Loin de notre imaginaire commun, on se demande pourquoi cette insistance dans la référence à Dieu, jusqu’à l’inscrire sur leur billet vert. 

Ils font tout leur possible pour occulter ou déformer à leur avantage les pages horribles et sanglantes de leur relative courte Histoire, que sont la conquête de l’Amérique et le massacre méthodique des Indiens, les légitimes propriétaires des lieux et l’expropriation forcée de leurs terres. Des épisodes dont, ils ne s’en offusquent pas outre mesure, les glorifiant et les présentant en mode binaire, les vaillants cow-boys contre les méchants visages pâles ou les porteurs de civilisation moderne et des valeurs occidentales contre les sauvages qui crient, chargent, tuent et scalpent, le tout affiché sur les écrans de cinémas du monde entier, à la sauce hollywoodienne et en format technicolor.

Ils se confinent toujours dans la représentation réductrice d’une confrontation entre le Bien et le Mal. Ce mal incarné dans le contexte de la guerre froide par les communistes et les subversifs, un triste rappel de l’ère sombre du maccarthysme et de la chasse aux sorcières, sans oublier au passage Edgar Hoover, qui mettait du cœur à l’ouvrage dans ces basses besognes et dans la chasse de ce qu’il qualifiait de déviants, le conduisant vers des agissements à l’extrême limite de la loi …

Plus près de nous, Bush fils nous en a aussi livré une parfaite illustration, lui qui se voyait le bras armé de Dieu pour faire triompher les valeurs occidentales représentant le Bien, contre l’axe du Mal, illustré par l’Irak de Saddam Hussein. La suite est connue, avec la grande faucheuse qui a signé la fin macabre de cette délirante mise en scène …

Les indiens subissant l’asservissement moral, ont fini par être acculés dans des réserves, en proie à l’alcool et aux drogues, et arborant leurs tenues caractéristiques avec pantalon large, gilet en peau de bison et coiffes en plumes de rapaces, et pensant perpétuer leurs traditions, ils se donnent en spectacle en exécutant, le vague à l’âme et sans beaucoup de conviction et de fierté, des danses ancestrales dépoussiérées, servant de curiosité folklorique et d’attraction touristique …

Les Américains nourrissent alors des mythes qu’ils ont créés et qu’ils perçoivent comme fondateurs, dont l’un s’inscrivant dans une vision messianique et qui, depuis toujours, imbibe leur inconscient collectif, veut que l’Amérique soit un refuge, un asile pour les persécutés et les opprimés du monde entier et que la découverte du continent n’était guère le fruit du hasard mais bel et bien un dessein de Dieu… Quoi penser ou renchérir?

Il ne faut donc pas s’étonner qu’on se retrouve avec une zone géographique et sociologique, occupant tout le sud-ouest des États-Unis, dénommée, la ceinture de la Bible dans laquelle, vit un nombre élevé de personnes rigoristes, se réclamant d’un fondamentalisme chrétien ; ou de voir leur actuel président, pousser la porte de son église pour brandir bien haut la bible, un message subliminal au public pour le convaincre qu’elle est la source de son pouvoir, alors que la rue est en prise à l’extrême effervescence et au feu ; ou encore qu’il y ait plus de fanatiques religieux aux États-Unis que dans tout le monde musulman.

Une preuve supplémentaire de l’idée que l’utilisation de la religion conduit à chaque fois, à des catastrophes : les croisades, la guerre entre les catholiques et les protestants, les conflits sanglants entre les écoles de pensée islamique …

Il est pour moi évident que l’homme ait besoin de religion, de spiritualité mais sa quête doit s’inscrire dans une démarche personnelle et prendre la forme d’un voyage individuel. D’où la grandeur et l’éminence d’une représentation verticale de la religion allant du croyant à la déité, et non horizontale qui n’est qu’une lecture pernicieuse et un moyen détourné pour diriger, pour gouverner et soumettre.

Le billet vert, symbole de l’arrogance et de l’hégémonie, il domine et n’a cessé d’étendre son influence dans les échanges commerciaux à travers le monde, en s’imposant comme monnaie pivot et étalon et ainsi, de consacrer la puissance économique et politique des États-Unis. Une situation ubuesque offrant aux dirigeants américains le luxe de s’endetter de l’extérieur dans leur propre devise et de faire tourner à volonté les planches à billet pour, au besoin arroser le marché de liquidité.

Le droit de posséder une arme à feu est inscrit dans l’un des amendements de la constitution américaine. Il existe une forte association de défense de ce droit, la NRA, qui par sa puissance, exerce un lobbying politique et pèse lourdement dans les élections présidentielles.

