Génocide arménien : la Turquie menace la France de sanctions économiques

 
 
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Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul à l’Onu, le 22 septembre 2006 à New York (Photo : Stan Honda)

[08/10/2006 11:55:03] ANKARA (AFP) La France pourrait voir ses projets économiques en Turquie menacés si elle adoptait une proposition de loi controversée sur le génocide arménien pendant la Première guerre mondiale, a mis en garde dimanche le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul.

Ce texte de loi, qui doit être débattu jeudi à l’Assemblée nationale (chambre basse du parlement français), vise à compléter par un volet pénal la loi du 29 janvier 2001 dans laquelle la France reconnaît le génocide arménien, et fait de sa négation un délit punissable d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

“D’après les informations que nous avons, il est fort probable que la proposition de loi soit adoptée”, a déclaré M. Gul au quotidien à grand tirage Hurriyet de dimanche.

Si la proposition de loi est votée, la participation de la France à d’importants projets économiques en Turquie, notamment la construction d’une centrale nucléaire qui doit être prochainement soumise à un appel d’offres, sera compromise, a prévenu M. Gul, précisant qu’il avait averti son homologue français, Philippe Douste-Blazy.

“La réaction du gouvernement et celle du public en général seront inévitables si cette situation perdure”, a également dit M. Gul au journal Yeni Safak. “Les Français vont perdre la Turquie”, a-t-il ajouté.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a également exprimé son indignation. “C’est un problème qui concerne la Turquie et l’Arménie. La France n’a pas à s’en mêler”, a-t-il déclaré samedi à Istanbul, selon l’agence de presse Anatolie.

“Si le Premier ministre turc -ou tout autre ministre, historien ou intellectuel- se rend un jour en France et affirme qu’il n’y a pas eu de génocide, qu’allez-vous faire? Jeter cette personne en prison?”, s’est-il interrogé.

Par ailleurs, le Premier ministre turc a rencontré samedi à Istanbul les représentants de sociétés françaises faisant des affaires en Turquie pour les persuader de faire pression sur les législateurs français.

Ankara analyse la proposition de loi comme un geste politique adressé à l’intention de la communauté arménienne en France. Beaucoup y voient également une manoeuvre orchestrée par les opposants à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne pour ternir l’image du pays et exacerber les sentiments anti-occidentaux au sein de la société turque.

Epinglée à de nombreuses reprises par l’UE pour son manque d’efforts en matière de liberté d’expression, la Turquie a accusé l’Union de tenir un double langage: en réprimant le déni de génocide, la France porte également atteinte à la liberté d’expression, sans pour autant être inquiétée, regrette Ankara.

Samedi, le chef de la commission judiciaire du parlement turc a indiqué que la Turquie pourrait de son côté adopter des propositions de loi qualifiant de génocide des massacres commis par des Français en Algérie du temps de la colonisation. Ces textes prévoient également des peines de prison pour ceux qui nieraient de tels massacres.

La proposition de loi avait commencé à être discutée en mai, mais son examen avait été interrompu faute de temps et le vote n’avait pu avoir lieu.

Les Arméniens affirment que jusqu’à 1,5 million des leurs ont péri dans un génocide entre 1915 et 1917. Ankara récuse les accusations de génocide.

 08/10/2006 11:55:03 – © 2006 AFP