L’épreuve des touristes bloqués sème le trouble dans le monde du tourisme Par Brigitte HAGEMANN

 
 
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Des touristes français bloqués en Turquie montrent leurs billets d’avion, le 20 août 2006 à Izmir

[22/08/2006 18:45:42] PARIS (AFP) La mésaventure des touristes français bloqués plusieurs jours en Turquie à la suite d’un litige financier dans lequel chacun se renvoie la balle a mis sur la sellette la responsabilité et la fiabilité de certains voyagistes.

L’affaire est d’autant plus complexe qu’elle met en scène une série d’acteurs: la plupart des touristes ont réservé auprès d’agences en ligne, Lastminute.com ou Promovacances, qui ont eu recours au tour-opérateur français Elégance qui, lui, a fait appel à une compagnie aérienne turque, Atlas Jet.

Atlas Jet avait refusé dimanche d’embarquer à Izmir (ouest) des passagers français voulant rentrer à Paris, accusant Elégance de ne pas avoir réglé la prestation. Une accusation réfutée par Elégance, qui assure avoir payé.

Alors que la majorité des touristes devaient être rapatriés mardi, une polémique s’est déclenchée entre les acteurs d’un secteur atomisé qui compte plus de 4.000 entreprises générant un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros par an.

Inquiet de voir un cas isolé jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession, le président de l’Association des tour-opérateurs français (Ceto), René-Marc Chikli, a pris les devants pour fustiger le “manque de capacité professionnelle et de vigilance” de certains acteurs du tourisme.

Pour lui, il faudrait “réformer le secteur pour éviter d’accorder des licences à des gens qui n’auraient jamais dû en avoir”.

“Nous sommes un tour-opérateur qui dérange. Il y a quelque chose ou quelqu’un qui veut nous couler”, a rétorqué Erol Dil, co-gérant d’Elégance, basé à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), créé en 2004 et adhérent du Syndicat national des Agences de voyage (SNAV).

Egalement en cause, la guerre des prix que se livrent les sites de voyages en ligne: “certains distributeurs, pour faire des économies, vont chercher des fournisseurs qui n’ont aucune crédibilité”, accuse M. Chikli.

“L’arbre ne doit pas cacher la forêt. 14 millions de Français passent par une agence de voyage par an, quelques centaines sont restés bloqués, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut remettre en cause tout un système”, tempère Rachid Temal, secrétaire général du SNAV.

Quant aux responsabilités des voyagistes vis-à-vis des clients, la loi prévoit que “l’agent de voyages est de plein droit responsable à l’égard des touristes de la bonne exécution du voyage”, rappelle à l’AFP Cyril Gory, avocat au barreau de Paris et spécialiste des droits des voyageurs.

En cas de défaillance, poursuit-il, il doit à la fois organiser le retour et indemniser le client pour le préjudice subi, en l’occurrence “les deux jours passés dans le stress et l’affolement en Turquie” en attendant un autre avion.

Lastminute.com et Promovacances ont d’ailleurs pris leurs responsabilités, en affrétant des avions pour rapatrier leurs clients, 165 pour le premier et 55 pour le second. “Il y aura des compensations pour les désagréments que nos clients ont connus”, a aussi promis le PDG de Lastminute.com, Pierre Alzon.

De son côté, le tour-opérateur Elégance, qui a aussi vendu directement des billets par le biais de son agence et son site internet, doit prendre en charge ses propres clients.

Mais la répartition des responsabilités n’est pas forcément aussi évidente. Juridiquement, précise Cyril Gory, le terme “agent de voyages désigne à la fois l’agence de voyages et le tour-opérateur”, et non pas seulement le vendeur ultime du billet.

Si aucune solution à l’amiable n’est trouvée, il vaut donc “mieux assigner en justice l’agence de voyage et le tour-opérateur, car les deux sont juridiquement responsables”, recommande-t-il.

 22/08/2006 18:45:42 – © 2006 AFP