M.Zargouni : “La transmission des entreprises… constitue une opération délicate, voire dangereuse pour leur survie même”

Par : Tallel
 

Interview de M.
Hassen Zargouni

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zargouni1.jpgVous organisez
une rencontre-débat portant sur le thème : ‘’L’entreprise familiale à
l’épreuve de la transmission’’. Pourriez-vous nous expliquer le pourquoi de
ce choix, mais surtout pourquoi aujourd’hui ?

 

Une
grande majorité des entreprises industrielles privées tunisiennes ont été
fondées pendant les années 60 et 70, la durée moyenne d’un mandat de chef
d’entreprise familiale oscillant entre 25 et 30 ans (contre 7 à 10 pour les
autres entreprises), l’heure de la succession a approché pour de nombreux
fondateurs de groupes tunisiens.

La transmission des entreprises, notamment lorsqu’elles ont un caractère
familial, constitue bien souvent une opération délicate, voire dangereuse
pour leur survie même. Or, l’enjeu est considérable puisqu’il s’agit de la
préservation du tissu économique et de l’emploi dans notre pays. Dans le
monde, seulement 30% des entreprises familiales survivraient à leur
transfert à la seconde génération et moins de 10% survivraient à un tel
transfert à la troisième génération.

Dans ce contexte, il convient, d’une part, d’inciter les chefs d’entreprise
à anticiper cette échéance en les sensibilisant aux risques encourus lors de
cet ultime challenge managérial, et, d’autre part, mettre en avant un
véritable marché de la transmission en Tunisie, correctement régulé et où
les pouvoirs publics jouent un rôle d’arbitre et de catalyseur.

C’est dans cette logique que s’inscrit la journée organisée par l’ATUGE, le
CTFCI et le CJD le 2 février 2006 à l’hôtel Acropole aux Berges du Lac de
Tunis. Des experts en coaching, en fiscalité, en ingénierie financière
contribueront à baliser le terrain de la transmission de l’entreprise
familiale tunisienne en cette période charnière.

 

Quels sont les
avantages qu’auraient les entreprises familiales par rapport aux autres… ?

 

On a
constaté que dans les entreprises familiales, l’équilibre social est plus
prononcé. La gestion des crises est plus efficace et l’exercice du pouvoir
par les membres de la famille est rarement contesté, car il est légitimé par
le droit de propriété. Le turnover des salariés est plus faible que dans les
entreprises «managériales». La culture familiale avec sa dimension humaine y
est pour quelque chose. Au niveau de la stratégie de l’entreprise familiale,
celle-ci est toujours orientée sur le long terme, ce qui lui permet d’opérer
des investissements que d’autres jugeraient inopportuns ou risqués mais qui,
sur le long terme, peuvent s’avérer très rentables. De plus, cette optique
de long terme implique que l’on préférera plutôt réinvestir les bénéfices
que de les distribuer sous forme de dividendes. L’entreprise familiale
préfère la création de valeur à l’intérieur de l’entreprise (donc
accroissement de la valeur du patrimoine) sur la distribution de dividende.

 

Les
spécialistes s’accordent à dire que les entreprises familiales continuent
–certaines du moins- d’être le moteur de l’économie mondiale, tout en
restant opaques.

 

Rappelons
d’abord quelques statistiques : Aux Etats-Unis, ce type d’entreprises
constitue 90% du tissu économique, 80% en Allemagne, 75% en Grande Bretagne
et 63% en France. La nécessité d’anticiper et de gérer au mieux la
transmission impose aux entreprises familiales de procéder à une meilleure
gouvernance et une clarification des centres de pouvoir, notamment entre la
Famille, le Management et l’Actionnariat.

 

Est-il
possible de faire l’état des lieux en Tunisie, en nous citant des cas
concrets de réussite ou d’échec (si possible) ? Y a-t-il des plans de
succession bien ficelés de passage de témoin au sein des entreprises
familiales tunisiennes ?

