Depuis le crime pédagogique perpétré dans les années 80 par le gouvernement arabophone de Mohamed M’zali contre le système éducatif, le niveau de l’enseignement en Tunisie n’a cessé de baisser, jusqu’à ce jour. 

Abou SARRA

Selon des diagnostics concordants, le recul du système est dû en grande partie à trois facteurs. Le premier concerne la politisation de l’éducation qui a reçu, depuis, pour mission de faire la propagande du pouvoir en place.

Le second consiste en l’abandon de l’enseignement de matières éleveuses de conscience, voire fortement conscientisantes, telles que les sciences humaines et la philosophie lesquelles ont pour vertu de développer les capacités de réflexion de l’élève.

Le troisième a trait à la création, dans les années 80, d’un système éducatif à deux vitesses. Ce système consacre la ségrégation entre les écoles pilotes bien encadrées et bien équipées et le reste des établissements, souvent sous-équipés et sous-encadrés.

La “Journée du savoir“, célébrée au terme de chaque année scolaire et universitaire, a été une opportunité pour les chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête du pays, depuis les années 80, pour promettre, dans des discours tonitruants, la réforme souhaitée du système éducatif -réforme qui n’a jamais pu voir le jour. Elle est constamment renvoyée à plus tard.

Les propositions du Chef de l’Etat 

L’actuel président de la République, Kaïs Saïed, n’a pas échappé à la règle. Dans son discours prononcé le 5 septembre 2020, il a déclaré que «la réforme de l’éducation est la mère de toutes les réformes et qu’aucune autre réforme ne peut réussir en Tunisie sans la réforme de l’éducation».

Critiquant les tentatives antérieures pour réformer le système, il a relevé qu’elles ont été axées plus sur les motifs qui ont empêché les réformettes proposées à réussir qu’à réformer en profondeur le système.

Il a eu pour mérite de proposer deux initiatives concrètes. Il s’agit de la création une instance constitutionnelle sous forme de haut conseil de l’éducation, un projet qu’il avait suggéré, lui-même, en 2011 lors des discussions sur la nouvelle Constitution.

Autrement dit, ce conseil, explique-t-il, «se chargera de mettre en place les grandes stratégies nationales en matière d’enseignement et d’éducation dans le but de limiter l’implication des choix politiques parfois contradictoires et tributaires des préférences personnelles».

La deuxième initiative concerne l’intérêt particulier à accorder, dorénavant, aux enseignants au triple plan matériel, scientifique et pédagogique.

Mais en dépit de la pertinence de ces deux propositions, leur concrétisation risque de connaître d’énormes difficultés pour deux raison majeures.

Il s’agit des clivages idéologiques qui divisent les mouvements politiques du pays (modernistes, islamistes, nationalistes et autres) pour le Haut conseil de l’éducation et le déficit budgétaire que traîne le pays lequel ne favorise pas, pour le moment, une quelconque amélioration de la situation du corps enseignant.

Mais commençons par des actions concrètes

Pourtant, à regarder de près les difficultés du système éducatif, on peut l’améliorer de manière significative en initiant quelques petites réformes qui ne demandent ni débat politique ni intervention budgétaire additionnelle.

La principale réforme serait de supprimer purement et simplement les établissements pilotes qui vampirisent les investissements du secteur éducatif et dont les promus s’expatrient, la plupart du temps, et ne profitent donc pas au pays.

L’autre réforme porte sur l’amélioration de l’infrastructure éducative. A titre indicatif, pour ne plus connaître le drame du décès de l’écolière Maha Guadhguadhi emportée par les crues d’un oued à Fernana (nord-ouest), drame que le chef de l’Etat a évoqué dans son discours, il suffit de réactiver un texte promulgué en 2016 par le ministère de l’Equipement. Selon ce texte, des dalots (canaux servant à l’évacuation des eaux sous une chaussée) seront édifiés sur chaque oued jouxtant un établissement scolaire et dont la traversée présente des risques.

Concernant l’entretien des établissements publics, on pourrait faire appel par SMS à la générosité des Tunisiens pour collecter, chaque année, les fonds nécessaires.

La troisième réforme serait de mener une lutte sans merci contre le décrochage scolaire qui a touché, depuis 1990, plus de 2 millions d’élèves. La solution serait de tout faire pour dissuader l’abandon scolaire et d’assurer le suivi des décrochés.

Quant à la dernière réforme à portée de main, elle concerne l’accélération de la concrétisation des conclusions d’une étude technique sur les enfants de 0 à 5 ans. Cette étude a été menée, en partenariat, entre le ministère des Affaires sociales, la Banque mondiale et le bureau de l’Unicef en Tunisie. 

Ladite étude projette, entre autres, d’octroyer un montant de 36 dinars par mois et par enfant de 0 à 5 ans, et ce sans distinction de classe sociale. Le plafond étant fixé à quatre enfants. Le premier objectif recherché est d’atteindre un stade de cohésion sociale acceptable en Tunisie et de traiter tous les enfants du pays sur un pied d’égalité.

L’ultime but est de permettre à tous les enfants tunisiens de disposer des mêmes chances pour se développer normalement.

Pour notre part, nous restons persuadés que ces petites réformes, pour peu qu’elles soient entreprises en impliquant tous les Tunisiens, peuvent contribuer à l’amélioration du niveau scolaire et à l’épanouissement de nos élèves.

A bon entendeur.