C’était prévisible, la Tunisie, pays confronté à une récession économique critique ne pouvait en aucune manière tolérer, un problème de plus, en l’occurrence, l’implantation sur son sol d’une communauté de migrants subsahariens démunis. Selon des statistiques concordantes des autorités tunisienne et des ONG le nombre des migrants en situation irrégulière est estimé à environ 60.000 personnes dont 30 à 40 mille seraient localisés dans la seule région de Sfax.

La ville de Sfax et banlieues dont les côtes seraient les mieux indiquées pour migrer clandestinement vers l’Europe, l’Eldorado de ces personnes qui s’expatrient pour des raisons économiques, est la cité qui a, semble-t-il, le plus souffert des flux migratoires.

Ras le bol des sfaxiens

Excédés par la présence de migrants dans leur ville, les sfaxiens, qui n’ont pas manifesté contre le cauchemar de la non-collecte pendant, de longs mois, des ordures et saletés qui jonchent les rues de la ville, sont descendus, dimanche 25 juin 2023, dans la rue pour crier, haut et fort, leur ras le bol contre les migrants.

Des centaines de personnes représentant la société civile et de simples citoyens, femmes et enfants ont appelé, à gorge déployée, les autorités régionales et centrales à arrêter les flux migratoires et à fermer, s’il le faut les frontières. Et pour cause. D’après les manifestants, le phénomène commence à prendre une tendance fortement dangereuse pour la population sfaxienne.

Cette dangerosité est perceptible à travers les risques sanitaires avec la prolifération de maladies contagieuses telles que le Sida et la tuberculose. La région aurait compté, ces derniers jours, pas moins de 69 cas de tuberculose pulmonaire et deux décès par cette maladie.

Les manifestants ont attiré l’attention sur la violence générée par les migrants : multiplication des rixes entre eux, avec, souvent, des batailles rangées et usage d’armes blanches. Ces rixes prennent parfois une dimension dramatique. Le 29 mai 2023, John, un Guinéen de 35 ans est mort poignardé après une bagarre opposant des migrants camerounais et guinéens.

Des accrochages entre citoyens et migrants sont également signalés. Le plus récent a eu lieu, le 18 juin 2023, au quartier Kassas Haffara, à Sfax.

Le FTDES justifie le mal vivre des migrants

Pour le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG indépendante, cette rixe s’explique par l’extrême précarité à laquelle sont confrontés les migrants en Tunisie. “Les migrants vivent dans un profond dénuement. Leur situation économique et sociale ne permet pas de préserver leur dignité”, signale souvent aux médias Romdhane Ben Amor, membre du FTDES.

Ben Amor dénonce l’exploitation des migrants par certains patrons qui profitent de leur statut de sans-papiers et des “pratiques discriminatoires” de la police, qui les considèrent “toujours comme des délinquants ou des trafiquants”.

Pourtant, l’Union patronale de Sfax (UTICA) a dénoncé, le 20 juin 2023, ce qu’elle appelle « le calvaire de la migration irrégulière ».

S’exprimant sur les ondes de la radio privée Shems Fm, le porte-parole de l’UTICA de Sfax Slim Marrakchi,  tout en reconnaissant les conditions de vie difficiles des migrants, a déploré la tendance des migrants à prendre Sfax comme un lieu de résidence permanent alors qu’elle n’était considérée à l’arrivée des migrants que comme un lieu de transit.

Toujours selon Slim Marrakchi, les migrants seraient en partie à l’origine des pénuries des produits de première nécessité : « Les files d’attente devant les magasins sont en majorité composées de migrants en attente de produits de première nécessité dans ce contexte de pénurie ».

Pour l’UTICA de Sfax l’enjeu réside dans l’application de la loi. Entendre par là, le renvoi des migrants qui sont en situation irrégulière.

L’histoire donne raison à Kaïes Saied

Par-delà la réaction de l’UTICA de Sfax et des manifestations dans la rue, il semble que la communauté de Sfax a décidé de confirmer la thèse du Président de la République Kaïes Saïed.

Pour mémoire, le chef de l’Etat a semé la confusion, le 21 février dernier, en laissant entendre que la venue de migrants subsahariens relèverait d’un complot visant à affaiblir l’identité arabo-islamique en Tunisie « Il existe un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie, et certains individus ont reçu de grosses sommes d’argent pour donner la résidence à des migrants subsahariens », a déclaré le chef de l’Etat.

Cette thèse, qui lui value d’être qualifiée de raciste par l’opinion encadrée les droits hommistes étrangers, est pourtant en partie vraie lorsqu’on sait, qu’à travers l’histoire, comment l’occident néolibéral, pour se débarrasser d’une communauté à problèmes, a toujours cherché à créer des Etats dans les Etats, cas d’Israel en Palestine.

Cela pour dire qu’historiquement parlant, l’implantation provisoire d’une communauté étrangère dans un pays est toujours synonyme de problèmes insolubles.

Cette implantation provisoire peut devenir un jour permanente et créer, ultérieurement, de véritables problèmes aux communautés locales. L’exemple des réfugiés palestiniens au Liban et en Syrie est édifiant sur ce sujet. C’est le cas aussi des réfugiés syriens en Turquie.

Rôle des voisins dans les flux migratoires à destination de la Tunisie

Par-delà ces exemples, nous ne pouvons pas nous interdire de s’interroger sur les itinéraires suivis par les 60 mille migrants en situation irrégulière avant d’arriver en Tunisie.

Cette interrogation est légitime car la Tunisie n’a pas de frontière avec aucun pays émetteur de migrants : Soudan, Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Cameroun ; Côte d’Ivoire……

La Tunisie a 3000 kms de frontières : 1300 kms de frontières maritimes et 1700 kms de frontières terrestres dont 1250 kms avec l’Algérie et 450 kms avec la Libye.

La question qui se pose alors est de savoir quel rôle a joué et joue encore « le business cynique » – entendre par là le lobby des passeurs criminels- de ces deux pays dans les flux migratoires subsahariens à destination de la Tunisie. Il serait intéressant de connaître le degré de tolérance accordée par les gouvernements de ces deux pays à ces groupes mafieux. A bon entendeur.