Les pouvoirs publics tunisiens communiquent une image de plus en plus négative, l’image d’un pays aux abois. Un pays qui racle les fonds des tiroirs. Un pays qui a recours à des solutions de mobilisation de fonds de plus en plus risquées.

Pour la deuxième fois cette année, et pour la quatrième fois depuis environ deux ans, le ministère des Finances emprunte des devises à moyen terme auprès des banques de la place. Le dernier emprunt en date a été signé mardi 5 mai 2020 avec 12 banques de la place pour l’équivalent 1,180 milliard de dinars, soit 257 millions d’euros et 130 millions de dollars.

Ces fonds proviennent des comptes en devises à vue (oui vous avez bien lu à vue) appartenant à des clients étrangers non résidents (oui là aussi vous avez bien lu des comptes appartenant à des clients étrangers non résidents) des 12 banques de la place.

Transformer des dépôts en devises à vue en prêts à moyen terme (trois ans) en faveur de l’État implique un énorme risque de liquidité en devises pour les banques concernées.

En effet, la BCT est le prêteur de dernier recours pour les banques, mais en dinars. En devises, il n’y a pas de prêteur de dernier recours. En cas de retraits massifs de la part des clients non résidents, les banques n’auraient pas de solution pour y faire face.

Voici le détail des 4 emprunts:
– 250 millions d’euros sur 3 ans, juillet 2017
– 356 millions d’euros sur 3 ans, mars 2019
– 455 millions d’euros sur 2, 3 et 5 ans, janvier 2020
– 377 millions d’euros sur 3 ans, mai 2020.

À ce jour aucun de ces crédits n’est arrivé à échéance. Le total fait 1,438 milliard d’euros ou l’équivalent de 4,7 milliards de dinars. C’est là un montant énorme démontrant un taux de transformation de dépôts à vue en crédits à moyen terme excessivement élevé et pouvant se traduire par un risque de liquidité en devises simplement insupportable pour les banques de la place.

Il est important de noter en outre que l’emprunt en question, et c’est le cas de tous les emprunts cités ci-dessus, ne va pas financer des investissements productifs. Il va servir à couvrir des dépenses budgétaires courantes.

En ce qui concerne le dernier emprunt, il servirait à payer une échéance de crédit étranger qui tombera au mois de juin prochain.

L’État aurait mieux fait d’éviter ces solutions particulièrement risquées et de mettre en place des financements mieux appropriés. S’il est vrai que les circonstances exceptionnelles justifient des solutions exceptionnelles, ce n’est pas à ce genre de solution qu’il faut recourir.

Quel gâchis !