Agriculture : La Banque mondiale suggère une libéralisation «immédiate mais progressive »

 

 

agric200.jpgUne étude menée par la Banque mondiale
et l’Agence Française de Développement, à la demande du gouvernement
tunisien, démontre les faiblesses de l’agriculture tunisienne. Et propose
comme remède une libéralisation immédiate et progressive du secteur.

Parce que le secteur agricole en Tunisie «pénètre dans de nouveaux
territoires, avec des revenus plus élevés, des taux de pauvreté plus faibles
et des nouveautés dans les goûts des consommateurs, des structures du marché
et des accords commerciaux », «les décideurs se heurtent à des défis qui
n’existaient pas tout simplement il y a dix ans et se demandent si les
solutions du passé sont encore d’actualité », écrit l’économiste principal à
la Banque mondiale, Alexander Kremer, dans un article (paru dans la lettre
d’information trimestrielle du Groupe de la Banque mondiale au Maghreb)
résumant une étude sur l’agriculture en Tunisie lancée par la Banque et
l’Agence Française de Développement, à la demande du gouvernement tunisien.

Au premier abord, «la performance historique du secteur semble forte. Compte
tenu des effets de sécheresse transitoires, il a progressé au même rythme
que la croissance économique dans son ensemble. Les rendements par hectare
sont accrus à 2,8% par an entre 1989 et 2003, grâce à un plus grand usage
des engrais chimiques, de la mécanisation et des semences améliorées, grâce
aussi à des agriculteurs compétents et à l’expansion des cultures irriguées
». De même, poursuit l’auteur, «l’agriculture a fourni un quart des nouveaux
emplois en Tunisie dans les années 90, créant deux fois plus d’emplois par
unité de PIB que l’économie dans son ensemble ».

Mais à regarder de plus près, on s’aperçoit que «l’agriculture n’apporte pas
pleinement sa contribution potentielle à l’économie ». Et l’économiste en
chef de détailler le diagnostic en mettant en exergue trois principales
faiblesses : une offre de main-d’œuvre croissante qui «cache la stagnation
de son efficacité », puisque «la main d’œuvre agricole a augmenté de 20 %
entre 1993 et 2002, mais il n’y a pas de hausse tendancielle de sa
productivité », une réussite de l’agriculture «obtenue moyennant des coûts
pour le reste de la société : des subventions, des prix de nourriture &e!
acute;levés et un taux de croissance réduit », les «deux cinquièmes de la
croissance de l’agriculture représentent une perte pour l’économie

parce qu’elle provient de produits qui coûteraient moins à l’importation
(les bovins et le lait) », et, enfin, des résultats insuffisants dans les
fruits et légumes – entre 1980 et 2000 la valeur des exportations a chuté de
0,3 % par an, et les quotas d’importation de l’UE sont sous-utilisés »-,
alors que la Tunisie «a le potentiel d’être compétitive ».

Comment remédier à cette situation et «réaliser tout le potentiel de ce
secteur clé ?». Soulignant le fait que «la protection douanière élevée a
comme effet d’inciter l’agriculteur tunisien à se concentrer sur les
produits, comme le blé tendre, le lait, la pomme de terre et la viande
bovine, où les coûts de production sont supérieurs au prix d’importation, ce
qui implique une perte économique pour la nation », l’étude recommande,
d’abord, «la libéralisation immédiate – mais progressive – des
importations céréalières », car elle permettrait «d’augmenter la
contribution nette de l’agriculture à la nation ». Reconnaissant le fait que
«la bonne gestion de l’impact social de telles réformes est bien sûr
primordiale », les auteurs de l’étude font remarquer que l’expérience de
pays comme la Turquie et le Mexique a démontré «l’efficacité sociale et
financière d’un programme de transferts monétaires bien ciblés sur les
ménages vulnérables ».

Mais la Banque mondiale suggère aussi de «mettre fin au contrôle de fait des
prix pour les produits agricoles, aux importations gouvernementales ad hoc
et à la régulation des marges de détail », car «ce serait un moyen
d’encourager les produits de qualité et des circuits de commercialisation
modernes ». Et les auteurs voient dans la «réaction explosive » du secteur
privé au retrait du monopole d’exportation de l’Office National des Huiles
en 2004,

la preuve que «l’agriculture tunisienne peut répondre à la libéralisation.
Le graphe ci-dessous démontre sa réaction explosive ».
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1- Financé par la Banque mondiale dans le cadre du Projet
d’Appui aux Services Agricoles.