L’Italie va booster la production de gaz naturel au sud de la Méditerranée

Au moment où la guerre russo-ukrainienne fait rage et menace sérieusement l’approvisionnement de l’Europe en gaz, des pays du Vieux continent, par crainte de voir ce conflit perdurer, semblent avoir pris les devants et déjà entrepris des démarches pour acheter plus de gaz chez d’autres fournisseurs pour ne plus dépendre du gaz russe. Le cas de l’Italie est édifiant à ce sujet.

Abou SARRA

Quelques jours après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, s’est rendu en Algérie, deuxième fournisseur de gaz de l’Italie, derrière la Russie. Objectif déclaré : négocier une augmentation des fournitures de gaz en provenance de ce pays pour compenser une éventuelle baisse côté russe. « Notre but est de protéger les entreprises et familles italiennes des effets de cette guerre atroce », a déclaré, à Alger, le chef de la diplomatie italienne.

La Tunisie pourrait tirer profit de ce changement de cap

Pour la Tunisie, ces négociations ne manquent pas d’enjeux. Notre pays pourrait en tirer le meilleur des profits en cas de résultats positifs. Et pour cause ? La redevance que la Tunisie perçoit sur le passage sur son territoire du gazoduc Transmed pour acheminer, sur une distance de 400 km, le gaz algérien vers l’Italie va automatiquement augmenter. Cette redevance, perçue à hauteur de 5,25% du gaz transporté, est estimée, en valeur et en temps normal, à 500 millions de dinars pour 2022 par exemple, soit un demi-point de croissance…

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A priori, l’Algérie est disposée à augmenter ses fournitures de gaz naturel à l’Italie, si on croit le PDG du géant public algérien des hydrocarbures, Sonatrach, Toufik Hakkar. Il a déclaré à la presse que « l’Algérie est prête à fournir davantage de gaz à l’Europe, en l’acheminant notamment via le gazoduc Transmed reliant l’Algérie à l’Italie ». Il a ajouté que la Sonatrach « dispose d’une capacité non utilisée sur le gazoduc Transmed », qui pourrait servir à « augmenter les approvisionnements du marché européen ».

Les errements du passé 

Il faut dire pour l’histoire que l’Italie, et à travers elle l’Europe, aurait pu connaître une situation plus difficile si elle n’avait pas renouvelé, le 16 mai 2019, le contrat de vente/achat de gaz naturel à long terme destiné au marché italien.

En vertu de cet arrangement, la Sonatrach et l’Office d’hydrocarbures italien “ENI“ (Ente Nazionale Idrocarburi) se sont engagés à le prolonger jusqu’en 2027, soit 10 ans de plus avec une option de deux années supplémentaires jusqu’en 2029. Cet accord, qui date de 1977, venait à expiration en septembre 2019. 

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L’Italie récolte, aujourd’hui, les fruits de cette décision de renouvellement parce qu’il y a dix ans en 2011, au temps du déclenchement des soulèvements au sud de la Méditerranée, le gouvernement italien de l’époque, craignant le sabotage des gazoducs par des terroristes djihadistes, s’était préoccupé de son approvisionnement en gaz naturel à partir de cette zone et commencé à chercher d’autres fournisseurs.

Jusqu’en 2011, le pays était alimenté en gaz naturel par deux principaux gazoducs : le Transmed à partir de l’Algérie, et le Greenstream à partir de Libye. Ce dernier a été fermé depuis 2011 par peur d’actes de sabotages perpétrés par des terroristes.

Pis, au cours de la même période, l’Italie a fait échouer le projet de construction d’un second gazoduc dénommé Galsi (8 milliards de m3) devant relier directement l’Algérie à l’Italie à travers la Sardaigne.

Plus grave encore, en avril 2017, le ministre italien du Développement économique, Carlo Calenda, avait déclaré aux médias que « l’Italie ne renouvellera pas son contrat d’importation de gaz à long terme (par gazoduc) avec l’Algérie ».

En prévision de la satisfaction de ses besoins en gaz naturel (14 milliards de m3), l’Italie s’était engagée, par des contrats à long terme, avec d’autres producteurs de gaz plus sûrs et moins exposés aux risques de sabotage et de terrorisme. Il s’agit, notamment, des Pays-Bas à partir de 2020 et de la Norvège à compter de 2026.

Par-delà ces éclairages, c’est dans cet esprit qu’il importe de comprendre les propos faits ces derniers jours par le chef du gouvernement italien Mario Draghi. Tout en regrettant les mauvais choix du passé, il a déclaré que « l’Italie compte diversifier au plus vite ses sources d’énergie pour réduire sa dépendance au gaz russe ».

L’Italie, qui importe environ 95 % du gaz qu’elle consomme, est l’un des pays européens les plus dépendants du gaz russe, soit 45% du gaz importé par la péninsule.

Toujours selon Draghi, « l’Italie pourrait augmenter ses livraisons de gaz d’Algérie, mais aussi d’Azerbaïdjan, de Tunisie et de Libye ».

Dont acte.