L’accord pour la validation de la demande tunisienne de financement a été approuvé. Il correspondrait, comme par hasard, à un prêt antécédent accordé par le FMI qui s’élevait à exactement 1,9 milliard de dollars. Nouveau financement ou revolving ? Il faut attendre et voir.

Mais plus que le montant consenti grâce à ce nouvel accord, c’est le signe de confiance du FMI dans le programme de réformes proposé par le gouvernement – qui garantirait sa capacité à honorer ses engagements financiers avec ses créanciers – qui est important. «C’est un bon signe vis-à-vis des bailleurs de fonds bilatéraux. Je citerais le Japon, la France, l’Arabie Saoudite et l’Allemagne. Cet accord permettra également de stopper la chute vertigineuse de notre note souveraine par les agences de rating», estime Fayçal Derbal, expert financier et économique.

Alors, ce nouveau prêt permettra-t-il de boucler le budget 2022 ? La réponse est évidemment non. « Le déblocage du prêt n’aura pas lieu en 2022, les 500 millions de $ seront libérés sur deux tranches chaque année. Soit 240 millions de dollars en 2 temps, la première aux mois de mars ou février 2023, et la seconde en septembre 2023. Et pareil pour les autres échéances sur les autres années.

Deuxième élément important, pour boucler l’année 2022, alors que nous avons prévu 18,5 milliards de dinars, il nous faut aujourd’hui 24 milliards de dinars, soit un peu plus de 5,5 milliards de dollars à cause de la flambée des prix du pétrole, des céréales, et un dollar américain passé de 2,8 à 3,3 dinars. Jusqu’à fin juin, nous avons réussi à nous procurer juste 5,5 milliards de dinars. Malgré les autres crédits débloqués, nos besoins en financements pour clôturer l’année se maintiennent à 18 milliards de dinars. La grande question est comment se les procurer », s’interroge M. Derbal.

Comment élaborer le budget 2023 dans pareil contexte ? Les banques pourraient-elles continuer à financer le budget de l’Etat aux dépens de l’économie, encourant un sérieux risque de voir les agences de rating abaisser leurs notes souveraines ? Pour précision, cette année l’Etat n’a pas remboursé les banques locales, il a procédé au rééchelonnement des prêts.

L’UTICA vient, dans un récent communiqué de presse, d’appeler le gouvernement à secourir les PME/PMI et même les grandes entreprises. Nombreuses sont celles qui vivraient une situation catastrophique et des centaines de milliers d’employés et d’artisans risquent la faillite et le chômage.

Y a-t-il une piste de sortie dans pareil contexte ?

Il y a toujours des pistes pour sortir de cette ornière à condition que le commandant de bord sache faire et agir et ne place pas les échéances électorales au-dessus de la stabilité économique du pays.

Réformes et restructuration, il n’y a plus d’échappatoire

Le seul souci du FMI est de s’assurer de la capacité de remboursement de ses débiteurs. Le signe de confiance qu’il a accordé à la Tunisie pourrait très vite se transformer en défiance et même en suspension de l’accord s’il n’y avait pas de réformes et si les engagements envers le Fonds ne sont pas respectés. « Il faut aussi s’occuper du volet développement, des IDE, de l’épargne, du pouvoir d’achat, de l’inflation, de la croissance, et tous ces éléments ne figurent pas dans les radars du FMI ».

Reste qu’il faut bien trouver des solutions définitives à une crise économique devenue structurelle. Et quitte à le répéter, à le marteler, à le crier, à le scander, le sort de la Tunisie ne dépend pas des autres, il ne dépend que de ses décideurs politiques et de leur courage à mettre en œuvre les réformes rapidement et efficacement.

Lorsqu’un doigt est gangrené, il faut le couper pour sauver la main et le bras.

En Tunisie, outre la résistance de l’administration à toutes tentatives d’assouplissement des procédures, dont la mise en place de la digitalisation, et celle des syndicats à toute privatisation des entreprises publiques qui vampirisent les finances de l’Etat, il y a pire. Certains hauts responsables, influents, paraît-il, mais hélas incultes dans la chose économique, considèrent toute tentative de privatisation comme un acte de corruption.

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La Tunisie ne pourrait aujourd’hui sauver le tout qu’en restructurant et en privatisant le peu ! La privatisation de la RNTA (Régie nationale des tabacs et allumettes) lui rapporterait, à elle seule, plus de 6 milliards de dinars tout en préservant les postes d’emploi et les acquis des travailleurs. L’information erronée véhiculée à propos de l’appropriation de l’acquéreur éventuel des impôts et taxes frise le ridicule. La RNTA ramène à l’Etat 2 milliards de dinars d’impôts et taxes. Celui qui va l’acheter pourrait-il s’approprier les impôts et taxes de l’Etat ?

La seule perte, pour beaucoup, est peut-être celle la dégustation qui coûte 10 millions de dinars par an. La parfaite illustration de l’expression “risg il bilik“ une pratique qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde.

La vente des parts de l’Etat dans les banques mixtes (5 ou 6) pourrait doter le gouvernement d’un peu de liquidités. Dernière en date, la BTK où Tunisiens et Koweitiens ont vendu leurs parts au Groupe Elloumi pour 25 millions de dinars (MDT).

Des plus d’une centaine d’entreprises publiques, presque toutes en faillite, l’Etat pourrait privatiser quelques dizaines, exceptées la STEG, la SONEDE, la STIR ou encore l’ETAP. Mais pourquoi injecter des centaines de millions de dinars dans des entreprises qui ne réussissent pas à équilibrer leurs comptes alors que nous peinons à importer des médicaments vitaux et que nos établissements sanitaires et scolaires sont de plus en plus délabrés ?

Du courage et une profonde conviction qu’il faille céder une petite partie pour sauver le reste. C’est de cela que la Tunisie a besoin : d’un acte de courage.

D’autres solutions de facilité pourraient être menaçantes pour l’économie, à l’instar d’une nouvelle amnistie fiscale, l’augmentation des impôts sur la fortune ou celle de la TVA qui pourrait exacerber l’inflation.

Augmenter les ressources n’est pas un choix. Pour cela, il faut plus de productivité et surtout de la privatisation des entreprises publiques qui évoluent dans un environnement compétitif qui pourrait donner une bouffée d’oxygène aux finances publiques.

Amel Belhadj Ali