Par l’effet de l’instabilité politique, les gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays depuis 2011 ont trainé du pied avant d’adopter des lois pourtant d’une extrême urgence pour le pays et à remettre sans cesse à plus tard la publication de leurs textes d’application.

Conséquence : plusieurs années s’écoulent pour pouvoir disposer et appliquer dans les règles de l’art une loi en Tunisie, contre seulement quelques mois dans les pays développés.

Abou SARRA

Le cas de la loi sur l’Economie sociale et solidaire (ESS), branche de l’économie qui concilie activité économique et équité sociale appelée également « Tiers secteur », est édifiant à ce propos.

Cette loi sur laquelle on a commencé à réfléchir en 2012 et retenue par le 13ème plan de développement (2016-2020) parmi les trois composantes du futur modèle de développement, aux côtés de l’économie verte et de l’économie numérique, n’a été soumise au Parlement qu’au début du mois décembre 2019 avant d’être adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le 17 juin 2020.

Au regard des multiples avantages qu’elle favorise en matière de création d’emplois (plus de 300 000) et d’impulsion de l’investissement local à travers la création de milliers d’entités de services et de production, les textes d’application de cette loi auraient dû, six mois après, bénéficier de la priorité absolue.

Malheureusement, le comité de pilotage interdépartemental constitué juste après l’adoption de cette loi n’a pas beaucoup avancé dans l’élaboration des textes d’application.

De petites avancées…

Selon nos informations, seuls deux à quatre articles seront prêts vers début janvier 2021, notamment celui qui définit les critères et conditions à réunir pour obtenir l’autorisation nécessaire afin de bénéficier de la dénomination «société d’économie sociale et solidaire (SESS)» ; les SESS étant désormais de nouvelles entreprises encadrées juridiquement, fiscalement et sur le plan organisationnel.

Objectif : avec cette autorisation-reconnaissance légale, les sociétés bénéficiaires peuvent accéder aux avantages financiers et fiscaux institués par la loi sur l’ESS et être immatriculées dans le Registre national des entreprises (RNE).

Par effet d’entraînement, les structures qui opèrent actuellement au nom de l’économie sociale et solidaire (groupements mutuels, sociétés mutuelles de services agricoles, coopératives…) et qui ne sont pas enregistrées au RNE bénéficieront de cette nouvelle disposition d’enregistrement.

Le comité chargé d’élaborer les textes d’applications de la loi sur l’ESS a enregistré une avancée au niveau de la création d’un Conseil supérieur de l’Economie solidaire et sociale, une structure devant relever de la présidence du gouvernement.

Ce conseil aura pour mission de suivre et d’évaluer les projets, de préparer des lois et des grandes orientations du secteur.

A quand les autres articles… ?

Par ailleurs, ce comité de pilotage accuse un important retard majeur au sujet de deux articles lesquels ne seraient fin prêts que dans deux ans. Le premier concerne la création d’une institution (agence, comité, office…) qui doit prendre en charge la gestion et l’organisation de l’ESS. Cette structure devant bénéficier de la personnalité juridique, de l’indépendance administrative et financière.

Le second a trait à la création d’une banque spécialisée dans le financement de l’ESS.

Accompagner les lois par leurs textes d’application

L’ESS, qui représente actuellement 1% du PIB, pourrait apporter une réponse appropriée à l’incapacité du secteur public de recruter et du secteur privé de créer des entreprises.

Mieux, l’économie sociale et solidaire a pour vertu de s’accommoder avec les récessions économiques et d’intervenir là où les secteurs public et privé ne peuvent pas le faire.

La question qui se pose dès lors est de s’interroger sur les véritables motifs qui empêchent le gouvernement à accélérer l’élaboration des textes d’application de cette loi, qualifiée par certains de “salutaire“ pour les ruraux, les artisans et les diplômés sans emploi.

Pour notre part, nous pensons qu’il est temps pour ne soumettre au Parlement que des lois accompagnées de leurs textes d’application. C’est seulement à cette condition qu’on mesurera la bonne foi et le degré de crédibilité des initiateurs de lois.