Sous un ciel baigné d’une lumière éclatante, l’île de Djerba révèle un patrimoine architectural unique en son genre : celui de ses mosquées.

Dispersées, sous formes de ceintures, entre les palmeraies les dunes et les villages aux ruelles étroites, ces maisons de culte séculaires se fondent dans le paysage comme des mirages de chaux blanche et de lignes épurées.

L’île, pourtant modeste en superficie, abrite plus de 400 mosquées, un chiffre impressionnant que souligne Raoudha Hamzi, membre de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba. Ces sanctuaires, souvent humbles et dénués de toute ornementation excessive, incarnent un style architectural austère, façonné par des impératifs à la fois spirituels, sociaux et défensifs.

Car Djerba, longtemps exposée aux menaces venues de la mer, a vu ses mosquées jouer le double rôle de lieu de prière et de bastion. La mosquée El May, tout comme la mosquée fortifiée de Sidi Yeti, en est l’illustration parfaite, murs épais, minarets trapus, ouvertures rares, ces édifices s’apparentent à des forteresses muettes, dressées face à l’inconnu.

Leur plan parfois labyrinthique, leurs guetteuses de pierre et leurs volumes ramassés témoignent de cette vocation défensive. Et pourtant, malgré cette rudesse apparente, une poésie émerge de l’ensemble, portée par la blancheur éclatante de la chaux, protectrice contre le soleil, et les lignes géométriques épurées, en parfait dialogue avec les menzels, les habitations traditionnelles de l’île.

En effet, leurs formes géométriques simples, les coupoles aux courbes légères et les minarets trapus créent un dialogue apaisant entre le bâti et la nature. À l’aube ou au crépuscule, ces silhouettes blanches se parent de nuances dorées, offrant aux visiteurs des paysages dignes d’aquarelles.

Que ce soit à la mosquée Sidi Jmour, à celle de Fadhloun, ou dans les lieux de culte ottomans, le dépouillement règne en maître : pas de mosaïques flamboyantes, pas de stucs ciselés ni de boiseries ouvragées.

« L’architecture des mosquées de Djerba se distingue par son refus de l’ostentation », confie Raoudha Hamzi. « C’est un choix aussi esthétique que spirituel. Ici, la foi se traduit par le silence des formes, la pureté des lignes, l’ascèse de la lumière naturelle. » Dans cet espace où la parole du prédicateur remplace les dorures, la méditation devient possible, presque inévitable.

La blancheur des murs, les lignes simples et les volumes épurés créent des espaces propices à la méditation, loin du faste et de la distraction. Cette simplicité extrême renforce la force symbolique des lieux, où seuls la lumière naturelle et les voix des prédicateurs, peuvent animer les intérieurs.

Au-delà de leur fonction religieuse, a-t-elle enchaîné, les mosquées de Djerba ont, de tout temps, joué un rôle social central. Véritables points de ralliement des communautés, elles ont accueilli les assemblées des sages et des cheikhs, servi de refuge en période de troubles, et parfois même d’école ou de tribunal.

Certaines, comme la mosquée Ouelhi à Oued Zbib, rayonnaient bien au-delà de l’île, attirant des disciples venus de tout le Maghreb, à la recherche de science et de sagesse.

Se perdre dans les chemins de Djerba, c’est ainsi suivre un itinéraire spirituel et patrimonial, entre mer et désert, à la rencontre d’un génie architectural discret, né du sable et de la foi.

Chaque édifice chuchote un pan du génie discret des bâtisseurs djerbiens, qui ont su conjuguer esthétique, efficacité et humilité.

Les mosquées étaient des lieux où se tissait le lien social, où se transmettaient les savoirs et où se forgeait l’identité djerbienne et l’aura de l’île des mosquées, au croisement des cultures et des civilisations.