La Cigale serait-il l’étoile qui éclaire le firmament hôtelier de Tabarka ? Tout porte à le croire au vu de la qualité des prestations qu’il offre à une clientèle élitiste et de celle de ses équipements de grand luxe. De la thalasso associée au SPA, c’est unique et c’est à la Cigale à Tabarka, sans oublier le complexe sportif intégré et le golf dessiné par Ronald Fream, un des plus beaux de la Méditerranée. 

Découverte de la Cigale Tabarka avec Nebil Magroun, son directeur général.

WMC : Vous dirigez cet hôtel depuis plus d’une année, qu’est-ce qui a changé depuis son acquisition par le groupe qatari ?

Nebil Magroun : Cela fait plus d’une année que je dirige ce fleuron de l’hôtellerie tunisienne qui appartenait auparavant à feu Aziz Miled. C’était un 5* classique incluant la thalassothérapie. Un casino y a été établi pour offrir à la clientèle algérienne, cible première du site Tabarka, d’en profiter ainsi que du golf dans lequel il était partenaire avec Adel Bousarsar. L’entreprise a malheureusement été un échec.

En tant que témoin de l’évolution du tourisme à Tabarka, je peux attester que l’une des plus grandes figures touristiques tunisiennes qui a le plus investi dans cette région en piochant dans ses avoirs personnels est M. Bousarsar. Un grand professionnel qui a cru en cette belle région et déployé des efforts inouïs pour son développement.

Lors du lancement du site, il y avait des charters qui atterrissaient directement à l’aéroport de Tabarka et quand ils étaient déficitaires, c’était lui qui réglait les montants manquants. D’ailleurs, le seul qui s’est imposé et a réussi à Tabarka, c’est lui, il a amorti son hôtel le Méhari.

Et la Cigale dans tout cela ?

Feu Aziz Miled avait perdu beaucoup d’argent. Son investissement lui avait coûté près de 70 MDT. Il a résisté jusqu’en 2012 avant de se résoudre à vendre au groupe Mejda Holding.

L’actionnaire principale de ce groupe est tombé amoureux de la Tunisie et du site a procédé à la rénovation de l’hôtel dont la construction remonte à 2007. Tous les points de vente ont été remis à neuf, la réception, la thalasso, les locaux communs ainsi que les chambres. Officiellement, cet hôtel a été rouvert en 2016 et nous n’avons pas fait une grande publicité parce que nous avons voulu progresser et affirmer notre positionnement en tant qu’hôtel haut de gamme.

Quel est le montant des investissements consentis pour parvenir à réaliser toute cette métamorphose ?

200 MDT, et l’investissement s’est fait en trois phases: l’hôtel, le centre de thalasso et le SPA, le parcours du golf qui figure parmi les meilleurs du bassin méditerranéen, les greens, le système d’arrosage en plus du complexe sportif qui répond aux standards internationaux à tous les niveaux.

L’équipe hollandaise est venue s’y entraîner depuis deux ans et compte revenir l’année prochaine ; Al Jaych Al qatari également, sans oublier les grandes équipes tunisiennes, comme l’Espérance sportive de Tunis, le Club africain, l’Etoile sportive du Sahel, le Club sportif sfaxien.

Nous misons sur l’international mais nous attendons impatiemment l’open sky pour pouvoir développer ces produits hautement sollicités. Nous avons signé un contrat avec l’Olympique de Marseille, mais le problème reste l’aérien, un charter aller-retour coûte trop cher, donc ils se sont rétractés pour aller en Espagne. Pareil pour Sparta Prague, après la signature du contrat, l’absence de lignes aériennes nous a privés de conclure.

Nous sommes en train de coordonner avec le ministère du Tourisme pour développer un tourisme sportif et haut de gamme. Cela fait deux années que notre complexe sportif est opérationnel. Il est doté de trois terrains dont le gazon est naturel et un autre tartan sixième génération.

Nous disposons de 4 terrains de sport et d’une salle de musculation spécialement équipée pour les sportifs, et nous avons les structures nécessaires et adéquates pour recevoir 4 équipes en même temps. Chaque équipe dispose de ses vestiaires, ses douches et tout ce dont elle a besoin, son staff et sa loge. Un avantage de taille pour toutes ces équipes qui choisissent notre complexe et que, grâce au Golf, ils disposent de 14 km de piste ce qui est exceptionnel pour la préparation physique, sans oublier les 4 km surplombant la mer. Ils disposent également d’une autre salle de musculation au sein de l’hôtel qu’ils peuvent utiliser ici.

