Dix jours durant le pays pourrait renouer avec la lecture et la découverte de nouveaux titres et talents. Plus on œuvre à renforcer la filière industrielle du livre et plus la joie de lire se conjuguerait avec joie de vivre.

C’est aujourd’hui que démarre la 36ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (FILT). La matinée sera consacrée à la remise des prix pour les lauréats, et l’après-midi l’espace sera ouvert au public. La Tunisie tient Salon littéraire du 11 au 21 courant. Une prouesse dans le tohu-bohu politico-économique, ambiant. Le Salon tiendra-t-il toutes ses promesses pour fasciner le public ? Et le Salon contribuera-t-il à renforcer la filière de l’industrie du livre ? Ce faisant, tous deux en sortiraient renforcés.

Pour s’inscrire dans la durée, la foire a besoin d’embrayer sur un bon retour des affaires et la bonne santé de l’économie. Sous d’autres cieux, on voit que les chiffres feraient bon ménage avec les lettres. Pourquoi ne pas tenter d’implémenter l’expérience chez nous ?

Al Moutanabi fait écho et fait école !

Malgré la morosité ambiante, Mabrouk Manai et son équipe du Comité directeur ont réussi à imprimer un certain panache à l’événement. Ils ont bravé la crise de la Covid-19.

Il est à signaler que le Maroc et l’Algérie, à titre d’exemple, ont dû décaler leur Salon. Quoiqu’on dise du désamour des Tunisiens pour la lecture, la Foire internationale du livre n’en finit pas de s’incruster dans la mémoire des Tunisiens et d’occuper une place entière dans l’agenda événementiel national. Et tant pis s’il n’est pas à son rendez-vous habituel du mois d’avril, l’on n’en est pas moins heureux de le retrouver.

Il viendra comme une primeur et le pays connaîtra un deuxième printemps en cette année maussade. Et quand bien même les scolaires ont terminé leurs vacances, retrouvant le chemin des classes. Du 11 au 21 novembre 2021, ils disposeront de deux week-ends pour visiter le Salon. Le pays se sent mieux, avec un Salon décalé, hors saison que sans cette parenthèse lettrée pendant laquelle le pays revient sur le devant de la scène régionale.

Cette année, la Mauritanie sera l’invité d’honneur. Et pour cette 36ème édition, on focalisera sur les manuscrits. Et on évoquera la route de l’encre et de la calligraphie dans son itinéraire reliant Kairouan à Chenguetti, capitale du savoir de la Mauritanie.

Et pour couronner le tout, Mabrouk Manai n’était pas peu fier de dévoiler le slogan de l’édition 2021 « De tous les êtres de la création, le livre offre la meilleure compagnie ». Ce propos de l’illustre poète Al Moutanabi souligne avec un certain chic et beaucoup d’élégance le retour de la poésie dans la table des matières du Salon.

Un standard amélioré

Mabrouk Manai rappelle, également non sans fierté, qu’en dépit de la crise sanitaire, la FILT a bénéficié d’un retentissement régional et même au niveau du pourtour méditerranéen. Car trois cents exposants seront présents cette année dont 150 étrangers de 20 nationalités différentes. Le Salon s’étendra sur sa superficie habituelle autour de 6 000 mètres carrés. Par prévention, les allées seront plus larges de sorte à être en conformité avec les règles de distanciation sociale.

L’ALECSO y célébrera son cinquantième anniversaire, et il est prévu à cet effet un important programme culturel, divers et varié, dédié aux enfants. Pareil, la Francophonie aura sa journée.

Lors de la foire, l’on s’intéressera aux parades à apporter au plagiat et au hacking littéraire ainsi qu’au photocopillage.

Sept prix littéraires seront octroyés dans sept disciplines diverses, telles l’édition, la traduction ou la littérature pour enfants. Les scolaires des 24 gouvernorats bénéficieront de visites organisées pour cette “grande kermesse“ de la littérature. Et bien entendu les promotions seront de la fête. Et cela peut doper les achats.

Nouvelles perspectives

Le ministère de l’Enseignement supérieur et ainsi que celui de l’Education nationale, via le Centre national pédagogique, demeurent les principaux clients du livre. Le manuel scolaire est le premier vecteur marchand de la filière. Il serait souhaitable que les particuliers, par leurs achats, déplacent les lignes et reprennent le dessus. Cela ferait du bien à l’économie et servirait à la fois le rayonnement de notre pays.

A noter que cette année, il sera rendu un hommage particulier à Chedly Klibi pour l’ensemble de sa carrière, et notamment son passage actif et fructueux au ministère de la Culture. Nous suggérons au Comité directeur de penser à nommer les prix. On aurait bien vu le prix Zoubeida Béchir pour la poésie.

Par ailleurs, il serait de bon ton de penser à adresser un hommage à Abdelbaki Hermassi, disparu il y a quelques mois, sociologue et ancien ministre de la Culture. On lui doit cette pointe sympathique lors de la première du film “English patient“. L’un des convives a osé cette traduction trop littérale à ses yeux, « Al Inguilizi il maridh ». Et Pr Hermassi de proposer « El Inguilizi Al Aalil », pointe de délicatesse de traduction.

Puisse la Foire internationale du livre renforcer la filière de l’édition dans notre pays. Rappelons que Pr Abdelwahab Bekir, ancien directeur du Collège Sadiki, auteur du lexique des verbes arabes, une œuvre encyclopédique, a dû éditer son ouvrage à l’étranger faute de pouvoir s’entendre avec un partenaire tunisien. Nous le vivons personnellement comme un affront.

Bon vent à la 36ème édition du Salon du Livre.

Ali Abdesslam