La FIJ s’inquiète de la multiplication des procès contre des journalistes en Tunisie

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a exhorté le président de la République, Kais Saïed, “à exercer ses pleins pouvoirs afin d’imposer le respect de la constitution et protéger le sort des libertés journalistiques dans le pays”. L’appel de la FIJ survient sur fond de l’arrestation et la récente détention du journaliste Zied El Heni qui devra comparaître le 10 janvier courant devant le tribunal.

Dans une lettre ouverte adressée, jeudi, au Président de la République et dont copie est parvenue à la TAP, la FIJ s’est dite profondément consternée face à la montée en puissance des procès portés contre des journalistes, estimant que cette orientation est ” en totale contradiction avec les acquis prévus par la Constitution tunisienne en matière de liberté d’expression et de l’information “.Elle a appelé à ce titre le chef de l’Etat à exercer ses pleins pouvoirs afin de faire respecter la Constitution et de protéger la liberté de la presse.

La FIJ a également exhorté le président de la République à œuvrer à la libération des journalistes Zied el Heni, Khalifa Guesmi et Shadha Hadj Mbarek et à mettre fin au recours fréquent aux textes de décrets et de lois jugés liberticides dans le dessein de traquer les journalistes.

Dans sa lettre, la FIJ estime aussi que l’arrestation du journaliste Zied al-Heni et sa détention en attendant son procès (le 10 janvier de ce mois), conformément aux dispositions du code des Télécommunications, est une mesure qui vient porter atteinte aux garanties prévues par la Constitution, les lois tunisiennes, et les accords internationaux ratifiés par la Tunisie en matière de protection des journalistes, tout comme elle a autorisé la perpétration de violations d’ordre procédural et juridique pouvant ouvrir droit à sa condamnation à une peine de deux ans de prison ferme.

La FIJ a estimé que les poursuites engagées contre 30 journalistes tunisiens au cours de la seule année 2023 en vertu du décret n° 54 relatif à la lutte contre les infractions liées aux systèmes d’information et de communication, du Code des télécommunications et de la loi antiterroriste de 2015 laisse à dire que le cas de Zied al-Heni n’est pas isolé mais indique clairement l’existence d’une ” politique systématique d’instrumentalisation ” des procédures légales et du système judiciaire pour intimider et brimer les journalistes.

Cette situation arbitraire, illégale et contraire à la Constitution menace sérieusement de transformer la Tunisie, un exemple à suivre à l’échelle arabe et internationale en matière de protection des libertés dans la pratique et la législation, en un prédateur des droits et des libertés et en une prison ouverte pour les journalistes.

La lettre ajoute en outre que l’injustice infligée à Zied al-Heni vient s’ajouter aux violations encore plus graves commises à l’encontre du journaliste Khalifa Guesmi qui a été écroué par la chambre spécialisée dans les affaires terroristes près le tribunal de première instance de Tunis et qui purge encore une peine de cinq ans d’emprisonnement, la plus lourde dans l’histoire du journalisme en Tunisie, sur fond de publication d’un article de presse relatant des faits précis sur la base d’informations exactes recueillies auprès d’une source sécuritaire officielle.

La lettre a aussi évoqué la poursuite de la détention ” injuste et arbitraire ” de la journaliste Shadha Hadj Mbarek, jugée depuis septembre 2021 pour complot présumé contre la sécurité intérieure de l’Etat, estimant que son procès a été entaché de plusieurs abus et exactions.

Face à ces procès arbitraires et expéditifs, la lettre prévient contre les sérieux risques de voir la liberté d’expression et de presse ainsi que le droit des citoyens à une presse libre et professionnelle sans lendemain et mises en péril.

Le 2 janvier courant, le parquet a émis un mandat de dépôt à l’encontre du journaliste Zied al-Hani, sur fond de ses critiques portées contre la ministre du commerce lors d’une émission diffusée sur la station de radio privée IFM.

Le journaliste El Heni sera jugé le 10 janvier courant et devra répondre des griefs cités dans l’article 86 du Code des télécommunications, lequel prévoit qu’il ” est puni d’un emprisonnement de un (1) an à deux (2) ans et d’une amende de cent (100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunication ”

La Fédération internationale des journalistes ou FIJ est une fédération syndicale internationale qui rassemble environ 600 000 professionnels des médias dans 187 syndicats et organisations dans 146 pays du monde. Son siège social est à Bruxelles.