Rare et chère à l’intérieur, la datte tunisienne s’exporte bien

 
 

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agricole stratégique à l’exportation, autant que l’huile d’olive ou les
agrumes, les dattes tunisiennes se sont distinguées, en ce mois de ramadan,
par leur rareté, et surtout, par leur cherté. Le kilogramme se vendait à
plus de trois dinars contre 1,8 dinar en période normale.

Le marché a été approvisionné, au cours de la première semaine de ce mois
saint, par le stock de la campagne 2005-2006. La production de la campagne
2006-2007 n’a commencé à envahir les étalages que durant la deuxième
quinzaine du mois de ramadhan, au grand bonheur de ceux qui font le carême.

La pénurie de cette année a mis à nu le véritable talon d’Achille du secteur
qui demeure la faible capacité de stockage. L’offre disponible est estimée,
actuellement, à 15 mille tonnes, gérées par 27 unités de conditionnement
alors que la demande est évaluée à 32.500 tonnes.

La situation a amené l’Etat à instituer des incitations fiscales et
financières pour aider les gros conditionneurs à se mettre à niveau, à
moderniser leurs équipements vétustes, à se doter d’unités de maintenance et
à s’adapter aux normes de management de sécurité alimentaire (Haccp) exigées
à l’exportation.

Pour la prochaine année, les responsables du secteur se veulent
rassurants. Officiellement, des dispositions seraient prises pour que cette
pénurie ne se reproduise plus durant le prochain mois de ramadan version
2007. L’accent sera mis sur la constitution de stocks régulateurs.

Très prisée au mois de Ramadan, la datte a une connotation religieuse pour
les musulmans qui ont l’habitude de rompre le jeune, en mangeant une datte,
excellente façon, paraît-il, pour faire démarrer le métabolisme après une
journée d’abstinence.

Selon Mohamed Ali
Jendoubi, Directeur Général du Groupement interprofessionnel des fruits (GIF),
la production des dattes est estimée pour la campagne 2006-2007 à 128 mille
tonnes dont 78 mille tonnes de deglat nour, soit une augmentation de 30% par
rapport à une campagne auparavant (100 mille tonnes).

Les structures d’appui
expliquent cet accroissement de la production par les efforts déployés par
les agriculteurs en vue de protéger quelque 8 millions de régimes contre une
moyenne annuelle de 6 millions de régimes.

Le GIF estime
également que ces résultats sont le fruit de l’encadrement et de
l’assistance que les structures d’appui ont apportés aux 40 mille
palméiculteurs des oasis tunisiennes, notamment, en matière de
conditionnement, de stockage et de promotion.

La Tunisie, premier exportateur de deglet nour, principale variété exportée
qui se distingue par sa couleur blonde translucide et par sa saveur
exceptionnelle, en exporte, annuellement, une moyenne de 30 mille tonnes
dont 15.000 sur le seul marché européen. Par pays, la France est le premier
client de la Tunisie, suivi de l’Italie, les Etats-Unis, l’Allemagne, la
Belgique, les pays du Golfe persique.

Le GIF fait état de l’émergence de nouveaux marchés porteurs pour la datte
tunisienne. Il s’agit entre autres des marchés turc, indonésien, russe,
mauritanien et malaisien. Ces marchés figurent parmi les dix premiers
débouchés de la datte tunisienne.

Il faut reconnaître ici que les débouchés à l’extérieur ont tendance à
devenir de plus en plus rémunérateurs. A titre indicatif, durant ce mois de
ramadan (2006), la datte tunisienne était la seule sur le marché  mondial.
Du coup, son prix a augmenté de 20%.

Les recettes s’en sont positivement ressenties et ont réalisé un bond
qualitatif. Elles ont augmenté de 67 millions de dinars en 2000 à 137
millions de dinars en 2005. Le volume de dattes exportées s’élève à 52.700
tonnes.

