Un bouclier pour la République !

Il y a de la fronde dans l’air. Les travailleurs sont excédés et la jeunesse (sans-emploi) est en colère. La contestation populaire vire à la négation par la violence. Pour stopper le processus de fissuration nationale, que penser d’un “contrat social nouveau“ ?

L’errance démocratique, avec la transition qui n’en finit pas, nous surexpose aux périls de la discorde. Perpétuer jusqu’à ne plus avoir soif l’instant politique est une déviance. Cela fait que le contact entre l’Etat et la jeunesse se perd. Et cette dernière laisse éclater sa fureur de “mal-vivre“.

Dix années durant à sevrer le pays de la prospérité économique, est-ce bien fortuit ? Dans le débat national, il y a bien un tumulte de libertés, mais en l’absence de la totalité des institutions, il reste juste le mirage de l’Etat de droit.

Cela ne rassure pas la jeunesse. Ne voit-on pas que, à trop embrumer l’avenir, on précipiterait le délitement de la République et l’égarement de sa jeunesse, déboussolée ? Laisser la jeunesse en panne de projet, n’est-ce pas la meilleure façon de la pousser au désespoir et à la déraison ? Noyée dans l’incertain, celle-ci se sent victime d’un dol* démocratique. Comment inverser la polarité négative de la puissance vive de la nation, dans ce contexte tendu à l’extrême ?

L’Etat sature

La déception démocratique embrase les rapports sociaux. La crise s’installe et on ne peut maquiller la grogne qui monte, en caprice citoyen. La crise a laminé les attentes des classes populaires et jusqu’à l’espérance de la jeunesse. Cette dernière ne figurait pas, faut-il le rappeler, parmi les priorités de la classe politique, aux commandes du pays. La République est prise entre l’effet de ciseaux du rejet de la précarité économique par les classes populaires et le manque d’effort d’inclusion de la jeunesse, laquelle s’enflamme.

Gros temps sur le socle républicain. Quand la classe politique bâcle la reprise économique et n’élabore pas un solide projet d’avenir, cela focalise toutes les contestations sur l’Etat. Et celui-ci se trouve à un stade de saturation.

Priver l’Etat d’un renouveau, c’est l’exposer à la paralysie et donc au mécontentement. Cela revient à laisser la République sans défense. Et comment s’étonner de la révolte des jeunes contre le déni que la classe politique oppose à leurs douleurs et à leurs inquiétudes légitimes ? Ne sait-on pas que le déficit de dynamisme économique accentue cette situation d’impuissance de l’Etat mettant la République en ligne de mire de la colère qui monte ?

Zappée par 10 interminables années de transition, la jeunesse, vent debout, veut tout et tout de suite, désormais. La pire des maladresses serait de ne pas écouter ses appels et d’opter pour les brimades sécuritaires. On ne peut plus la maintenir à l’écart, car en hurlant son désarroi, elle entend revenir dans la partie. Rien ne justifie que l’on ne lui tende pas toutes les passerelles pour son insertion.

Un nouveau contrat social       

A l’heure actuelle, la jeunesse s’attend à une prise en mains réelle de son désir d’avenir. Elle entend ici et maintenant que l’on donne suite à son retour dans la société. Une solution consisterait à susciter des initiatives régionales afin de mieux répartir la charge de revendications. Embrayer sur la dynamique de nos territoires de l’intérieur, c’est une façon de trouver promptement des solutions pragmatiques. Cela jouerait comme un brise-lames. Nous pensons que cela ferait retomber la colère en suscitant un élan d’adhésion et d’engagement.

A l’échelle régionale, des plans compactés peuvent donner une perspective et susciter l’espoir. Naturellement, l’offre doit être correctement packagée. Il faut que la représentativité de la jeunesse soit effective et agissante. Et il faudra lui procurer des moyens réels, telle la “banque des régions“ –promise mais jamais concrétisée. Cela pourrait nous ouvrir la voie d’un contrat social nouveau. Une telle charte de la jeunesse serait, de notre point de vue, le ferment de ce nouveau modèle de développement qu’on peine à trouver. Et elle pourrait se muer en ferment de convergence des régions et favoriserait, par conséquent, un air de réconciliation nationale.

On ne peut sacrifier la jeunesse car cela revient à sacrifier l’avenir du pays et faire peu de cas de la sauvegarde de la République. Museler la jeunesse aujourd’hui serait le signal que l’on nourrit secrètement l’intention d’aller vers d’autres horizons. Croire que le “califat“ ou la “jamahyria“ seraient des systèmes où l’on pourrait dominer la jeunesse, c’est manquer de lucidité politique. Et faire rater au pays un grand rendez-vous avec l’Histoire.

Ali Abdessalam

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* Un dol, en droit français des contrats, est une manœuvre d’un cocontractant dans le but de tromper son partenaire et provoquer chez lui une erreur (Wikipédia)