Amende record pour Telefonica : Bruxelles fait un exemple dans un secteur clé

 
 
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Logo de Telefonica (Photo : Eric Cabanis)

[04/07/2007 16:07:39] BRUXELLES (AFP) Bruxelles a infligé mercredi une amende record au géant des télécoms espagnol Telefonica pour abus de position dominante dans le haut débit, preuve qu’elle veut sévir contre tout ce qui sape la compétitivité dans ce secteur jugé clé de l’économie européenne.

Cette amende de 151,8 millions d’euros est la deuxième plus lourde jamais imposée par Bruxelles pour abus de position dominante, derrière l’amende de 497 millions d’euros infligée au géant américain des logiciels Microsoft en 2004.

Elle est aussi 10 fois supérieure aux sanctions infligées en 2003 à Wanadoo, filiale internet de France Telecom (10,3 millions) et à l’allemand Deutsche Telekom (12,6 millions), également pour abus de position dominante dans le haut débit.

L’amende sanctionne les prix de gros qu’imposait Telefonica à ses concurrents entre septembre 2001 et décembre 2006, qui ont selon la Commission retardé le développement du haut débit en Espagne. Bridant du même coup le développement de l’internet et l’avènement de services de télécoms de plus en plus sophistiqués, des secteurs où l’Europe est sous pression constante des Etats-Unis et de l’Asie.

Alors que les rivaux de Telefonica ne pouvaient se passer du réseau de l’opérateur historique pour offrir des services aux particuliers -Telefonica étant seul à disposer d’un réseau de téléphonie fixe dans toute l’Espagne- l’écart entre les prix de gros qu’il leur imposait et les prix de détail qu’il proposait lui-même aux particuliers obligeaient ses rivaux à comprimer tellement leurs marges qu’ils ne pouvaient que perdre de l’argent sur ce marché, a expliqué la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes.

“Je ne tolèrerai pas que des entreprises dominantes fixent des prix qui entravent la libéralisation du marché des télécommunications,” a déclaré Mme Kroes, qui n’a cessé depuis son arrivée à la Commission en 2004 d’alourdir les amendes infligées aux entreprises.

Elle a justifié cette amende record par l’importance des télécoms qui “avec les transports et l’énergie, sont les artères principales du marché intérieur” européen.

Elle a aussi souligné que si Telefonica écopait d’une sanction plus lourde que ses homologues français et allemand il y a quatre ans, c’était dans l’espoir d’avoir enfin “un effet dissuasif” sur toutes les sociétés du secteur.

Telefonica, qui a selon la commissaire tenté “un lobby d’enfer” pour échapper à cette amende, a annoncé qu’il contesterait la décision de Bruxelles devant la Cour européenne de justice.

Un avocat belge spécialiste de la concurrence, Jean-François Bellis, a cependant jugé ses chances très minces, vu que “depuis 1983 aucune décision pour abus de position dominante n’a été annulée, même partiellement”.

Alors que France Télécom – devenu deuxième opérateur en Espagne pour l’ADSL avec 18% du marché – se réjouissait d’une amende qui promet de “dynamiser la concurrence”, Telefonica estime “injustifiée et disproportionnée la décision de Bruxelles, tant au niveau juridique qu’économique”.

L’opérateur espagnol affirme aussi que cette décision “aura un impact direct sur le développement du secteur, au préjudice du consommateur final européen”.

Mais Mme Kroes estime au contraire que cette amende compense le “préjudice considérable” subi par les consommateurs espagnols, qui “paient 20% de plus que la moyenne des 15 anciens pays membres de l’UE” pour l’accès au haut débit.

En conséquence, le taux de pénétration espagnol de l’accès à large bande est de 20% inférieur à la moyenne des 15 et le taux de croissance de ce marché est aussi inférieur de 30% à la croissance moyenne, a-t-elle fait valoir.

 04/07/2007 16:07:39 – © 2007 AFP