Parce que l’histoire de l’économie éclaire toujours le présent, WMC lance une nouvelle rubrique rétrospective : « C’était en… ». Chaque semaine, nous replongerons dans les archives de Webmanagercenter, pour revisiter des événements économiques, sociaux et politiques marquants d’il y a 10, 20 ans ou plus. Avec cette rubrique, WMC se transforme aussi en mémoire vivante de l’économie tunisienne, en donnant une seconde vie à ses archives.

Tunisie Economie Finance BourseIntroduction — Un tournant discret de l’après-2001

Au début des années 2000, la Tunisie sort d’un choc externe (11 septembre, ralentissement européen) et tente de consolider ses fondamentaux : modernisation bancaire, transparence boursière, diversification des devises et soutien à l’investissement privé. Les “signaux faibles” de 2002–2003 racontent une économie en apprentissage accéléré des règles de la finance moderne : régulation, information, gouvernance. Revisiter ces archives éclaire nos débats actuels sur la profondeur du marché, la qualité de l’épargne longue, la place des notations et la discipline des acteurs.

Marché financier & gouvernance

20-01-2003 — « Radiographie du marché financier tunisien »
L’essentiel. Ahmed Abdelkafi (Tunisie Leasing) dresse un tableau double face : des institutions en place (CMF, BVMT, STICODEVAM), un cadre légal jugé “harmonisé avec les meilleurs standards”, des véhicules (OPCVM, SICAV) et une liquidité boursière bien meilleure qu’en 1996.

Mais trois freins majeurs : poids des habitudes (entreprises familiales peu enclines à la transparence), faiblesse de l’épargne longue et mauvaise assimilation des “rouages” d’un vrai marché (primes d’émission symboliques, devoir d’information parcellaire, comptes non consolidés).

Passages marquants. « À quoi servent exactement le marché financier et la bourse ? », interroge-t-il, pointant l’économie d’endettement et l’opacité.
Prédictions/alertes. Sans transparence et discipline des autorités de contrôle “qui ne peuvent plus être juges et partie”, le marché ne jouera pas son rôle d’allocation du capital.

Regard 2025 –  Vingt ans plus tard, les mêmes leviers — consolidation, information périodique, gouvernance — restent centraux. Les progrès réglementaires sont réels, mais la profondeur de marché et l’épargne longue demeurent des chantiers (pensions, assurances-vie, investisseurs institutionnels).

Régulation & information de crédit

15-01-2003 — « Crédits aux particuliers : un fichier de la BCT opérationnel »
L’essentiel. Mise en service d’un fichier centralisé des crédits aux particuliers, consultable par accès sécurisé, avec obligations d’information et droit de rectification pour l’emprunteur.

Passages marquants. Clarification des usages autorisés ; rappel des limites (sanctions non précisées).
Prédictions/ambitions. Responsabiliser banques et prêteurs face aux impayés.

Regard 2025. Le credit scoring s’est largement diffusé ; la protection des données et la cybersécurité sont devenues des enjeux cardinaux. La granularité des données et leur interopérabilité avec d’autres registres (fisc, sécurité sociale) restent des sujets sensibles.

Politique économique & conjoncture

13-01-2003 — « Situation économique au 30/12/2002 : la reprise se poursuit »

L’essentiel. Exportations en redressement, déficit courant amélioré, inflation contenue (~2,8%), réserves de change en hausse (≈80–83 jours d’importations).

Prédictions/ambitions. Poursuite d’une politique monétaire prudente.

Regard 2025. Ces ancres nominales (inflation, change, réserves) restent la boussole. La contrainte extérieure est aujourd’hui plus volatile (prix de l’énergie, supply chains, droits de douane) et renforce le besoin de couvertures et de diversification des recettes en devises.

08-01-2003 — « Loi de finances 2003 : créer des entreprises sera la priorité »
L’essentiel. Nouri Jouini défend l’entrepreneuriat comme réponse au chômage, avec incitations et garantie des financements.

Regard 2025. Le défi du tissu productif demeure : passage à l’échelle, productivité, sophistication exportatrice, capital-risque local.

02-01-2003 — « Crédits aux moyennes entreprises : le nouveau régime de garantie »
L’essentiel. Mise en place d’une garantie publique (≈40 MDT) pour l’industrie et les services, avec schémas de co-partage du risque et gestion envisagée par une société interbancaire.

Regard 2025. Les mécanismes de partage du risque (fonds de garantie, co-investissement) restent clés pour bancariser l’innovation, mais exigent gouvernance, suivi des pertes et transparence.

Risque pays, notations & finance internationale

13-02-2003 — « Performances 2002 confirmées par Standard & Poor’s »
L’essentiel. Maintien de la notation souveraine (BBB/A) en perspective stable ; amélioration du solde courant et des réserves malgré un contexte difficile.

Regard 2025. Les notations pèsent toujours sur le coût de financement et l’accès aux marchés. La visibilité fiscale, la trajectoire d’endettement et la croissance potentielle restent déterminantes.

04-02-2003 — « Rapport Coface 2003 : la Tunisie bien notée »
L’essentiel. A4 au court terme ; “assez bon risque” au moyen terme ; atouts : stabilité, prudence monétaire/budgétaire, association UE.

Regard 2025. Le profil risque pays est plus exposé aux chocs géopolitiques et commerciaux (nouvelles barrières, reconfiguration des chaînes). La diversification des marchés et des produits est un impératif récurrent.

Chocs micro & discipline de marché

24-03-2003 — « Batam : le détail du plan de sauvetage »
L’essentiel. Sauvetage d’un groupe surendetté via abandon de créances, conversion en capital, recapitalisation et refonte de gouvernance ; rappel des devoirs de consolidation comptable et du rôle des commissaires aux comptes.

Regard 2025. Cet épisode préfigure l’exigence actuelle de révélation des risques, de plans de redressement et de sanctions disciplinaires lorsque l’information financière est tardive ou lacunaire.

Conclusion — Ce que le passé nous dit du présent

Ces textes racontent une économie en apprentissage de la transparence, cherchant à bâtir une épargne longue et une discipline de marché. Vingt ans plus tard, la question n’a pas changé : comment faire de la bourse et du système financier un moteur de capital patient pour la transformation industrielle et technologique ? La réponse tient en trois mots : gouvernance, information, profondeur.

Reste à les concrétiser, chiffres à l’appui.

EN BREF

  • 2002–2003 : prudence monétaire, inflation maîtrisée et réserves en hausse.
  • Mise en place du fichier crédits aux particuliers : vers un meilleur scoring.
  • Garanties publiques pour les PME et priorité à la création d’entreprises.
  • Avertissements récurrents sur la transparence et l’épargne longue.
  • Cas Batam : discipline de marché et gouvernance à l’épreuve.