L’absence d’une vision claire de décentralisation de la gestion des ressources hydrauliques ainsi que d’une approche genre, impliquant davantage les femmes dans la gestion de l’eau ou encore d’une véritable stratégie de traitement des eaux pluviales, sont les principales lacunes du projet du Code des eaux soumis à l’ARP.

C’est en tout cas ce qu’estime un rapport intitulé “Lecture du projet de code des eaux”, élaboré par l’institution allemande “Heinrich-Böll-Stiftung” Tunisie.

En effet, bien qu’il comporte des dispositions consacrant le droit à l’eau et la valorisation économique de cette ressource, apportant une nouvelle définition du domaine public hydraulique et instaurant de nouveaux systèmes et structures de gestion hydraulique, le projet du Code des eaux composé de 7 chapitres et de 144 articles est loin, selon cette lecture, de répondre à tous les défis auxquels est confronté le secteur de l’eau en Tunisie.

Raoudha Gafrej dénonce et recommande 

Selon Raoudha Gafrej, experte en ressources hydrauliques et changements climatiques et auteure de ce document, “l’une des faiblesses de ce code serait l’absence de mesures consacrant une vraie décentralisation de la gestion des ressources hydrauliques, en dehors de la mise en place des conseils régionaux des eaux prévue par son article 32. Ce code n’apporte par ailleurs pas de mesures engageant les citoyens et la société dans la gestion et la préservation de cette ressource”.

“Les auteurs de ce code aurait dû saisir cette opportunité, pour établir les fondements d’une politique hydraulique qui associerait la nécessité de préserver la ressource eau aux exigences d’un développement régional durable et équitable”.

Cette lecture épingle, en outre, l’absence d’une approche genre dans ce code, malgré le grand rôle joué par les femmes, dans les régions les plus défavorisées, en matière d’approvisionnement des ménages en eau.

Elle appelle à mettre en place les mécanismes pour une approche genre dans la gestion et la valorisation de l’eau, afin de garantir la participation entière et efficace des femmes à tous les niveaux de la prise de décision et une implication équitable des femmes, des hommes et des jeunes dans les régions défavorisées dans les rôles influents à tous les niveaux de la gestion des ressources en eau.

D’autres manquements du projet du nouveau code…

Toujours selon ce rapport, le projet du nouveau code des eaux n’a pas accordé à la question du traitement des eaux pluviales, l’importance qu’elle requiert. Seul l’article 112 de ce code évoque le rôle des collectivités locales dans le traitement des eaux pluviales, or vu la complexité de la tâche, le traitement des eaux pluviales devrait être une responsabilité commune qui engage plusieurs parties prenantes.

Ce projet aurait ainsi dû définir des schémas directeurs de traitement des eaux pluviales qui tracent les stratégies nécessaires à cette fin. Ce code aurait également comporté des dispositions encourageant les citoyens à l’installation de réservoirs de récupération des eaux pluviales, dont l’efficacité est prouvée malgré la simplicité de la technique utilisée.

Réhabilitation des périmètres irrigués…

Il s’agit aussi de prendre en considération, dans le cadre du nouveau code, la situation spécifique des oasis dans le cadre de la réhabilitation des périmètres irrigués et de prévoir les dispositifs à même de limiter l’exploitation excessive des nappes dans les oasis causée par les forages illicites. Ce phénomène a pris de l’ampleur après la révolution et représente une menace sérieuse pour la pérennité des oasis.

Instaurer une nouvelle forme de responsabilité

Le nouveau code doit, selon le document, instaurer une nouvelle forme de responsabilité commune entre l’Etat et les agriculteurs, afin de garantir la pérennité des exploitations, tout en préservant la ressource eau.

Heinrich-Böll-Stiftung est une fondation politique allemande à but non lucratif, affiliée au parti vert qui travaille en partenariat avec la société civile.

A préciser que ce document a été rédigé en dialecte tunisien par Yassine Baklouti.