinze dernières années (1991-2006). La
mondialisation et l’intégration de la main-d’œuvre de l’Europe de l’Est et
d’outre-mer ainsi que la délocalisation des entreprises à l’étranger ont
également contribué à affaiblir la position des syndicats. Et pourtant,
selon un rapport publié par l’«Institut der Deutschen Wirtschaft – IWD»,
leur importance en tant que partenaire social et contre-pouvoir face à la
puissance du patronat et du capital n’est pas contestée en Allemagne.

 

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* Ghanie Ghaussy
est professeur émérite en économie politique. Il a enseigné dès 1979 à la
Helmut Schmidt Universität/Université de l’Armée allemande à Hambourg. Pr. Ghaussy
est un éminent expert de l’islam et un grand connaisseur de l’économie
sociale de marché.

 

Né en 1932 à Kaboul,
ville où il étudie à l’Ecole allemande, il fait son habilitation en 1964 à
l’Université de Berne et enseigne, à partir de 1965, en tant que professeur
à la faculté des sciences économiques de l’université de Kaboul. De 1966 –
1974, il assume également les fonctions de gouverneur de la Banque centrale
afghane. Après avoir passé quelques années aux Etats-Unis pour approfondir
ses recherches, il retourne en 1977 en Allemagne pour y enseigner à
l’université.

 

 

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A propos de
Konrad-Adenauer-Stiftung – Programme Régional Proche Orient/ Méditerranée

La
Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS), une des plus éminentes fondations politiques
en Allemagne est l’héritière fidèle du premier chancelier allemand Konrad
Adenauer (1876-1967) qui a introduit l’économie sociale de marché dans
l’économie allemande d’après-guerre en étroite collaboration avec son
ministre de l’économie Ludwig Erhard et en s’inspirant de l’Ecole de
Fribourg.

 

Animée par le désir de
promouvoir et de soutenir la démocratie, la liberté et la justice, la
Konrad-Adenauer-Stiftung déploie, depuis plus de 25 ans, ses activités dans
la région du Proche et Moyen Orient et la Méditerranée. Dans le cadre de ses
activités qui visent à développer un ordre économique adéquat, la KAS se
base essentiellement sur l’économie sociale de marché, un concept qui a fait
ses preuves en Allemagne et a été adopté par de nombreux Etats européens. La
KAS voudrait partager l’expérience allemande et contribuer à une
connaissance plus approfondie de l’économie sociale de marché parmi ses
partenaires et amis dans la Région Proche Orient / Méditerranée. La
Konrad-Adenauer-Stiftung reste convaincue que les principes de l’économie
sociale de marché offrent des solutions tout à fait adaptées aux défis à
relever, aujourd’hui, par les économies arabes. 

 

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