Le rapport des américains avec les armes à feu de tout calibre, relève autant de l’amour que de l’addiction ! Les caresser des yeux et des mains, les bichonner, les démonter puis les remonter, revêt pour eux, une forme d’érotisme et prend une dimension phallique, un prolongement de la virilité …

Il est courant de voir certains, posséder dans leurs maisons une extravagante collection d’armes, des légères aux plus lourdes, et autant de munitions, de quoi alimenter une bonne guérilla en Afrique.

Quand on dit que la police américaine broie du noir, c’est à prendre au premier degré. L’assassinat par suffocation de Floyd par un policier blanc, une agonie de longues minutes devant des passants qui tentent vainement de le raisonner, une scène filmée par une adolescente, une simple passante qui a mis en émoi le monde entier, un acte qui est le dernier numéro d’une longue série de meurtres, une funèbre réalité diluée dans une expéditif et ridicule qualificatif de “bavure policière”, alors que la situation ne fait qu’empirer avec la montée en puissance des courants suprématistes et des mouvements nationalistes.

Il faut reconnaître que leur actuel président, à défaut de juguler cette montée inquiétante, a le grand mérite d’avoir réussi à mobiliser les jeunes, galvanisés par l’effet de la pandémie et ses conséquences qui commencent à se faire douloureusement ressentir, pour aller voter contre lui.

Il est clair que la fin de la ségrégation raciale n’a pas résolu le problème, que l’histoire américaine est jalonnée de tels incidents dont le plus marquant à mon sens est celui de la citoyenne Rosa Parks qui, par un simple refus de céder sa place à un passager blanc dans un bus, a mis en marche la communauté afro-américaine et changea la face des États-Unis et le regard du monde sur la question de l’égalité et des droits civiques.

Les négriers ont déraciné des africains, enchaînés et battus, puis vendus en esclaves aux planteurs de coton, source de richesse et de prospérité du pays. Une souillure et une balafre dans la face de l’humanité.

On peut chercher à construire des idées artificielles, à façonner des images séduisantes et rêveuses mais rien ne pourra remplacer cette triste réalité historique, empreinte de malheurs, de haines, de violence et de rancœurs, de dos lacérés par les coups de fouet, suintant la sueur et le sang, sur laquelle s’est bâti le système ou modèle américain.

Une drôle de démocratie avec deux partis de droite qui se relaient sur le pouvoir : une droite conservatrice, religieuse et une autre libérale obéissant stricto sensu à la loi du marché, deux revers d’une même médaille …

Le problème du racisme n’est pas que américain, il concerne tous les pays et pas plus que chez nous.

Le racisme en Tunisie est larvaire, banalisé et insidieux. Il est dans notre regard, dans notre dialecte, dans l’appellation des choses. On a même le chic d’en développer une palette entière: on n’aime pas les noirs, les juifs, les handicapés, les homos, les pauvres, les bouseux … les autres. On le voit au quotidien, parfois habilement mais gravement enrobé par des paroles ou une gestuelle condescendantes. Les exemples sont innombrables…

On ne combattra pas le racisme en décrétant des lois qui sont, au demeurant, utiles mais par l’éducation et la culture. Tout doit passer par l’école.

Les enfants ne naissent pas racistes, ce n’est qu’en grandissant, que leurs parents puis la société leur inoculent ce poison.

Je pense que le racisme, profondément ancré dans l’esprit et inscrit dans les gênes de beaucoup d’américains, nourri par cette idée de la supériorité de l’homme blanc, mettra longtemps à disparaître et on ne peut qu’atténuer ses manifestations …

J’ai toujours été réticent, à la dualité, au mode binaire, ô combien réducteur et dangereux, privilégiant toujours les troisièmes voies, les sentiers non battus et à ce titre, je refuse les tentatives de certains acteurs politiques de nous pousser à se ranger, à se placer dans la sommaire et mauvaise division de la société tunisienne entre intégristes et non intégristes, susceptible de réserver des surprises désagréables et aboutir à des conséquences fâcheuses, alors que pour moi, le vrai départage est celui entre les patriotes visionnaires et éclairés puis les autres vendus.

Arrêtons de stigmatiser les gens sur des critères morphologiques et ne dédaignons pas la couleur noire d’une peau car dans leurs âmes, ces personnes sont peut-être, plus blanches et plus claires que les plus blancs d’entre nous.

Je garde pour la fin, l’image forte d’une Afrique, telle une femme mûre, haute en couleur, au parfum suave et envoûtant, interpellant le reste des continents, ses consœurs en leur lançant : Hé les filles, je suis peut-être noire mais je suis la plus belle.

Lotfi Farhane