 

C’est
précisément l’objet de notre journée qu’on organise le 2 février et où un
diagnostic de la situation qui prévaut actuellement en Tunisie en matière de
transmission d’entreprises familiales sera présenté, à la lumière du
témoignage vivant d’un échantillon de fondateurs de grands groupes tunisiens
et leurs descendants opérant dans des secteurs aussi différents et
importants pour l’économie nationale que le textile, l’électromécanique, le
tourisme ou encore le BTP. Lors de la préparation de cette journée de
réflexion et d’étude sur la transmission d’entreprises en Tunisie, on a mené
une enquête qualitative sur le processus de transmission vécu par certains
groupes en Tunisie. Il en ressort d’une manière saillante le rôle du père
fondateur dans le succès ou l’échec de ce processus.

On a identifié à cet effet plusieurs profils types du transmetteur selon la
nature du retrait envisagée ou a envisagé : Il y a d’abord le monarque qui
se refuse à céder la place volontairement et meurt généralement dans
l’exercice de ses fonctions, ensuite le général : Il accepte de se retirer
mais occupe généralement son temps à organiser son retour aux commandes.
D’autres profils moins fréquents mais assez intéressants à étudier, il
s’agit par exemple de l’Ambassadeur: Il renonce à ses fonctions de PDG, mais
continue de siéger au conseil d’administration et de représenter
l’entreprise à l’extérieur auprès des organisations professionnelles et
autres ; le Phénix : Il garde le contact avec la société familiale mais
démarre une nouvelle entreprise, dans un tout autre secteur d’activité, pour
ne pas lui faire d’ombre ; et enfin l’Hédoniste : Il coupe les ponts avec
l’entreprise et se consacre à tout ce qu’il n’a jamais eu le temps de faire
auparavant –sports, passe-temps, etc.

Par ailleurs, des exemples-types seront présentés en vidéo, en matière de
succès et d’échecs dans divers secteurs : le secteur textile sera représenté
par les frères MM. Mohsen et Sami Ben Abdallah ; l’agroalimentaire par M.
Khaled Bellagha ; celui électrique par M. Hichem Elloumi ; l’hôtellerie par
Mourad Mhenni ; les industries des services et divers par les frères MM.
Tahar et Taïeb Bayahi…

 

Que prévoit la
fiscalité tunisienne en matière de transmission d’entreprises familiales ?
Et qu’en est-il de la transparence… ?

 

Le volet
fiscal de la transmission d’entreprises sera traité par des spécialistes
lors de notre journée. Des recommandations porteront sur la poursuite de
l’allègement des droits de succession et l’encouragement de la transmission
anticipée de l’entreprise. D’autre part, un accent sera mis sur la nécessité
de l’amélioration de la solvabilité du repreneur, en permettant notamment la
déductibilité du résultat des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés,
des droits de succession en cas de transmission de la société, etc.

Le séminaire du 2 février 2006 prévoit l’exposé d’une note économique
réalisée par le Club entrepreneurs de l’ATUGE ainsi que l’intervention
d’experts en matière de transmission sur les enjeux humains, juridiques,
fiscaux et financiers ainsi qu’un aperçu sur les expériences étrangères.

Le public cible est constitué des personnes physiques et morales concernées
par la problématique de la transmission, dont notamment les groupes
industriels et services tunisiens, les institutions bancaires, les
organismes de financement et de garantie, les universitaires et chercheurs
en sciences économiques et industrielles, ainsi que tout nouveau dirigeant
sensibilisé à la nécessité de professionnaliser le métier de chef
d’entreprise. Nous escomptons une forte présence tant le sujet est sensible
et porteur d’idées fécondes pour une très grande partie de notre tissu
économique.

 

Propos recueillis par

Tallel BAHOURY

 

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* Président ATUGE Tunisie
Président Commission Jeunes Entrepreneurs de la CTFCI et membre du Bureau
Exécutif de la CTFCI
Membre du CJD

 

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