Les syndicats mondiaux alertent sur les fonds d’investissement

 
 
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Le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES) John Monks, le 14 février 2006 à Strasbourg (Photo : Gérard Cerles)

[16/03/2007 18:08:48] PARIS (AFP) Des syndicats du monde entier, dont l’AFL-CIO américaine, ont lancé un appel vendredi à Paris pour construire une parade à l’emprise croissante des fonds d’investissement dans l’économie, qu’ils jugent dangereuse pour la pérennité des entreprises et leurs salariés.

“Nous faisons face à un nouveau capitalisme”, né sous l’influence de fonds d’investissement “qui travaillent dans l’opacité”, a prévenu Ron Blackwell, économiste en chef du principal syndicat américain, l’AFL-CIO, lors d’une conférence de presse.

Il venait de participer au siège de l’OCDE à Paris à une réunion syndicale au sommet co-organisée par la commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (Tuac), 22 syndicats nationaux (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne…), cinq fédérations internationales et deux confédérations internationales (CSI et CES).

Au coeur des discussions, les fonds d’investissement – “private equity” (investissement dans les sociétés non cotées) et “hedge funds” (fonds spéculatifs) -, qui occupent une place croissante dans l’économie mondialisée.

Premier problème, selon M. Blackwell, ces fonds raisonnent “à court terme” en achetant des entreprises puis en les revendant au bout de quelques semaines ou au maximum après “trois à cinq ans”, afin de dégager au plus vite un important bénéfice.

Les transactions des fonds LBO (Leverage buy out, “rachat par effet de levier”) qui constituent l’essentiel des “private equity”, ont atteint quelque 600 milliards de dollars en 2006, un bon de 70% par rapport à 2005, selon le cabinet Dealogic.

En quête de rentabilité maximale, les fonds qui achètent une entreprise s’attaquent “à l’emploi, aux retraites, aux conditions de travail” et remettent même en question “la viabilité de l’entreprise”, s’inquiète M. Blackwell.

“Le fonds Permira, le plus grand private equity d’Europe, a racheté en 2004 l’entreprise de dépannage +The automobile association+”, a raconté à l’AFP Peter Rossman, de la Fédération internationale de l’agro-alimentaire.

“Le fonds a tout de suite supprimé 3.500 emplois sur les 13.000 de la boîte” et a demandé à ceux qui restaient “de travailler plus, au point de leur interdire, en décembre, de prendre toutes vacances jusqu’en mars !”, s’est-il indigné.

Les syndicats pointent également l'”absence de toute responsabilité des fonds en tant qu’employeurs”, a poursuivi M. Rossman. “A Dusseldorf (Allemagne) fin 2005, les salariés en grève de l’entreprise de restauration aérienne Gate Gourmet, alors rachetée par le fonds Texas Pacific, avaient arraché un accord avec leur direction locale”, a-t-il illustré.

“Texas Pacific a interdit à la direction de signer l’accord, mais a affirmé au syndicat venu négocier avec lui qu’il n’était pas l’employeur !”, s’est-il emporté.

“Ces fonds, qui exigent des entreprises un rendement de 15% par an, n’investissent rien dans l’innovation, la recherche… et en plus ils ne payent pas d’impôt !”, a souligné le britannique John Monks, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES).

M. Monks a appelé à une “taxation” de ces fonds et à une “régulation” de leur activité afin d’éviter une “crise financière”.

En France, des syndicats se sont mobilisés ces derniers mois contre les LBO, dont les pratiques ont ému jusqu’aux pouvoirs publics allemands.

Les syndicats présents à Paris ont indiqué avoir rendez-vous avec la chancelière allemande Angela Merkel le 7 mai, un mois avant le G8 qu’elle doit présider, pour savoir “quel message sera porté” par les grandes puissances.

 16/03/2007 18:08:48 – © 2007 AFP