Un des meilleurs géophysiciens de la Tunisie, l’hydrologue Ameur Horchani vient de tirer sa révérence. Le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a annoncé, le 5 août 2021, le décès de l’ancien secrétaire d’Etat chargé des ressources hydrauliques, Ameur Horchani. Que Dieu lui accorde son infinie miséricorde et l’accueille dans son éternel paradis.

Abou SARRA

Surnommé « père des barrages » ou « Monsieur barrages », le défunt a été le principal architecte du réseau des barrages dans le pays, et ce grâce à des stratégies cohérentes dénommées « plans directeurs de l’eau du nord, du centre et du sud ».

Ameur Horchani a servi en tant que secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques sous plusieurs ministres entre 1988 et 2005.

Il restera dans l’histoire de la Tunisie comme celui qui détient le record absolu de longévité en tant que secrétaire d’Etat, ayant été maintenu en poste 17 ans durant sans discontinuer.

Après sa retraite, Ameur Horchani a été sollicité par plusieurs think tanks tunisiens – voire internationaux – chaque qu’il y a un débat sur la problématique de l’eau en Tunisie.

La solution de Horchani pour résoudre le problème de l’eau

Parmi les séminaires les plus pertinents et les plus instructifs -du moins à notre avis -, figure celui organisé, en 2018, par le Cercle Kheireddine sur « les nouveaux défis de l’eau en Tunisie » et co-animé par Ameur Horchani.

En voici quelques extraits de l’analyse visionnaire faite par l’hydrologue.

Il avait indiqué à l’époque que « la Tunisie, après avoir accompli l’effort louable de mobiliser tout ce qui peut être mobilisable et de construire les barrages les plus rentables, se doit, dans la perspective de déficit hydrique, se préoccuper de la bonne gestion et de la mobilisation de nouveaux financements ».

Pour lui, l’accent doit être mis, dorénavant, sur une gestion intégrée de ce qu’il appelle « le hasard des aléas climatiques » (inondations et sécheresses) par une bonne maîtrise des données de la météorologie.

Concrètement, il s’agit d’une course contre la montre consistant à stocker au maximum d’eaux des crues (construction de barrages de rétention) et de les économiser au maximum pour faire face aux périodes de sécheresse.

Pour renforcer et diversifier les ressources disponibles, il propose, à la faveur d’application de normes strictes, le recyclage des eaux usées épurées dans l’agriculture, la recharge artificielle des nappes souterraines et la mise en place d’une stratégie d’économie d’eau et de lutte contre le gaspillage.

Optimiste face au spectre du fameux stress hydrique

Dans une interview qu’il m’avait accordée, en 2015, Ameur Horchani n’a jamais paniqué devant la perspective pour la Tunisie de connaître un déficit hydrique. Contrairement à ses successeurs qui en ont fait un fonds de commerce, il a toujours été optimiste et cru en la possibilité pour les Tunisiens de trouver la solution au moment opportun.

Dans cet entretien, le défunt, féru d’Histoire de l’eau en Tunisie, disait merveilleusement à ce propos: « Sou­ve­nons-­nous que la Tu­ni­sie a tou­jours été in­no­vante en ma­tière de sa­tis­fac­tion de ses be­soins en eau. Est-il be­soin de rap­pe­ler ici un des grands ou­vrages hy­drau­liques à l’ac­tif des Tu­ni­siens, en l’oc­cur­rence l’aque­duc de Za­ghouan, ou aque­duc de Car­thage. Cet aque­duc, construit sur une lon­gueur to­tale de plus de 100 Km, au temps de l’em­pe­reur ro­main Ha­drien, en l’an 123, était considé­ré à l’époque comme une mer­veille de l’hu­ma­ni­té et un exploit archi­tec­tu­ral si­mi­laire ac­tuel­le­ment aux plus grands ou­vrages rou­tiers et fer­ro­viaires dans le monde. In fine, l’homme se pose les pro­blèmes qu’il peut ré­soudre. Ainsi, le jour où le be­soin se fe­ra sen­tir, il trou­ve­ra cer­tai­nement une so­lu­tion pour sub­ve­nir à ses be­soins en eau ». Une grande leçon de philosophie et de sagesse.

Cela pour dire que l’homme, imbu de sciences humaines, avait du génie et de la classe. Malheureusement, ni le génie ni la classe ne sont héréditaires. Pour preuve, ses successeurs, incompétents, programment, au mois de janvier de chaque année, des saisons de soif pour la période estivale. Nous avons changé de paradigme.