Le défi indien : le laboratoire et demain l’usine du monde

Par : Tallel
Le défi indien : le laboratoire et demain l’usine du monde

A l’occasion du
séminaire sur “le défi indien” organisé par la CCIP et Ubifrance, vendredi
29 septembre, Christophe Jaffrelot, directeur du Centre d’études et de
recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, a analysé les raisons du
succès économique de l’Inde. Spécialiste de l’Inde*, il a aussi mis en
lumière les entraves à son modèle de croissance.

 

Avec un taux de
croissance de plus de 8%, la “plus grande démocratie du monde” avance à
grands pas dans “un environnement international propice”. Pour le
spécialiste de l’Inde, Christophe Jaffrelot, l’alternance, avec le retour du
parti du Congrès en 2004, a “rebattu les cartes”, même si, rappelle-t-il,
“la libéralisation du pays a commencé dès 1991”. Intervenant lors d’un
séminaire sur “le défi indien” organisé par la Chambre de commerce et
d’industrie de Paris et Ubifrance, vendredi 29 septembre, le directeur du
Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) s’est montré
confiant dans l’avenir et la stabilité du pays. Si la participation des
communistes au gouvernement “constitue un frein pour les réformes et les
privatisations” (mot tabou en Inde où l’on parle de “désinvestissements”),
“le cap de l’ouverture est maintenu”, a-t-il insisté.

 

Selon Christophe
Jaffrelot, “le rapprochement entre l’Inde et les Etats-Unis est
spectaculaire et pratiquement accompli, notamment en ce qui concerne le
partenariat stratégique entre les deux pays”. En témoigne le succès de la
diaspora indienne aux Etats-Unis qui compte plus de deux millions de
personnes. “C’est la communauté asiatique la plus riche des Etats-Unis en
termes de revenus par tête”, a souligné C. Jaffrelot. “Les Etats-Unis sont
les premiers partenaires commerciaux de l’Inde, celle-ci apparaît aux
Américains comme un contrepoids à la Chine.”

 

Autre tendance : le
resserrement des liens entre l’Inde et le reste de l’Asie. “L’Inde se
rapproche du Japon et des pays de l’Asean en général”, a-t-il noté. Mais le
phénomène le plus important à ses yeux est “le rapprochement sino-indien qui
risque de déjouer les plans américains”.

 


Un creusement des écarts

 

Pour Christophe Jaffrelot,
il existe aussi un certain nombre d’entraves au développement indien. Tout
d’abord, le creusement des écarts. Dans ce pays de tradition “socialiste”,
l’apparition d’une “upper middle class” de 35 millions de personnes ayant un
niveau de vie comparable à celui des Européens (1000 dollars par mois) est
facteur de tensions. Les nouveaux riches s’isolent dans des “golden ghettos”
quand “350 millions d’Indiens ont encore un revenu inférieur à un ou deux
dollars par jour”. Ces inégalités sociales se doublent d’une inégalité
géographique : la moitié sud-ouest croît beaucoup plus vite que la moitié
nord-est. Tout cela crée un terreau favorable “à la coulée maoïste qui vient
du Népal”, a-t-il indiqué.

 

Autre hypothèque pour
l’avenir : le rapport entre les musulmans et les hindous. Selon Christophe
Jaffrelot, “les tensions entre les deux communautés ne sont pas uniquement
d’ordre religieux mais aussi socio-économiques, les musulmans ont souvent un
niveau de vie inférieur aux intouchables”.

 

C. Jaffrelot a montré les
effets positifs de la politique des quotas mise en œuvre depuis les années
1990 dans la fonction publique et les universités, estimant que “la
discrimination positive” devait “être étendue aux musulmans”.

 


“Un goulet d’étranglement
majeur”

 

Si l’état des
infrastructures -manque de routes, de chemins de fer, insuffisance des ports
et aéroports- constitue un autre frein au développement indien, la question
énergétique “constitue un goulet d’étranglement majeur”. “Les déperditions
sont énormes. Plutôt que de se fournir à l’extérieur, l’Inde a surtout
besoin de rationaliser le secteur”, a-t-il déclaré.

 

Pour C. Jaffrelot, enfin,
le facteur démographique peut être à la fois un problème et un atout : “L’Inde
est le seul pays dont la population va augmenter jusqu’en 2040, le rapport
de forces entre l’Inde et la Chine va s’inverser, l’Inde aura alors la main
d’œuvre la plus nombreuse et la moins chère”. Souvent présentée comme le
laboratoire du monde du fait de l’importance de ses services, l’Inde
pourrait aussi en être l’usine : “L’économie indienne va alors emprunter un
parcours exceptionnel en passant de postindustrielle à industrielle.”

Source :

http://www.google.fr/search?hl=fr&q=d%C3%A9fi+indien+1+%3A+le+laboratoire+et+demain+l%27usine+du+monde+&meta