Les autorités tunisiennes et le Fonds monétaire international (FMI) s’apprêtent à reprendre les discussions autour d’un nouvel accord de financement, à l’heure où la Tunisie peine à mobiliser des ressources extérieures afin de financer son budget de 2022. Ce sera le 14 février 2022.

Dans le cadre de ces nouvelles négociations, qui se poursuivront jusqu’au 22 février, les équipes du FMI devraient tenir des réunions virtuelles avec la ministre des Finances, le ministre de l’Economie et de la Planification, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, et d’autres ministres dont les départements sont concernés par les réformes à mettre en place.

L’annonce de cette visite virtuelle intervient quelques jours après une réunion périodique du Conseil d’administration de la Banque centrale, lors de laquelle les membres se sont dit préoccupés par le retard pris dans la mobilisation des ressources extérieures nécessaires au financement du budget de l’Etat.

Si la teneur de cet accord reste encore floue, il n’en demeure pas moins que le gouvernement a fait part, récemment, de sa volonté d’engager une série de réformes ciblant le secteur public et la subvention. L’objectif étant de réduire le volume de la dette publique à 85% (contre 85,6% vers la fin de 2021) et accroître les ressources de financement propre à 66,6% à l’horizon 2024.

Ces réformes ont été exprimées dans un document intitulé ” Les hypothèses et les grandes orientations au titre de la période 2022/2024″ qui a été publié par le ministère des Finances.

Dans ce document, le ministère révèle les principales réformes qu’il compte engager durant la période 2022-2024 et qui peuvent faire l’objet de discussion avec le FMI.

Des négociations basées sur une vision stratégique

Le gouvernement a mis en place une stratégie visant à instaurer une croissance économique ” durable ” et globale “, à améliorer le climat des affaires et à regagner la confiance des partenaires internationaux. Cette stratégie a également pour objectif de venir en aide aux catégories démunies, de réformer la subvention et d’améliorer la gouvernance du secteur public.

Il est question aussi de renforcer les mesures visant à lutter contre les impacts économiques liés à la pandémie de Covid-19 et à retarder l’application de la loi de 2020 relative au recrutement dans le secteur public.

Le gouvernement prévoit, premièrement, de maîtriser la masse salariale et de restructurer la fonction publique.

Selon le document sur le cadre budgétaire à moyen terme, annexe à la loi des finances 2022, publié le 8 février 2022 par le ministère des Finances, à défaut de mettre en place des réformes à moyen terme, la masse salariale continuera sa tendance haussière et à peser lourd sur le budget de l’Etat.

Les dépenses des salaires ont atteint 20,345 milliards de dinars en 2021, soit l’équivalent de 59% des ressources budgétaires.

Le programme de réforme repose sur la rationalisation des augmentations salariales et des recrutements qui devront se limiter aux secteurs prioritaires.

Il s’agit également de réexaminer le programme d’application de la convention du 6 février 2021 entre le gouvernement et l’UGTT, sans effet rétroactif, le report de la mise en application de la Loi n° 2020-38 du 13 août 2020, portant dispositions dérogatoires pour le recrutement dans le secteur public.

Les réformes nécessitent en outre l’adoption de nouveaux programmes visant la réduction du nombre des fonctionnaires publics (un nouveau programme de départ à la retraite anticipée, avec la possibilité de prévoir un programme de départ volontaire tout en bénéficiant directement de la pension de retraite et d’une prime de départ).

Le programme vise également l’amélioration de la gestion des ressources humaines et du système des salaires dans la fonction publique, à travers le renforcement du programme de mobilité professionnelle à l’intérieur du secteur public et entre les secteurs public et privé, tout en offrant la possibilité de travailler à distance dans la fonction publique, et de lier les salaires au rendement et à la productivité et en prolongeant la durée de congé pour créer un entreprise.

Le document du ministère des Finances prévoit, en deuxième phase, la réforme de la compensation dans différents domaines en passant de la subvention des prix à la subvention directe, ce qui permettra d’atteindre le niveau des prix réel des hydrocarbures tout en mettant en place des mesures parallèles pour la protection des catégories vulnérables et la poursuite de l’application de l’ajustement automatique des prix des carburants.

La Tunisie ambitionne d’assurer la levée progressive de la subvention des produits sensibles à travers un ajustement partiel des prix dans une première étape puis une levée totale de la subvention en prévoyant des transferts directs à ceux qui en ont besoin et l’instauration de l’ajustement automatique des prix d’une façon périodique, en fonction de la consommation de l’électricité et du gaz.

Les autorités tunisiennes projettent, selon la même source, d’appliquer progressivement le nouveau système de subvention des produits de base durant la période 2023-2026, en mettant en place un mécanisme de ciblage à même de garantir l’équité.

Le troisième axe de programme de réforme du gouvernement a stipulé la gouvernance des entreprises publiques étant donné que la situation actuelle de la majorité de ces sociétés surendettées, impose une réforme structurelle.

Cette réforme reposera sur trois axes : la révision de la politique de participation de l’Etat dans le capital des entreprises publiques.

Les entreprises publiques en Tunisie devront assainir leur situation financière que ce soit à travers la régularisation des dettes de l’Etat et des sociétés, le rééchelonnement des dettes bancaires, l’audit des montants dus, la réévaluation des actifs des sociétés et la mise en place d’une politique de couverture des risques du marché.

La Tunisie a également présenté un plan de réforme fiscale qui devra être entièrement numérisée. Concrètement, il s’agit de créer le compte fiscal unifié, et de rationaliser les transactions en espèces, outre le renforcement des échanges électroniques et l’élargissement de la recette fiscale.

L’approche de réformes adopté par le gouvernement se base par la mise en place d’un mécanisme de révision limité, outre la digitalisation des opérations d’audit fiscal, le renforcement du système d’audit et l’annulation de l’exonération de la TVA appliqué sur un nombre des activités commerciales.

Dans le cadre de son plan de réforme de système fiscal, la Tunisie prévoit de mettre en place une politique fiscale en faveur de l’économie durable et de la transition énergétique, une approche appuyée par les instances internationales qui pourrait constituer un point de rencontre avec les négociateurs du FMI.

Budget de la Tunisie à moyen termes (2022/2024)

Les autorités tunisiennes tablent sur une croissance économique de 3% à l’horizon 2025/2026, et ce à travers le renforcement de l’investissement et l’incitation de la production, outre la maîtrise des dépenses des dépenses salariales.

Dans ce cadre, la masse salariale devra passer de 16,4% du PIB (2020) à 14,4% du PIB en 2024.

La Tunisie œuvre également à maîtriser les dépenses de subvention qui devront passer de 6,8% en 2020 à 3,8% en 2024.