Au début de cette année, la croissance du commerce mondial était censée s’accélérer, dans un contexte d’optimisme prudent et d’économie mondiale stable. Mais le ton optimiste a rapidement changé lorsque la nouvelle administration américaine a lancé un programme ambitieux de réformes politiques, avec des répercussions majeures sur le paysage macroéconomique mondial.

Le 2 avril, jour devenu connu sous le nom de « Jour de la Libération », le président Trump a annoncé des droits de douane massifs, notamment une taxe de base de 10 % sur toutes les importations, ainsi que des taux plus élevés pour certains pays. Les projections commerciales se sont alors fortement dégradées, en raison des craintes liées aux perturbations massives des chaînes d’approvisionnement, à l’incertitude croissante et à la possibilité d’escalades dans les guerres commerciales. À cette époque, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoyait une contraction du commerce pour l’année en cours. Au cours des 40 dernières années, une contraction des volumes réels du commerce n’avait été enregistrée que dans des circonstances exceptionnelles, comme en 2009 après la crise financière mondiale, ou en 2020 en raison des perturbations dramatiques causées par la pandémie de Covid-19.

Mais les perspectives ont évolué depuis avril, et l’économie mondiale a de nouveau démontré une résilience significative. Selon nous, bien que la croissance du commerce mondial en 2025 reste modeste selon les standards historiques, elle évitera largement les scénarios les plus pessimistes. Dans cet article, nous analysons trois éléments clés qui soutiennent notre vision constructive du commerce mondial.

Premièrement, les principaux indicateurs avancés montrent une performance commerciale mondiale résiliente. L’activité exportatrice des économies asiatiques fortement intégrées, telles que le Japon, la Corée du Sud, Singapour, Taïwan, la Thaïlande et le Vietnam, fournit des statistiques commerciales pertinentes pour anticiper les tendances du commerce mondial. Après avoir affiché des taux de croissance annuels moyens de 6 % en dollars américains en 2024, conformément à la reprise du commerce mondial cette année-là, cet indicateur a commencé à s’accélérer, doublant pour atteindre 12 % en moyenne sur les quatre derniers mois, montrant peu d’impact des tensions commerciales jusqu’à présent. De même, malgré une incertitude importante, les exportations chinoises ont progressé à un rythme annuel moyen de 6 % ces derniers mois.

Les attentes des investisseurs concernant les bénéfices futurs des entreprises du secteur des transports constituent également un signal révélateur des perspectives du commerce mondial. Le Dow Jones Transportation Average (DJTA), un indice boursier américain regroupant des compagnies aériennes, de transport routier, maritime, ferroviaire et de livraison, anticipe généralement la dynamique des exportations mondiales. Après avoir atteint un creux à la mi-2024 en termes de croissance annuelle, cet indicateur est redevenu positif, ce qui suggère une expansion du commerce. Cela montre que le pessimisme a diminué, même au cœur d’un choc commercial majeur. Bien qu’il subsiste un écart entre l’essor des exportations asiatiques et les attentes de bénéfices modestement positifs du DJTA, cela pourrait s’expliquer par l’avance des exportations vers les États-Unis face aux menaces tarifaires récurrentes. En d’autres termes, même si la forte croissance des exportations asiatiques pourrait être temporaire, les attentes de bénéfices suggèrent encore une expansion modérée plutôt qu’un effondrement brutal du commerce.

Deuxièmement, le protectionnisme croissant aux États-Unis pourrait ne pas déclencher de guerres commerciales mondiales généralisées comme on le craignait auparavant. L’administration américaine a conclu un premier ensemble de négociations, adoptant une approche plus pragmatique qui a contribué à réduire l’incertitude et à écarter les scénarios négatifs les plus extrêmes. Des exemptions générales ont été accordées à des secteurs clés, et des accords ont été conclus avec le Royaume-Uni, le Japon, l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines et l’UE, entre autres. Cela a réduit la fourchette des taux de droits de douane potentiels pour le reste du monde. Par ailleurs, même si les États-Unis sont devenus plus protectionnistes, le reste du monde se dirige progressivement dans la direction opposée. De l’Union européenne à l’Asie et l’Amérique latine, la plupart des grandes économies continuent de considérer le commerce comme essentiel à leur modèle de croissance et cherchent activement une intégration plus profonde via de nouveaux accords commerciaux ou des accords renforcés. Ainsi, même si le monde doit s’adapter à une Amérique plus protectionniste, les perspectives de politique commerciale mondiale sont atténuées par des initiatives hors États-Unis et par l’évitement des guerres commerciales.

Troisièmement, les cycles de baisse des taux directeurs des principales banques centrales soutiendront davantage le commerce international. Aux États-Unis, face à un équilibre des risques macroéconomiques penché vers un ralentissement de la croissance, la Réserve fédérale devrait réduire son taux directeur de 100 points de base au cours de l’année prochaine, le portant à 3,25 % d’ici fin 2026, réduisant le coût du crédit depuis des niveaux restrictifs vers des niveaux plus accommodants. Dans la zone euro, avec l’inflation sous contrôle, la Banque centrale européenne (BCE) a déjà abaissé son taux directeur de 200 points de base depuis mi-2024, le portant à 2 %. Le commerce international est sensible aux taux d’intérêt, car ils influencent l’investissement des entreprises et la demande de biens des ménages, deux composantes majeures des flux commerciaux. Comme les États-Unis et la zone euro représentent environ 40 % de l’économie mondiale, le cycle d’assouplissement monétaire dans les économies avancées donnera un nouvel élan à la croissance du commerce mondial.

En somme, bien que la croissance du commerce mondial soit appelée à ralentir significativement, les perspectives pour 2025 se sont améliorées par rapport aux scénarios les plus pessimistes post-Jour de la Libération. Des indicateurs avancés plus résilients, des politiques monétaires favorables et des trêves commerciales favorisent un environnement commercial moins destructeur.