Il est bien beau de prôner le souverainisme, la préservation de l’indépendance de la décision nationale par rapport à des instances supranationales lorsque nous n’avons pas de projet socioéconomique viable et que nous souffrons de myopie grave qui nous empêche de voir ce qui se passe autour de nous et comment, par manque de vision et de compétence nous risquons de mener le pays vers l’impasse !

Il est toutefois impératif, pour sauvegarder un pouvoir décisionnel d’avoir les moyens de ses ambitions ou plutôt de ses fictions dans un monde où les relations et les intérêts économiques entre les pays sont imbriquées à tel point que tout événement économique localisé dans un pays peut affecter d’autres économies et les exemples en la matière sont légion. Ces 4 dernières années, nous avons vu les ravages produits par la pandémie Covid19 et la guerre russo-ukrainienne sur les économies du monde.

Les pays développés dotés de fortes économies ont souffert des répercussions sur les marchés de l’énergie et des denrées alimentaires. La guerre en Ukraine a coûté à l’économie mondiale plus de 1.600 milliards de dollars en 2022 selon les estimations de l’Institut de l’économie allemande de Cologne, la guerre coûtera encore 1 000 milliards de dollars en 2023.

C’est dire !

Comment dans pareil contexte des économies chancelantes telle celle de la Tunisie pourraient résister aux bouleversements induits par des crises supranationales ? Ce n’est certainement pas en tenant tête aux financeurs internationaux sous prétexte de volonté souveraine.

“Il est bien beau de prôner le souverainisme, la préservation de l’indépendance de la décision nationale lorsque nous n’avons pas de projet socioéconomique viable

Ceci, d’autant plus que les réalisations de l’économie nationale, si réalisations, il y a, ne peuvent en aucun cas prédire d’une imminente sortie de crise. Le tableau de bord établi par l’ITCEQ* au mois d’avril 2023, n’est pas rassurant.

Ainsi, même si par secteur d’activité et en termes de glissement annuel, l’activité économique a enregistré une amélioration de la valeur ajoutée dans certains secteurs tels l’Agriculture et la pêche (2,1%), les THC (15,5%), les industries chimiques (9,9%), les IME (12,3%), les industries diverses (3,8%), les transports de (17,7%) et le secteur d’hébergement et de restauration (20,3%), on relève des baisses dans le secteur des extractions du pétrole et du gaz naturel (-10,5%), le secteur d’extraction des produits miniers (-24,2%), le secteur de production et distribution de l’électricité et du gaz (-8,2%), le secteur d’industrie d’autres produits minéraux non métalliques (-6,3%) et le secteur de construction (-12%).

Les relations et les intérêts économiques entre les pays sont imbriqués à tel point que tout événement économique localisé peut affecter d’autres économies

L’Algérie projette de doubler le prix de ses exportations énergétiques vers la Tunisie

Le plus dramatique est que nos « amis algériens » projettent, s’ils ne l’ont pas déjà fait, de doubler les prix de leurs exportations en gaz naturel et en électricité vers la Tunisie !

Les ressources de la demande d’énergie primaire ont baissé de 13% et de 5,7% entre le premier trimestre 2023 et celui de 2022 entrainant une aggravation du déficit du bilan d’énergie primaire, (2%) en raison de la régression de la production des hydrocarbures et de la demande d’énergie primaire.

L’indice de production industrielle a augmenté de 2,7% en décembre 2022, par rapport au mois précédent. Cette augmentation est enregistrée pour la plupart des industries à l’instar des THC (13,9%), des IAA (10,3%), des mines (13,3%), des industries manufacturières (3,3%) et des industries diverses (2,2%). Quant aux secteurs des IME et des énergies, ils sont en stagnation. Par contre, ceux des IMCCV et des industries chimiques, ont accusé des baisses respectives de l’ordre de 4,9% et 9,8%.Les quantités de phosphate exportées durant les quatre premiers mois de l’année s’élèvent à 71678 tonnes, dépassant toute la quantité exportée au cours de l’année 2022 qui étaient de 56 mille tonnes seulement-Merci revendications sociales injustifiées et destructrices -le manque à gagner en devises ne peut compenser les besoins de la Tunisie en gaz et en pétrole ce qui signifie un déficit structurel de la balance énergétique.

Même si certaines activités économiques ont enregistré une amélioration, le tableau de bord établi par l’ITCEQ au mois d’avril 2023 n’est pas rassurant

Pour les analystes du journal économique Ecoweek publié par le think tank TEMA, présidé par le grand économiste Hechmi Alaya, le rebond dans l’industrie tient surtout à des capitaux locaux car les investissements à participation étrangère sont en net recul : -55,7% et s’établissent cette année en valeur nominale, à leur plus bas niveau depuis le début des années 2010. Les intentions d’investissement dans les activités de services n’ont toujours pas retrouvé leur dynamisme des années prépandémiques. Elles ont baissé cette année de -4,2% en g.a en nombre de projets, de -33,7% en g.a pour les montants à investir mais continuent d’être grandes pourvoyeuses d’emplois : 10408 emplois ».

Mais quelles que soient les réalisations ou les non-réalisations de l’économie nationale, c’est le verdict de l’éditorialiste d’Ecoweek qui qui estime que la Tunisie continue de sacrifier son avenir qui inquiète le plus. On y parle du recul de l’investissement, de la dégradation des infrastructures numériques et d’un pays sans projet d’avenir. On y déplore l’absence de vision pour les décennies à venir !« Une absence de Projet et de cap qui laisse libre cours aux fantasmes des chantres du populisme le plus extravagant. Plutôt que de servir une politique visant à réduire le recours à la dette et à consentir au sacrifice et à l’effort pour changer, le « compter sur soi » de K. Saïed, inhérent à sa rebuffade face au FMI, recèle en réalité une volonté de rendre gorge à d’hypothétiques boucs émissaires, aux riches et vraisemblablement aussi le dessein d’embrigader l’Institut d’émission. Un choix de politique économique qui escamote les vrais problèmes et crée les conditions du pire.

Rien à ajouter !

Amel BelHadj Ali

*Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives (ITCEQ)