Le GIF, structure étatique chargée notamment d’encadrer les oasis tunisiens,
accorde des primes et autres subventions aux exportateurs qui prennent
l’initiative d’identifier de nouveaux débouchés pour écouler la datte
tunisienne et de provoquer un glissement d’une partie de la demande de
dattes deglet nour vers d’autres variétés (dattes sèches).

Pour la campagne 2006-2007, le GIF projette d’exporter 45 mille tonnes et a
fixé le démarrage des exportations pour le 18 octobre 2006.

Dans la perspective de renforcer ces performances, le GIF entend s’investir
totalement dans l’assurance qualité. A cette fin, il vient d’arrêter une
stratégie en deux points.

En amont, il se propose d’encourager les agriculteurs à lutter contre la
pyrale (Ectomyelois ceratoniae), insecte nocif pour les palmeraies, à
utiliser, à cette fin, des moustiquaires moyennant des avantages financiers
(10% d’avance sur les dépenses à engager) et à nettoyer les oasis exploités.

En aval, le GIF est déterminé à aller plus loin sur la voie de
l’amélioration de la compétitivité de la datte tunisienne face à sa
principale concurrente, particulièrement, la datte marocaine.

Dans cette optique, il compte mettre au point, à partir de cette campagne
(2006-2007), un système de traçabilité de la datte tunisienne. A cet effet,
tout un chantier sera ouvert. Il concernera l’élaboration d’un répertoire
codé des oasis, campagnes, variétés, producteurs dattiers, exportateurs,
marchés et tous les autres intervenants dans le secteur. Au final, un site
Web pour améliorer la visibilité de la datte tunisienne et de
l’environnement dans lequel elle est produite sera mis au point.

La donne de l’écosystème

La valeur marchande des dattes ne doit pas occulter, toutefois, la fragilité
de l’écosystème des oasis tunisiens.

D’une superficie
globale de 32 mille hectares répartis sur quatre régions dattières situées
aux confins du désert (Tozeur, Gafsa, Gabès et Kébili), ces oasis sont
menacées d’érosion génétique. Celle-ci, pour peu qu’elle se poursuive,
risque de compromettre la pérennité de l’écosystème oasien.

Pour Noureddine Nasr, agronome coordinateur du Projet sur la gestion
participative des ressources phytogénétiques des palmiers dattiers dans les
oasis du Maghreb (ipgri), un projet de démonstration financé par le PNUD, le
remède passe par la réhabilitation de la diversité génétique.

Deux objectifs sont recherchés : le premier, d’ordre écologique consiste à
développer de nouveaux palmeraies pour lutter contre l’avancée des sables,
préserver la biodiversité et valoriser des variétés de dattes plus
résistantes aux parasites telles que le kintichi et El bisr.

L’agronome rappelle ici que le principal fléau qui menace les oasis
tunisienness a pour nom “Bayoudh”. Ce parasite a décimé au Maroc et en
Algérie une dizaine de millions de palmiers. La Tunisie qui ne compte que
4,5 millions de palmiers risque de connaître le pire des scénarios si jamais
ses palmeraies sont affectées par ce parasite.

La deuxième motivation, d’ordre économique, vise à restaurer le rôle de
production des oasis. Il s’agit d’exploiter à bon escient la bonne image
dont jouit la variété “deglet nour” pour accroître, au plan international,
la demande pour les autres variétés (kinta, kintichi…).

D’ou l’enjeu d’explorer de nouveaux marchés tels que les marchés africains,
les pays d’Europe centrale et orientale (Peco) et la colonie maghrébine en
Europe qui reste attachée aux traditions culinaires à base de dattes.

La non diversification des débouchés n’est pas le seul problème auquel est
confronté le secteur. La dépendance des aléas climatiques et l’insuffisance
des eaux d’irrigation tunisiennes, le faible rendement du palmier dattier
tunisien (25 kg actuellement contre 100 kg et plus ailleurs) entravent,
également, le développement des oasis et compromettent leur pérennité.