Dans cette deuxième partie, Ahmed El Karm aborde la question du système bancaire tunisien dans son ensemble, et ce en tant président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers (APTBEF).

M. El Karm souligne entre autres les progrès réalisés par les banques tunisiennes au cours des dernières années, particulièrement en matière de maîtrise de la technique bancaire. Et pour étayer ses dires, le président de l’APTBEF assure que toutes les banques de la place ont été bénéficiaires en 2016. 

Le système financier tunisien est en train d’évoluer de manière assez intéressante. Tout d’abord, c’est un système qui applique de plus en plus, grâce notamment à l’action vigilante de la Banque centrale, les normes internationales de Bâle II et Bâle III. Il se rapproche des normes internationales en termes de gouvernance qui sont en vigueur dans les grandes banques, explique Ahmed El Karm.

«Les temps sont difficiles, le laxisme est très coûteux. La bonne gouvernance doit être la règle fondamentale de gestion pour toutes les entreprises tunisiennes»

Cette évolution a profité bien évidemment aux banques tunisiennes, en ce sens que la gouvernance s’améliore. De plus, la loi bancaire, votée il y a une année, veille pour que les banques soient managées et gouvernées de manière à garantir leur solidité, sans pour autant affecter leur rapidité d’intervention, ni entraver l’amélioration de la qualité de leurs services. Et là, même si on est toujours demandeur de plus de souplesse et de libéralisation, on peut dire que le cadre réglementaire actuel est meilleur que celui qui existait auparavant. Il permet aux banques d’évoluer avec plus d’efficacité et de sécurité dans leurs relations avec les clients, dit-il.

La plupart des banques tunisiennes sont désormais bénéficiaires. Trois raisons expliquent cette performance.

La première, c’est la bonne gouvernance. Les banques sont soumises à une réglementation contraignante qui les amène à agir dans un sentier conduisant inévitablement à une meilleure maîtrise des risques pris. Cette réglementation prudentielle a certes coûté et coûte cher aux banques en provisions et surtout en fonds propres, mais elle est, sur plusieurs aspects, bénéfique, notamment en termes d’une plus grande pérennité et rigueur dans la gestion des banques, souligne-t-il.

«Certains hommes d’affaires, dès qu’ils atteignent un degré de performance dans leur activité se hâtent de se hasarder, souvent, dans d’autres secteurs qu’ils ne connaissent pas alors qu’ils ont tout avantage à se consolider dans leur métier de base»

Pour le président de l’APTBEF, «les temps sont difficiles, le laxisme est très coûteux. La bonne gouvernance doit être la règle fondamentale de gestion pour toutes les entreprises tunisiennes». Et d’ajouter sous forme de regret : «Certains hommes d’affaires, dès qu’ils atteignent un degré de performance dans leur activité se hâtent de se hasarder, souvent, dans d’autres secteurs qu’ils ne connaissent pas alors qu’ils ont tout avantage à se consolider dans leur métier de base».

Par ailleurs, M. El Karm indique que «dans les banques tunisiennes, les cadres ‘bac plus 4 et plus’ représentent entre 50 et 60% des effectifs. Un tel taux d’encadrement recèle un vrai vivier d’intelligence garantissant la réussite dans les mutations, restructurations et développements stratégiques que les banques sont appelées à faire pour s’adapter à l’environnement et aux préférences de la clientèle.

«Les banques ont des projets, tel que le développement du payement électronique, le renforcement du commerce électronique, l’inclusion financière, etc. La réussite de cette démarche moderniste suppose une adaptation de l’environnement des affaires et une réduction des blocages réglementaires et administratifs »

«Le conseil que je donne aux entreprises tunisiennes, c’est d’améliorer le taux d’encadrement. Même si cela coûte au départ, les retombées sur la qualité de la gouvernance ne se feront pas attendre. D’ailleurs, l’Etat donne d’intéressants avantages pour l’emploi des cadres. Recrutez les cadres, formez-les convenablement, cela finira toujours par être payant, notamment dans les conjonctures difficiles».

A la question de savoir si toutes les banques tunisiennes sont dans cet esprit, Ahmed El Karm, en tant que président de l’APTBEF, répond par l’affirmative, ajoutant que «même les banques publiques, qui font l’objet d’importantes réformes, ont fini par s’installer dans cette dynamique. C’est pour cela que je suis confiant dans l’avenir du système bancaire tunisien. Les banques seront toujours aux côtés de leur clientèle entreprises et particuliers. Elles seront toujours en capacité de fournir des services de qualité à leur clientèle».

