Dans une déclaration accordée récemment à l’Agence TAP, le PDG de la Société de gestion du Port Enfidha, Chokri Laamari, a annoncé trois nouvelles concernant ce mégaprojet logistique dont on parle depuis 2007.

Abou SARRA

Il s’agit de l’ouverture, le 24 novembre 2020, des plis pour connaître la Banque d’affaires qui sera chargée de définir les conditions et cadres réglementaires devant régir l’exploitation de ce port en eaux profondes (PEP), de l’ouverture des plis, en avril 2021, pour connaître le concessionnaire qui sera retenu pour construire le port, et le démarrage, vers fin 2022, des travaux de réalisation de l’ouvrage.

Quel crédit donner à ces annonces ?

A priori, il s’agit de bonnes nouvelles et on ne peut que s’en féliciter compte tenu du fait que cet ouvrage pourrait booster les échanges extérieurs de la Tunisie et la création de la valeur ajoutée à travers la zone logistique et économique qui jouxtera l’ouvrage.

Toutefois, au regard des multiples fausses promesses, faites antérieurement à ce sujet, nous sommes tentés, d’émettre des réserves quant à leur crédit.

Pour ne citer que le même Chokri Laamari, il avait déclaré en février 2020, aux médias, que « les travaux de la Phase 1 du projet (construction du port) démarreront en septembre 2020 ».

Dans un autre entretien avec les médias, il avait déclaré que «le premier coup de pioche pour la construction du port devrait être donné au cours du 2ème semestre de 2021», et que « début 2024 la 1ère partie du port en eaux profondes d’Enfidha entrera en exploitation».

Avant lui, plusieurs ministres et autres décideurs qui se sont succédé à la tête du ministère du Transport avaient annoncé de fausses dates pour le démarrage des travaux.

Intervenant, le 18 décembre 2018, à l’occasion d’une rencontre sur « le transport et la logistique au service du commerce et de l’investissement », le directeur général de l’Office de la marine marchande et des ports (OMMP), Sami Battikh, avait déclaré que «le démarrage des travaux de construction aura lieu à la fin de l’année 2019», le port devant entrer en exploitation à la fin de l’année 2022 ou au début de l’année 2023.

Deux mois après, plus exactement le 21 février 2019, participant à un débat sur « le transport aérien et maritime vers les pays africains », le ministre du Transport de l’époque, Hichem Ben Ahmed, avait lui aussi annoncé que « les travaux de réalisation du port en eaux profondes d’Enfidha vont démarrer en décembre 2019».

Dix gouvernements et douze ministres du Transport…

Cela pour dire que les 10 gouvernements et les 12 ministres du Transport qui se sont succédé depuis le soulèvement du 14 janvier 2011 ont été incapables de faire démarrer ce mégaprojet structurant hautement géostratégique.

Au même moment, les sites méditerranéens concurrents ont mis les bouchées doubles, soit pour construire des ports en eau profonde (cas de celui de Cherchell en cours de construction en Algérie), soit pour accroître la capacité de ceux qui existent (cas du port en eaux profondes de Tanger au Maroc, et de Marsaxlokk de Malte et Gioia Tauro d’Italie), arrivés au maximum de leurs capacités.

Mention spéciale pour l’Egypte qui a vu trop grand. Ce dernier pays, en élargissant le Canal de Suez, a créé ce qu’on appelle «un rail maritime» Gibraltar-Suez en direction de l’Asie.

Cette nouvelle ligne aurait, logiquement, court-circuité le futur port en eaux profondes d’Enfidha. Car, pour venir spécialement à Enfidha, les bateaux devront sortir de ce rail au prix d’un “surcoût“.

Est-ce à dire pour autant que la rentabilité du Port en eaux profondes d’Enfidha est compromise avant même qu’il ne voie le jour. Nous essayerons de répondre à cette question dans la deuxième partie de cet article. 

A propos du PEP d’Enfidha:

La création du Port en Eaux Profondes (PEP) et d’une zone d’activités économiques et logistiques à Enfidha s’inscrit dans le cadre de la politique portuaire engagée par la Tunisie pour répondre aux exigences de son économie et au développement du trafic de transbordement des conteneurs dans la région.

Ce projet vise, d’une part, à faire de la Tunisie un pôle international du commerce et des services tout en favorisant son intégration dans l’économie mondiale, et, d’autre part, le renforcement de la création d’emploi.

Ce projet s’étend sur une superficie de 1 000 hectares avec une profondeur de 17 mètres, un quai spécialisé dans le traitement des conteneurs dont la longueur est de 3 600 m, et un quai spécialisé pour les vrac avec une longueur de 1 400 m.

La capacité du port à la fin de la construction du projet sera de 5 millions de conteneurs EVP, et pour 4 millions de tonnes pour le trafic de vrac.

Les objectifs du projet

  1. Moderniser l’infrastructure portuaire par la création d’un port de nouvelle génération.
  2. Profiter des économies d’échelle par l’exploitation de navires de 80 000 tonnes de port en lourd au lieu de 25 000 tonnes actuellement.
  3. Attirer une partie du trafic de transbordement des conteneurs et des marchandises en vrac dans le bassin méditerranéen.
  4. Créer une synergie entre le port et la zone d’activités économiques et logistiques de la région et assurer l’intégration des différents modes pour le développement du transport multimodal.

Réalisation du projet

Ce projet sera réalisé en trois phases :

  1. Phase I: Un espace pour le terminal à conteneurs de 82 ha avec un quai de 1 500 m et un terminal polyvalent de 28 ha avec un quai de 1120 m;
  2. Phase II : Extension de la superficie de l’espace pour le terminal à conteneurs de 35 ha et le prolongement du quai sur une longueur de 700 m.
  1. Phase III : Extension de la superficie de l’espace pour le terminal à conteneurs de 80 ha et le prolongement du quai sur une longueur de 1 400 m ; extension de la superficie du terminal polyvalent à 35 ha et prolongement du quai de 280 m.

 

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