Toutes les conditions requises pour la réussite de leur stage sont là, nous disposons bien entendu d’un minibus pour assurer les dessertes entre l’hôtel et le complexe sportif.

Nous avons veillé sur tous les détails pour assurer le confort des équipes qui séjournent chez nous et pour preuve, elles reviennent. Nous leurs offrons des prestations de haute qualité grâce aux experts dans l’encadrement des sportifs de haut niveau, qu’il s’agisse du régime alimentaire ou de la condition physique.

Vous avez également un hôtel qui dispose d’une combinaison unique en son genre associant le SPA et la thalasso, ce produit vous permet-il d’enrichir votre gamme de clientèles ?

En toute modestie oui. Nous avons équipé notre centre de SPA et de thalasso des meilleurs équipements qui existent de par le monde. Le but de cette unité hôtelière est d’offrir une gamme de produits diversifiée et de qualité à une clientèle haut de gamme et surtout d’optimiser le taux d’occupation de l’hôtel pendant la saison hivernale en l’absence de liaisons aériennes directes et dans une ville située à 200 km de l’aéroport Tunis-Carthage.

Comment gérons-nous aujourd’hui ? Nous travaillons avec la clientèle algérienne (jeudi et vendredi), jours fériés pour eux, et les week-ends (samedi et dimanche) avec nos concitoyens. Il nous reste les 3 premiers jours de la semaine. Et des fois notre taux de remplissage ne dépasse pas les 3 à 4 clients dans un hôtel où les charges fixes sont très élevées.

Pour information, nous employons à longueur d’année 350 personnes et pendant l’été, nous recrutons une centaine de plus. Sans parler des emplois indirects engendrés par la dynamique introduite par l’hôtel. Je peux vous assurer que sans cet hôtel, Tabarka serait devenue une laissée pour compte. Près de 1.500 familles vivent de cet hôtel, sans parler des actions entrant dans le cadre de la RSE et dont je ne veux pas étaler les détails publiquement.

Ce qui me rassure en tant que DG de la Cigale et surtout en tant que Tunisien, c’est que l’acquéreur de l’hôtel est conscient des difficultés de la conjoncture par laquelle passe notre pays. Il continue à investir de plus belle parce qu’il a eu le coup de foudre pour Tabarka. Pour lui, le site doté d’une grande beauté naturelle est un cadre idéal pour de beaux séjours d’autant que l’approche culturelle y est car il se trouve dans son élément dans un pays musulman qui lui ressemble.

Vous êtes quand même à 95% de booking en haute saison, c’est exceptionnel dans un site comme Tabarka et même en Tunisie ?

Le tourisme tunisien traverse une crise sans pareille, Hammamet n’est plus ce qu’elle était du temps de son âge d’or, Djerba non plus. La qualité des unités hôtelières a considérablement baissé tant au niveau des prestations qu’au niveau des infrastructures. Mohamed Laamouri a beaucoup investi dans l’île des Lotophages et pas dans n’importe quoi, dans des hôtels de grand luxe. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Que de la désolation ! Je pense que l’un des plus grands chantiers auquel doit s’attaquer le ministère du Tourisme est celui de la remise à niveau de nos unités hôtelières dans tout le pays et principalement ici.

Dans notre hôtel, nous avons choisi la qualité, nous travaillons avec les meilleurs fournisseurs, nous ne nous situons pas dans la logique de l’économie de bouts de chandelles. Pour nous un client satisfait est un client qui revient et qui amène d’autres avec lui. Nous sommes décidés à nous investir dans la qualité. Nous visons haut.

Cette ligne de conduite vous a-t-elle permis de maintenir le cap et de vous assurer une place de choix dans le paysage touristique modeste de Tabarka ?

Ecoutez, ce n’est pas la première fois que je dirige un 5*. Mes différentes expériences sur le terrain m’ont procuré une parfaite connaissance du fonctionnement et des spécificités du monde hôtelier de très haut niveau. J’ai travaillé sur un grand nombre de concepts de projets hôteliers haut de gamme. Cela fait 24 ans que je suis dans le secteur touristique et j’ai été au Royal Garden Djerba, j’ai assuré l’ouverture de l’Oceana Hammamet, j’ai travaillé aussi au Méhari Hammamet et à l’hôtel Zitouna de Sfax. Ce sont des références. Toutefois, gérer un hôtel comme la Cigale requière une autre dimension.

