Au regard de la modestie des ressources naturelles du pays, de l’analphabétisme et de l’illettrisme de plus de 50% de la population (6 millions de Tunisiens seraient concernés) et de l’incompétence de certains de ses gouvernants, la Tunisie est logiquement désarmée devant les menaces extérieures, et ce avec la complicité de traîtres, d’apatrides, voire de chevaux de Troie qui ont considéré l’accès au pouvoir comme un butin.

Abou SARRA

Parmi les menaces exogènes auxquelles la Tunisie est particulièrement exposée figurent le terrorisme -fruit de l’extrémisme religieux (islam politique et dérivés)-, le libre-échangisme économique -corollaire d’accords mal négociés-, le réchauffement climatique, et les pandémies (Covid-19 et autres fléaux) auxquelles le pays n’est pas bien préparé.

Impératif de séparer la religion du politique

Le terrorisme qui vient de frapper, encore une fois, à Akouda (nord de Sousse) en tuant par un véhicule bélier un membre de la Garde nationale et en en blessant grièvement un autre, ne s’est propagé en Tunisie qu’avec l’accès au pouvoir de l’islam politique et dérivés (Ansar Chariaa, Coalition Al Karama…). Ces sectes djihadistes mercenaires étant des alliés indéfectibles de mouvements religieux extrémistes extérieurs qui prêchent le djihad. Il s’agit notamment de l’internationale islamiste de Kardhaoui et de ses sponsors, du Wahhabisme et de la confrérie des frères musulmans d’Egypte.

Les islamistes tunisiens, qui constituent la “cinquième colonne“ de ces mouvements violents, doivent, un jour ou l’autre, rendre compte des attentats et assassinats commis depuis 2011 au nom d’un islam mal interprété.

L’idéal serait, dans l’avenir, d’avoir le courage d’instituer la laïcité du pays dans la Constitution comme vient de le faire un grand pays musulman comme le Soudan et de séparer la religion de la politique dans la loi sur les partis.

Démocratiser le monde des affaires et l’accès à la propriété

La deuxième agression exogène perpétrée contre la Tunisie réside dans la consécration de la dépendance de l’économie du pays des marchés étrangers, avec l’adhésion à la globalisation de l’économie mondiale et au libre-échangisme prônés par l’OMC et dans les accords de libre-échange conclus à la hâte par des gouvernants, soucieux de perdurer au pouvoir avec la complicité d’un cartel d’hommes d’affaires enclin à importer plus qu’à produire.

Cette agression imposée à la Tunisie par la complicité des siens est perceptible à travers l’option des gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays pour l’économie de copinage, voire pour l’économie de rente qui bloque, depuis des décennies, le développement de l’entrepreneuriat et favorise les inégalités sociales et régionales.

Le polytechnicien tunisien Anis Marrakchi définit l’économie de rente comme un système « qui privilégie certains groupes au détriment d’autres et qui consiste à mettre des verrous pour que les personnes qui la pratiquent ne risquent pas de se concurrencer ».

L’économie de rente se distingue de la corruption par le fait qu’elle s’appuie sur des bases légales. Autrement dit, elle est inscrite dans les lois du pays à la faveur de la collusion du politique et des affaires. C’est ce qu’on appelle le clientélisme qui a prévalu jusqu’à ce jour en Tunisie.

D’ailleurs ce n’est pas un hasard si tous les makhzéniens et les conservateurs de tous bords (affairistes, djihadistes, contrebandiers) se sont associés pour saborder le gouvernement Fakhfakh. Car abstraction faite de cette affaire de conflit d’intérêts qui a amené le chef du gouvernement à démissionner, le rendement de son gouvernement est indéniablement le meilleur depuis plusieurs années.

Ce même gouvernement, qui a à son actif l’adoption d’importantes lois portant démocratisation du monde des affaires et de l’accès à la propriété. Ces mêmes lois qui visent à encourager les Tunisiens à améliorer leur situation, à accéder à toutes sortes de crédits, et surtout à produire et non à importer.

Parmi celles-ci, figurent les lois sur l’auto-entrepreneuriat, l’économie sociale et solidaire, le financement participatif (crowfunding), un programme social visant à céder à un prix symbolique à quelque 300 mille familles des terrains domaniaux sur lesquels elles ont construit leurs logements, depuis des décennies. Ce programme tend également à faire accéder, à la légalité de l’appropriation des parcelles domaniales, des milliers d’agriculteurs locataires qui exploitent, sans titre de propriété, ces terres depuis plus de 50 ans. Ce serait une véritable révolution agraire si elle aboutissait.

Ainsi, en dépit du départ des “ministres réformateurs“ qui ont concocté ces lois révolutionnaires, le combat doit continuer pour faire la guerre à l’économie de rente et à ses partisans.

Une stratégie pour mieux se préparer aux nouvelles maladies

La troisième agression extérieure consiste en la pandémie de la Covid-19 qui a dévoilé la fragilité de l’infrastructure hospitalière en Tunisie. Elle a révélé surtout l’inefficacité du secteur médical privé qui a pourtant bénéficié, des décennies durant, de tous les investissements dans le secteur sanitaire. Elle a par contre montré l’utilité des hôpitaux publics lesquels, en dépit de leur marginalisation et de leur déstructuration ont pu rendre d’importants services aux patients de la Covid-19.

L’enjeu réside, dorénavant, dans l’investissement dans les hôpitaux publics et dans la garantie de leur rendement. Et ce n’est pas impossible. Par les chiffres, lors de la crise du coronavirus, les hôpitaux publics allemands ont été non seulement performants mais également rentables.

La quatrième agression que subit et va subir plus durement la Tunisie concerne le réchauffement climatique dont l’impact sera, selon les experts, plus ravageur que la Covid-19.

C’est en ces termes que Samir Meddeb, expert en développement durable, a décrit, au site web WMC, la situation environnementale en Tunisie : « le modèle tunisien jusqu’à maintenant, du moins au cours des dernières décennies, n’a pas prêté l’attention nécessaire aux questions environnementales et plus particulièrement à la nature et aux effets de son occupation et son exploitation à travers les activités humaines.

L’agriculture, le tourisme, l’industrie, la construction, le bâtiment, le transport pris individuellement et globalement dans une vision d’aménagement du territoire n’ont pas intégré suffisamment et de manière systémique les limites de l’environnement et du capital naturel dans leur conception et leur mise en œuvre.

Pire encore et souvent ce capital naturel n’a pas été considéré comme une ressource limitée, régie par des règles strictes de renouvellement.

La dimension de valorisation de la ressource n’a pas été également privilégiée d’autant plus que nous nous situons dans un contexte de pénurie pratiquement chronique ».

Pour des visions sectorielles une vision à l’horizon 2050

Conséquence : à défaut de planification et de stratégies cohérentes pour atténuer et s’adapter au réchauffement climatique, les gouvernants du pays risquent de nous mener au chaos total pour ne pas dire à la perte d’une grande proportion du territoire national par l’effet de la montée des eaux de mer, la désertification, la sécheresse, l’érosion…

In fine, si nous avons évoqué les dégâts occasionnés par ces agressions exogènes aux tunisiens, c’est pour dire que la mission de tout futur gouvernement est de contenir, d’abord, les nuisances de ces 5èmes colonnes au plan intérieur et de travailler, ensuite, sur le renforcement de la capacité de résistance de la Tunisie à ces agressions lesquelles ont du reste trop duré.

La démarche à suivre serait de mettre au point des stratégies et des visions à l’horizon 2040, 2050… Il y va de la pérennité du pays et de l’avenir des futures générations.