Au vu de la faiblesse de la croissance et du recul de la création d’emplois, la vulnérabilité socioéconomique de la Tunisie reste prononcée, exposant plusieurs segments de la population au risque de sombrer dans la pauvreté, laquelle guette près de 24% de la population, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale sur le pays intitulé “Tunisie – Diagnostic Systématique Pays / Réhabiliter la confiance et répondre aux aspirations des citoyens – Pour une Tunisie plus prospère et inclusive ” .

L’analyse tendancielle des vulnérabilités montre que l’assistance sociale et l’Etat-providence ne suffisent pas à lutter contre les vulnérabilités socio-économiques en l’absence d’une croissance soutenue et de mesures favorables à la création d’emplois, indique le rapport publié jeudi.

La vulnérabilité est multidimensionnelle et couvre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. Elle est alimentée par l’absence d’opportunités économiques et continue d’entraver la mobilité socio-économique, affectant de manière disproportionnée les régions défavorisées, les femmes, les jeunes et les minorités ethniques. Ainsi, les taux d’assiduité et de réussite scolaire sont fortement marqués par les disparités régionales et le clivage urbain-rural, explique le rapport.

1,6 million de personnes sorties de la pauvreté

La vulnérabilité est davantage prononcée dans les milieux ruraux, où en 2019, 42% de la population a été estimée vulnérable (comparativement à 15% dans les milieux urbains). La proportion de la population rurale estimée vulnérable a à peine diminué entre 2000 et 2019, témoignant de la persistance de la précarité des moyens de subsistance des citoyens des régions défavorisées, en dépit des progrès réalisés en matière de réduction de la pauvreté.

Le rapport rappelle que la Tunisie a réussi, durant la période 2010-2015, à réduire la pauvreté de 20,3% à 15,2%, permettant de sortir 1,6 million de personnes de la pauvreté, et ce en dépit de la faible croissance du PIB par habitant et la croissance négative du revenu par habitant durant cette période. Il explique ce résultat principalement par l’élargissement de la portée des transfert sociaux et la révision à la hausse des programmes des transferts monétaires (PNAFN).

La faute à la pandémie de Covid-19

Il ajoute que la crise liée à la pandémie de Covid-19 a nettement montré que la politique des dépenses sociales est devenue trop onéreuse car elle ne s’attaque pas aux défaillances profondes gangrenant l’environnement économique. Cette crise a donné lieu à une contraction sans précédent de de la croissance 9,2%, impacté à long terme le secteur privé et l’emploi (fermeture de un cinquième des entreprises de façon permanente ou temporaire et taux de chômage de 17,4% en 2020).

La pandémie a également aggravé les fragilités des finances publiques, imposant au pays un endettement encore plus élevé. Au titre des efforts déployés en réponse à la pandémie, les autorités tunisiennes ont adopté une série de mesures politiques visant à répondre aux besoins du secteur de la santé, à proposer une aide financière aux ménages les plus vulnérables et à soutenir les entreprises par des crédits d’impôts.

Le coût lié à ces mesures, combiné à la diminution des recettes fiscales, a exacerbé les besoins de financement et placé la dette sur une trajectoire ascendante.

La dette publique, qui a atteint 85% du PIB fin 2021, risque de dépasser les 100% du PIB si on lui ajoute la dette des entreprises publiques, lit-on dans le rapport publié tous les 5 ans par la BM, un des principaux bailleurs de fonds du pays.