L’International est venu en Tunisie pas uniquement en tant que gestionnaire ou en tant que franchise mais en tant que gros investisseur qui a mis à notre disposition des moyens qu’on ne trouve même pas en Europe. Mon rêve est de voir ce produit touristique s’étendre sur tout le pays et je pense que madame la ministre du Tourisme est elle-même dans la logique du développement d’un tourisme plus élitiste et haut de gamme.

Il faut reconnaître que le «All Inclusive» a massacré le tourisme national.

Vous avez-vous la chance de disposer de l’un des plus beaux golfs de la rive Sud de la Méditerranée, c’est un atout de taille non sans parler du Club House qu’on dit très raffiné ?

Ce golf est très spécial. Il a une vue sur mer avec 6 trous, donc les golfeurs peuvent jouer tout en admirant l’étendue de la grande bleue et en face d’eux le fort de Tabarka, un des plus beaux vestiges de la région, et de l’autre côté la forêt d’eucalyptus, de pins et de chênes. Dessiné par Ronald Fream, notre golf s’étend sur 110 hectares. Il est unique dans le sens où il est rarissime qu’un parcours de golf soit situé entre la mer et la forêt avec des paysages aussi fabuleux.

Les professionnels du golf l’adorent parce que c’est un parcours difficile et ils sont obligés d’user de techniques qu’ils n’utilisent pas dans un golf normal. Comme nous misons sur l’international, nous sommes en train d’organiser un évènement d’envergure auquel seront invitées les grosses pointures dans cette discipline.

Sans oublier le club house qui est un bijou, décoré par des artistes italiens de haute facture. Notre MAE qui a visité la Cigale avait pensé organiser le 5+5 ici. Nous ambitionnons de mettre Tabarka sur une orbite touristique de qualité du style Charm Al Chaikh en Egypte. Nous voulons amener une clientèle de qualité et des golfeurs de marchés tels la Suède, la France, l’Italie et l’Allemagne. Si nous arrivons à avoir un taux d’occupation même modeste pendant l’hiver, nous pouvons dire que nous sommes sur la bonne voie.

On dirait que vous êtes dans un monde idéal, où y aurait-il de mauvaises notes dans cette symphonie appelée Tabarka ?

Non, en effet, tout n’est pas parfait ! Nous avons un autre problème de taille : des hôtels dotés d’une capacité d’accueil de 2.400 lits fermés tombant en ruine et offrant une image désolante de l’hôtellerie dans la région.

Heureusement que Magic Life, une unité de 650 lits, est de nouveau opérationnel. Par contre, d’autres hôtels demeurent fermés… J’ai même demandé à passer un coup de peinture à cet hôtel pour que mes clients ne voient pas son état de délabrement ; le Morjane de feu Jalel Bouricha est fermé, le Club Abou Nawas et ses 800 lits est aussi fermé.

Développer des vols charters dans une zone sinistrée point de vue infrastructures hôtelières sans oublier la détérioration de l’environnement est très difficile. Il est important que les autorités sévissent et je sais que madame la ministre en est profondément consciente.

Que faites-vous pour parer à ces déficiences, dans l’attente que les autorités publiques réagissent ?

Un petit exemple, nous avons une clientèle élitiste qui veut dîner dans un restaurant trois fourchettes. A Tabarka, il n’y a plus de bons restaurants et la marina où on trouvait des restaurants qui servaient des assortiments uniques de fruits de mer, de langoustes et de poissons a elle aussi eu droit à sa descente aux enfers. Je me suis donc résolu à ouvrir un restaurant haut de gamme dans le golf au Club House pour que nos clients puissent profiter de beaux paysages et apprécier un dîner devant une cheminée.

Nous avons également lancé des sessions d’initiation au golf. Ce que je veux vous dire par cela est que nous avons foi dans cette région, nous y croyons et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir et mettons tous les moyens dont nous disposons pour lui donner la place qu’elle mérite. Il s’agit de notre pays, si nous nous abandonnons au désespoir et tolérons le laisser aller, nous ne réussirons pas à assurer le décollage de notre tourisme.

Qu’en est-il de l’environnement à Tabarka ?

Il y a une Tabarka d’avant la révolution -qui était une petite merveille, un beau village de pêcheurs propre et sain- et une autre après le 14 janvier -qui fait peine à voir !

Le problème qui se pose est celui des constructions anarchiques qui ne répondent à aucun critère requis en matière d’aménagement urbain. Le gouvernement avait construit une marina, un aéroport, un réseau routier et encouragé la création du festival de Jazz. On y venait d’ailleurs de tous les coins de la Tunisie pour assister aux spectacles et le public était d’une très grande qualité.

