Pour un projet innovant, c’en est un. Agil Energy, ex-SNDP, entreprise publique spécialisée, jusque-là, dans la distribution de carburants, a décidé de se lancer, à partir de cette année, dans le bunkering. Il s’agit d’une activité maritime qui consiste à approvisionner en combustibles et autres produits des navires dans les ports, en rade et même au large. C’est ce qu’on appelle communément dans le langage maritime le soutage ou le mazoutage.

Les procédures pour l’obtention des autorisations requises sont à un stade avancé, selon Khaled Bettine, PDG d’Agil Energy, qui a fourni, aux médias, cette information. Le projet, qui a été étudié en concertation avec le département de tutelle, le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, n’attend que sa validation par la Commission d’assainissement et de restructuration des entreprises à participation publique (CAREPP), structure impartie de la mission du contrôle du respect des obligations mises à la charge des entreprises publiques par la législation et la réglementation en vigueur.

Le bunkering pour améliorer la rentabilité

Agil Energy, une des rares entreprises publiques bénéficiaires, projette d’exploiter cette niche, tout comme d’autre ailleurs, pour diversifier ses activités et améliorer sa rentabilité d’autant plus que les transactions se feront en devises.

Mieux, d’après nos informations, sur le plan logistique, l’entreprise publique est en pourparlers avec des partenaires professionnels pour réunir toutes les conditions de succès à ce projet innovant.

Dans cette perspective, la société s’est engagée dans l’acquisition de barges de petites et moyennes tailles. L’entreprise a dû soit recruter, soit former un personnel qualifié pour accomplir des tâches aussi difficiles et aussi complexes telles que le soutage et le mazoutage.

Dans une première étape, Agil Energy approvisionnera les navires en deux variétés de carburants : le fuel lourd pour les grands moteurs et le gazole qui est plus léger.

Et pour ne rien oublier, l’entreprise, qui compte lancer, à partir de l’exercice 2023, cette activité d’avitaillement, est fermement déterminée à ancrer cette tradition maritime en Tunisie.

Rattraper le retard

Néanmoins, abstraction faite de l’initiative de cette entreprise publique, Agil Energy, d’explorer ce marché, on ne peut pas s’interdire de s’interroger sur les responsabilités qu’assument les gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays depuis l’accès à l’indépendance dans le retard qu’accuse la Tunisie en la matière.

Cette même Tunisie qui réunit, pourtant, toutes les conditions pour promouvoir cette juteuse activité maritime. En effet, le pays jouit d’un positionnement stratégique idéal au milieu de la Méditerranée. Elle dispose de plus de 1 300 km de côtes et d’une logistique portuaire composée de six ports commerciaux bien répartis sur tout le littoral.

Le site Tunisie est également avantageux à la faveur de la multiplicité des zones sécurisées tout le long du littoral, s’agissant particulièrement de celles du nord de Bizerte, du Golfe de Tunis, mais aussi du Golfe de Gabès au sud…

Les avantages que la Tunisie aurait pu bénéficier de cette activité sont nombreux: les rentrées de devises, la création de nouveaux emplois et la maîtrise d’un savoir-faire très demandé à l’international. Pour toutes ces raisons, le bunkering aurait dû être développé en Tunisie.

Eriger le bunkering en véritable industrie

D’après Khaled Bettine, « une île comme Malte, qui est plus petite que l’île de Djerba, réalise une bonne partie de son PIB grâce à cette technique de ravitaillement des navires ».

Il estime que sur un total de 5 000 navires qui longent la côte tunisienne, si on peut en attirer 1 000, ce sera un bon résultat commercial pour Agil Energy.

Par-delà les opérations du mazoutage et de soutage, le bunkering peut être érigé en véritable industrie pour peu que l’avitaillement englobe d’autres services et produits. Comme c’est le cas d’autres pays.

Il s’agit entre autres d’un service offshore pour le débarquement des techniciens et/ou la rotation des équipages, de l’approvisionnement en eau et nourriture, de l’assistance aux plongeurs et/ou aux navires pour tous types de travaux sur la coque ou l’ancre, du transport de matériel et assistance sur les écluses lors de la maintenance, du stockage et la livraison à bord de tous types de pièces de rechange nécessaires aux navires.

Cela pour dire, in fine, que la Tunisie, qui a tourné le dos à la mer, des décennies durant, a tout intérêt à promouvoir le bunkering, tout autant que les métiers de la mer, et à en tirer de juteux bénéfices en devises en plus.