Sakhaline 2 : la Russie, imperméable aux critiques, attend des “compromis”

 
 
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Plateforme pétrolière de Molikpaq, sur l’Ile de Sakhaline, à l’extrême-est de la Russie (Photo : Ursula Hyzy)

[19/09/2006 14:31:56] MOSCOU (AFP) La Russie attend “des compromis” de la part des étrangers ayant investi dans l’immense projet pétrolier et gazier Sakhaline 2, dont elle critique le surcoût et le retard, sourde au concert de critiques suscité mardi par l’annonce du retrait de permis à Shell.

“Concernant Sakhaline 2, il faut chercher des compromis”, a dit le ministre russe du Développement économique Guerman Gref, cité par l’agence Ria Novosti, dans une première réaction officielle depuis l’annonce la veille par le Parquet général de mesures contre Shell.

“Nous ne pouvons pas soutenir toutes les propositions des investisseurs concernant l’augmentation des dépenses”, a-t-il tranché, faisant allusion à l’envolée du coût du projet, passé de 10 à 20 milliards de dollars d’ici 2014, ce qui en fait le plus important investissement privé au monde dans le secteur énergétique et le plus gros investissement étranger en Russie.

“Il y a du travail à faire”, a ajouté M. Gref, ouvrant la voie à des tractations, sans sembler s’émouvoir des critiques contre la Russie, dont la fiabilité pour les investisseurs étrangers est à nouveau mise en cause alors que l’Etat est accusé de vouloir en sous-main remettre la main sur Sakhaline 2.

La Commission européenne a appelé mardi Moscou à “identifier clairement” les problèmes à l’origine du retrait du permis environnemental de Shell, prônant “un climat d’investissement sûr et prévisible” dans le pays.

Et le Japon, qui a lourdement investi dans le projet Sakhaline 2 (détenu à 55% par la Royal Dutch Shell, et à 25% et 20% respectivement par les sociétés japonaises de négoce Mitsui et Mitsubishi) a plus directement évoqué la piste politique, agitant la perspective d’un “impact négatif sur les relations russo-japonaises”.

“Cette histoire porte un grave coup à l’image de la Russie à l’étranger, en tant que pays qui respecte les investisseurs”, analyse la politologue Macha Lipman, du Centre Carnegie de Moscou, interrogée par l’AFP.

“Mais les autorités ont fait un choix et considèrent que le renforcement du contrôle de l’Etat sur ses ressources est plus important que la réputation du pays à l’international”, ajoute Mme Lipman, jugeant que les critiques de l’étranger n’auront pas de prise sur les décisions de l’Etat russe.

Que cherche Moscou avec ces entraves posées à Shell? “Plus de contrôle dans Sakhaline 2 évidemment”, explique la politologue, qui comme d’autres analystes y voit un moyen de pression pour augmenter la part, a priori de 25%, que doit prendre le géant gazier Gazprom, contrôlé dans l’Etat.

L’Etat peut aussi chercher une révision plus avantageuse pour lui de son accord de partage de production (signé avec le consortium mené par Shell) sur la base duquel Sakhaline 2 est réalisé.

Or selon cet accord, l’Etat ne reçoit sa part des bénéfices qu’une fois les investissements initiaux remboursés. Et Moscou critique le doublement des investissements annoncé en 2005 et le report du lancement de la production de 2007 à 2008.

Ces révisions repoussent d’autant le versement des revenus escomptés par l’Etat russe, soulignait encore le 12 septembre le ministre des Ressources naturelles Iouri Troutnev, chiffrant ces pertes en milliards de dollars.

M. Gref a évoqué mardi une possible suppression de ce régime d’accord de partage en Russie, jugeant “le climat d’investissements” suffisamment bon.

“En ce qui concerne les contrats en cours, nous devons les respecter”, a-t-il cependant tenu à rassurer.

 19/09/2006 14:31:56 – © 2006 AFP