Aujourd’hui, il n’y a plus de bons restaurants à Tabarka, il y a des gargotes, la marina est presque désertée, l’entrée de la ville est difficilement accessible, la Basilique dans laquelle le ministère de la Culture a investi des centaines de milliers de dinars et qui devait accueillir un plus grand nombre d’amateurs de jazz est sans vie. Elle n’a pas encore ouvert ses portes parce qu’elle n’est pas équipée des équipements de sonorisation. Et le ministère de la Culture dans tout cela ? Ceci étant, nous sommes prêts à financer et aider l’Etat à l’équiper.

Je dois toutefois rendre grâce au gouverneur qui déploie des efforts impressionnants pour améliorer la situation de la région. C’est lui qui a rendu possible l’ouverture de l’hôtel Magic Life, mais il faut que des décisions plus importantes soient prises à Tunis.

Vous avez également parlé d’un autre projet dans la continuité de celui-ci mais cette fois-ci à Tunis ?

Ce projet-là est grandiose et il faut réellement lui donner sa juste valeur. L’investisseur est toujours Victor Ahmed Nazim et l’investissement démarre avec 250 millions de $ disponibles d’ores et déjà en terre tunisienne. Il s’agit de l’ancien Dar Naouar acquis juste après l’attentat de Sousse.

Comptez-vous reproduire le même modèle de cet hôtel à Tunis ?

Non bien sûr. A Tabarka, nous avons dû remettre à neuf l’hôtel, le meubler de nouveau mais nous avions des contraintes structurelles, nous nous sommes adaptés et nous en avons fait un bon 5*. Nous ne pouvions pas raser l’hôtel, il a tout juste 10 ans de vie.

A Tunis, nous édifierons l’une des plus belles œuvres touristiques de la capitale. Un complexe touristique qui révolutionnera le tourisme dans la capitale. Le terrain s’étend sur 15 hectares. Nous comptons y construire un bâtiment fastueux, un modèle d’architecture qui sera paré avec le plus grand soin par les meilleurs décorateurs du monde. Nous investirons le nécessaire pour qu’il soit le phare de la banlieue Nord. Il offrira un cadre de luxe, de confort et de raffinement tant sur le plan de l’esthétique pure que des matériaux.

En quoi consiste-t-il ?

C’est un complexe intégré qui comprend un hôtel de 300 chambres dont 40 suites: des suites juniors, suites ambassadeurs, et trois suites royales. Nous construirons autour de l’hôtel 83 villas prestige destinées aux familles qui veulent avoir un cadre plus intime, il y en a qui seront dotées de leurs propres piscines, d’autres non au choix du client et toutes bénéficieront de tous les services de l’hôtel. Je précise, elles ne seront pas à vendre.

Il y aura également une salle de congrès de 5.000 places, un vœu de Madame Elloumi, ministre du Tourisme et de l’Artisanat et elle a raison. Nous manquons de grandes salles de congrès dans notre pays. Elle sera une salle de congrès modulable, je pourrais la scinder en 5, elle aura sa cuisine, son bar et toute la logistique adéquate.

Sur la route principale de Gammarth il y aura un grand mall de 50.000 m2 couvert. Il sera à 2 étages, un étage de restauration rapide avec le plus grand bowling de Tunisie et une dizaine de salles de cinéma dont la capacité d’accueil varie entre 20 et 200 personnes. La gestion du mall se fera par la marque Printemps. A l’entrée de l’hôtel il y aura une tente de 1.600 places pour les soirées du mois de ramadan, les fêtes de mariages et les grandes manifestations.

Combien de personnes seront employées par ce complexe ?

D’après notre business plan, il emploiera, à partir du 1er janvier 2019, 1.600 personnes. Pour les chantiers, nous aurons besoin de 3.000 employés. Nous interviendrons même au niveau du réseau routier pour améliorer l’accessibilité au centre touristique. Et si nous voulons développer le tourisme de congrès, une salle de 5.000 personnes, c’est pour faire travailler tous les hôtels de la zone et le tout Tunis.

Je pense que les temps du tourisme bas de gamme ou se limitant à une gamme très moyenne sont révolus dans notre pays, il faut voir grand pour devenir grands. Déjà grâce à la Cigale de Tabarka, nous comptons y porter très haut l’étendard du tourisme dans le nord-ouest.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali