L’universitaire Ridha Chkondali appelle la cheffe du gouvernement à mettre en place un groupe de travail sous forme d’un “conseil économique”, dont la mission, de 10 jours, consistera à élaborer un programme économique et social de trois ans lequel constituera un mécanisme de négociation avec le Fonds monétaire international (FMI).

Chkondali estime que cette équipe, qui devra comprendre des économistes et des personnes ayant des approches dans le domaine, doit se pencher sur l’élaboration d’un programme détaillé à court terme comprenant des objectifs quantitatifs et des mesures économiques, sociales et financières pour les atteindre.

Pour l’universitaire, le programme en question devra aussi proposer de solutions à même d’éradiquer la corruption, la hausse des prix, le chômage et la dette publique, outre une approche complète de la mise en œuvre des réformes majeures qui cibleront les dossiers de la compensation, les entreprises et la fonction publique.

Le gouvernement pourrait aussi faire ressortir de ce programme un document d’orientation pour la préparation de la loi de finances et du budget de l’Etat pour l’exercice 2022. Ce document doit comprendre des hypothèses réalistes pour l’exercice 2022 en termes de taux de croissance, des prix internationaux du pétrole et du taux de change du dinar contre le dollar et l’euro, explique-t-il.

Financement en cash : Une arme à double tranchant

Chkondali estime que le financement en cash du budget peut se poursuivre, en 2022, si le gouvernement Bouden ne parvient pas à lever les restrictions imposées par les grands pays, notamment les Etats-Unis d’Amérique, qui exigent l’accélération du retour au processus démocratique.

Le gap financier dans le budget 2021 causé par les difficultés de mobilisation des ressources extérieures, d’une part, et l’irréalisme des hypothèses retenues, d’autre part, rend difficile le travail du nouveau gouvernement.

Selon Chkondali, le gouvernement est contraint de résoudre une équation difficile qui consiste à combler le déficit budgétaire et maintenir la stabilité des prix. La seule solution qui lui reste est de recourir au financement direct de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a-t-il avancé.

L’abaissement de la notation souveraine de la Tunisie par Moody’s à ” Caa 1 ” a placé le pays au même rang que le Liban et l’Irak et a rendu la sortie sur le marché financier international en 2021 et 2022 impossible, dit-il.

Cependant, en dépit de la difficulté de combler le déficit budgétaire, cette tâche n’est pas impossible compte tenu des efforts d’austérité entrepris par le gouvernement Mechichi, au premier semestre 2021, et qui pourraient se poursuivre jusqu’à la fin de cette année.

Cette coopération concerne l’utilisation de la politique monétaire et les politiques visant à lutter contre la monopolisation et à réguler les circuits de distribution et autres mécanismes de l’économie réelle.

Chkondali estime que le président de la République, Kais Saied, doit annoncer la fin de la période exceptionnelle que connaît la Tunisie et présenter, dans un discours clair, les orientations et les plans futurs, outre les grandes lignes du projet de budget de l’Etat.

De nouveaux mécanismes

L’universitaires note que les progrès enregistrés dans la lutte contre la crise sanitaire peuvent aider à promouvoir le secteur touristique, appelant à la nécessité de tirer profit des efforts déployés par le chef de l’Etat en matière de vaccins afin d’attirer plus de touristes.

Le gouvernement doit adopter de nouveaux mécanismes pour assurer la reprise de la production dans les champs de Nawara et de Menzil, ainsi que dans les mines de phosphate, ce qui permettrait d’assurer la pérennité de ce secteur important qui rapportera plus de devises pour la Tunisie.

L’agriculture…

Il incite également le gouvernement à réorganiser ses priorités en accordant au secteur agricole un rôle important aux niveaux de l’apport en devises, outre la réalisation de la sécurité alimentaire, d’autant plus que tous les pays du monde ont revu leurs priorités après la pandémie de Covid-19, en accordant plus d’importance à ce secteur.

Pour se faire, le gouvernement devra mettre en place un ensemble de mesures solides pour intensifier la production agricole en accordant plus de terres domaniales aux jeunes et en contrôlant les coûts de la production agricole.

TRE…

Chkondali a, ainsi, souligné la nécessité de réviser les politiques de l’Etat à l’égard des Tunisiens résidents à l’étranger, d’autant plus qu’ils ont contribué à relancer la trésorerie de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en devises pour éviter la catastrophe, en les incitant à ouvrir des comptes en devises en Tunisie et en leur facilitant le déplacement et l’investissement.

Le gouvernement Bouden doit examiner des solutions pour rapporter des montants importants en devises circulant sur le marché parallèle afin d’accroître les réserves en devises et éviter une nouvelle dépréciation du dinar tunisien.

Convaincre les bailleurs de fonds, une mission difficile

Chkondali considère que la démarche du président de la République, au cours de l’année 2021, de financer directement le budget de l’Etat et sa demande officielle au gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, de ne pas augmenter le taux d’intérêt directeur et d’œuvrer à le réduire, peuvent présenter un obstacle à une éventuelle négociation avec le Fonds monétaire international.

Cette démarche nécessite la révision de l’article 25 du statut de la BCT et de sa politique monétaire de lutte contre l’inflation. ” Cette situation peut pousser le FMI à revoir à la hausse le plafond des conditions de tout accord “, a-t-il dit, ajoutant que “l’Institution ne se contentera pas de la signature du chef du gouvernement et du gouverneur de la BCT ” .

“Nous ne connaissons pas les conditions qui seront soumises par le FMI surtout que ce dernier sait que le gouvernement tunisien ne peut pas préparer le budget de l’Etat pour l’année 2022 sans la mobilisation de fonds de la part de l’Institution de Bretton Woods “, pense-t-il.

D’après lui, le FMI peut s’en tenir à l’ensemble des réformes demandée auparavant au gouvernement de Mechichi, mais il peut être ferme dans ce sens en exigeant un calendrier à court terme qui peut compliquer la mission du gouvernement tunisien.

Chkondali explique que ces difficultés sont liées au coût social élevé de ces réformes, lesquelles mènent vers une nouvelle baisse du pouvoir d’achat, ce qui coûtera cher au président de la République au niveau politique, en raison des promesses annoncées pour améliorer les conditions de vie et maîtriser la hausse des prix.