Pour ceux qui suivent le site de la BCT (bct.gov.tn), vous avez la preuve par 9 que les menaces inflationnistes annoncées par la Banque centrale (BCT) lors de la polémique sur le financement de la loi de finances complémentaire étaient fausses et ne visaient qu’à faire peur de manière injustifiée aux députés membres de la Commission des finances, ou aux membres du gouvernement.

En effet une partie importante du financement demandé à la BCT devait servir à payer les sommes dues par l’État aux entreprises publiques au titre de la compensation. Tout paiement effectué par l’État en faveur d’une entreprise publique vient en déduction des financements avancés par les banques à cette même entreprise publique. Ce remboursement permet à son tour à la banque de réduire son recours au refinancement de la BCT.

La création monétaire résultant du financement de la BCT est totalement compensé par la baisse du refinancement de la BCT aux banques. Vérifiez sur le site de la BCT et vous allez constater cette baisse significative du refinancement de la BCT. L’impact sur l’inflation est donc simplement nul.

Continuons le raisonnement. La menace de la BCT de se trouver obligée d’augmenter de nouveau son taux directeur est aussi fausse qu’injustifiée. En effet si le taux d’inflation n’augmente pas, pourquoi voulez-vous augmenter le taux directeur.

Poussons le raisonnement un peu plus loin. La BCT nous a aussi menacé de voir la valeur du Dinar baisser de nouveau si elle accepte de financer le budget de l’État.

Faux et injustifié. En effet s’il n’y a pas un regain d’inflation pourquoi voulez-vous que le Dinar baisse. Sauf si la BCT va réduire sa défense artificielle du Dinar.

En effet comment expliquer que l’économie se trouve dans un état aussi piteux, avec tous les indicateurs au rouge, et qu’en même temps le Dinar s’apprécie contre le Dollar et l’Euro. Paradoxal, non.

La dernière menace était que le financement avancé par la BCT allait se traduire par une révision à la baisse de la notation souveraine de la Tunisie par les agences de notation. Faux aussi.

La révision à la baisse de la notation de la Tunisie (perspective de stable à négative) a eu lieu avant même la décision de la BCT d’accepter d’avancer le montant de 2,810 milliards de Dinars directement (sans passer par les banques) sur cinq années et sans intérêts.

Le fait d’obliger le Gouvernement à retirer son projet de loi défiance complémentaire, de « revoir sa copie », et l’humiliation infligée au Gouvernement qui s’est est suivie, a été la cause principale de la révision à la baisse de la notation.

La vraie question concerne maintenant le financement du budget de 2021. Tel que voté le 9 décembre le budget n’est ni équilibré ni exécutable. Le financement étranger prévu (13,1 milliards de D) est quasiment impossible à mobiliser.

Le financement local (5,6 milliards de D) est un niveau sans précédent, et extrêmement difficile à mobiliser au risque d’évincer totalement les entreprises du financement bancaire et de conforter les banques dans leur situation de banques rentières.

La BCT, conseiller financier du Gouvernement d’après la loi de 2016 consacrant le principe d’indépendance de la BCT, devrait discuter avec le Gouvernement, maintenant, les risques qui pèsent sur le financement du budget de l’État en 2021. Il est en effet inacceptable d’attendre la fin de l’année pour en discuter ou pour défendre une position donnée.

Ezzeddine Saidane