«Il n’est pas normal qu’en Tunisie la monnaie fiduciaire (billets de banque) continue à constituer le moyen de payement le plus usité. Son encours est passée de 5 milliards de dinars en 2010 à plus de 11 milliards en 2017, à un moment où sa part dans la masse monétaire est en train de diminuer dans toutes les économies modernes»

«Des nombreuses initiatives sont prises pour moderniser davantage les banques tunisiennes notamment en adoptant les systèmes d’information les plus efficaces qui soient et qui utilisent les technologies les plus modernes et les plus prometteuses».

Ahmed El Karm explique : «Les banques ont des projets, tel que le développement du payement électronique, le renforcement du commerce électronique, l’inclusion financière, etc. La réussite de cette démarche moderniste suppose une adaptation de l’environnement des affaires et une réduction des blocages réglementaires et administratifs. L’appareil judiciaire tunisien doit devenir plus efficace, et l’administration doit être mieux lisible et plus engagée dans le développement des entreprises et des investissements. Les services de télécom doivent être plus innovants, etc.».

« Pour ramener ceux qui opèrent dans l’économie informelle dans le giron bancaire, il faut probablement une amnistie de change, fiscale, douanière et de sécurité sociale. Personne n’a intérêt à rester éternellement dans l’informel, donc dans l’illégal»

Le président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers poursuit : «Il n’est pas normal qu’en Tunisie la monnaie fiduciaire (billets de banque) continue à constituer le moyen de payement le plus usité. Son encours est passée de 5 milliards de dinars en 2010 à plus de 11 milliards en 2017, à un moment où sa part dans la masse monétaire est en train de diminuer dans toutes les économies modernes», regrette le président de l’APTBEF.

«Nous avons dans nos banques des cadres, des ingénieurs d’une grande compétence qui sont en mesure d’assurer le saut technologique nécessaire des moyens de paiement avec toutes les sécurités qui doivent l’accompagner».

« Nous œuvrons, à l’association des banques, pour faire du téléphone portable un instrument de paiement universel »

En lui disant que l’argent de l’économie parallèle passe forcément par les banques, M. El Karm assure que «non, l’économie informelle a son propre système bancaire, car celui qui s’adonne à l’informel n’ouvre pas un compte bancaire».

Pour lui, un des thèmes majeurs de réflexion consiste à ramener ceux qui opèrent dans l’économie informelle dans le giron bancaire. «C’est pour cette raison d’ailleurs que j’ai parlé et à plusieurs reprises d’amnisties de change, fiscale, douanière et de sécurité sociale. Certains des opérateurs du marché informel partent d’intentions criminelles -ceux-là, il faut les sanctionner. Par contre, d’autres ne parviennent pas à intégrer l’économie formelle pour plusieurs raisons dont la lourdeur des contraintes administratives… Il est possible que des amnisties arrivent à les pousser à régulariser leurs situations et à renouer leurs relations avec les banques. Personne n’a intérêt à rester éternellement dans l’informel, donc dans l’illégal».

“l’inclusion financière et l’éducation financière constituent des facteurs essentiels pour permettre aux Tunisiens d’accéder à la modernité“

Mais est-ce que les banques ont engagé des discussions avec les autorités sur ce sujet?, nous lui avons demandé. «Tout à fait, a répondu Ahmed El Karm, et nous avons fait mieux que ça. A l’APTBEF, nous avons lancé un grand chantier d’inclusion financière dont l’objectif est de faire en sorte que chaque Tunisien, quel qu’en soit l’endroit où il se trouve sur le territoire national, puisse posséder un compte bancaire». Et il ajoute: «Nous avons des réflexions très approfondies en la matière avec d’éminents experts pour créer une dynamique opérante. C’est dans ce sens que nous intervenons de manière forte dans le financement de la microfinance, un véhicule intéressant d’intégration dans l’économie formelle pour les paiements, les crédits et les dépôts. Nous œuvrons également pour faire du portable -possédé par tous les Tunisiens- dispose un instrument de paiement universel, etc.».

En résumé, M. El Karm souligne que les banques vont investir massivement pour que l’inclusion financière soit une préoccupation majeure en Tunisie. «Car on estime que l’inclusion financière et l’éducation financière constituent des facteurs essentiels pour permettre aux Tunisiens d’accéder à la modernité».

 

Suivra Troisième et dernière Partie: Regard sur le système financier et bancaire tunisien

Propos recueillis par Tallel BAHOURY

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