Empêcher la montée des périls. L’épidémie s’installe. Elle entraîne une crise économique. Empêcher que l’épidémie s’emballe revient à barrer la route à l’effondrement économique. L’heure est grave, la question est de savoir comment agir. Le bon sens recommande, compte tenu de la similitude entre l’épidémie et l’économie est qu’il ne faut pas aller vers le point de bascule.

Au plan sanitaire il serait salutaire d’empêcher que la propagation, jusque là linéaire, du coronavirus devienne exponentielle. Dans cette hypothèse, et compte tenu de l’insuffisance de nos moyens, nous risquons l’impasse thérapeutique. Et c’est le scénario frisson. En économie, la panne de croissance à laquelle l’épidémie nous expose ne doit pas aller vers un shut down de l’économie. Cette hypothèse désastreuse mettrait en danger la survie de l’Etat car dans notre pays l’ogre de l’informel est à l’affût.

«Quoiqu’il en coûte, l’Etat paiera»

Dans la soirée du lundi 16 courant, le président français et le Chef du gouvernement tunisien ont eu deux adresses superposées. Tous deux intervenaient pour la deuxième fois compte tenu de l’extension de l’épidémie. La consigne du moment est qu’il faut la garder sous contrôle en recourant au confinement. Le problème prend une dimension de sécurité nationale, en France comme en Tunisie.

Le président français, lequel s’est exprimé le premier a planté le décor. «Nous sommes en guerre» a martelé, à six reprises, Emmanuel Macron. L’affaire est grave et comment l’empêcher de devenir désespérée. Voilà le cœur du problème.

L’unique réponse est le confinement. Et le tout est de s’y tenir. Et il faut en appeler à la discipline populaire. Et même si celle-ci n’est pas au rendez-vous on se laissera dévorer. Et si le confinement se déroule bien, la partie pourrait être gagnée. Et l’Etat fera le nécessaire.

L’Etat paiera, quoi qu’il en coûte a dit le président Français. Cette formule fait fortune.

Quelques années auparavant, Mario Draghi, gouverneur de la Banque Centrale Européenne avait utilisé, la même expression, en anglais, cette fois là, disant ‘’What ever it takes’’. Il signifiait par là que la BCE rachèterait les créances des Etats européens enfreignant l’obligation de démonétisation de la dette publique. En bout de course, la BCE est parvenue à relancer un tant soit peu, la croissance en Eurozone.

Le plan d’urgence français comprend deux volets. Le premier autorise le report des charges fiscales et sociales pour tous les opérateurs économiques, sans intérêts de retard. Il englobe également le report des charges courantes d’eau de gaz, d’électricité et de …loyer.

Le second consiste à assortir tous les crédits bancaires accordés aux entreprises de la garantie de l’Etat pour une enveloppe de 300 milliards d’euros soit 10 % du PIB français.

Nous soutenons que la Tunisie avait par le passé utilisé certains mécanismes de financement de temps de crise qu’elle peut réactiver et le tout serait de les assortir dans un plan global qui soit cohérent pour être efficace.

Aux grands maux les grands remèdes

Elyes Fakhfakh a été pris d’assaut par l’épidémie du coronavirus et elle contrarie toutes ses prévisions. Lui et son équipe sont arrivés avec des recettes de revivification de l’économie et les voilà contraints de changer leur fusil d’épaule, et de trouver une sortie de secours pour l’économie tunisienne.

Nous nous contentons de rappeler certains mécanismes d’intervention rapide qui ont bien fonctionné en leur temps. Lors des émeutes du pain, beaucoup de commerces dans la Capitale et les grandes agglomérations du pays ainsi que de nombreuses usines dans les zones industrielles ont été vandalisés.

Rapidement la Banque Centrale a mis en place un crédit à moyen terme de deux à trois ans pour réparer les sinistres. Le crédit était de montage facile et n’exigeait aucun apport en fonds propres, le financement étant évalué par avis d’expert. Les commerces et usines endommages, à la faveur de la mise en place de ce crédit, se sont rapidement remis en activité. La crise fut rapidement surmontée.

Pareil avec les entreprise de bâtiments qui ont réalisé des chantiers en Algérie et qui avaient été payés avec un long différé. Pour éviter que le retard de paiement leur cause une gêne de trésorerie la BCT a accepté de reconduire la mobilisation de leurs créances, sans intérêt, jusqu’au règlement définitif par la partie algérienne.

A la suite de la crise de 2008, les entreprises exportatrices qui ont connu un chômage partiel, ont été indemnisés avec versement de subvention étatique sans délai et sur simple présentation de leurs déclarations.

A défaut d’un stress test qui nous aurait permis de dégainer tout de suite un plan d’urgence nous ne disposons pas moins d’un arsenal de recettes efficaces. Le tout est de les assortir dans un plan global. Le report des échéances fiscales et sociales, ne doit pas poser de problème, nous le pensons. Avec les banques, on peut repousser les échéances des crédits antérieurs.

Pareil, la mise en place de crédits à moyen terme d’urgence doit pouvoir pallier la chute du chiffre d’affaires des entreprises et leur permettre de payer leurs salariés. A priori les entreprises ne seraient pas exposées à des gênes excessives de trésorerie. On peut même appliquer, dans la foulée les souplesses de la loi Dailly, qui a cours en France. Celle-ci autorise la Banque Centrale à monnayer, en plus des créances détenues par les entreprises sur l’administration et le secteur public, celles détenues sur des opérateurs privés. Le tout est d’empêcher le recours excessif au débit bancaire.

Quand les avances sont faites par mobilisation les banques peuvent les monnayer sur le marché interbancaire et auront toujours un recours de garantie contre les entreprises faute d’une garantie de l’Etat. L’affaire prend chez nous un double caractère de sécurité nationale.

Le premier est celui d’éviter tout risque de panique économique, ce qui est de nature à rasséréner l’opinion publique et maintenir la paix sociale. Le second est d’empêcher que l’informel prenne le dessus sur le secteur organisé et s’empare, dans un premier temps des leviers du pouvoir économique, menaçant l’existence même de l’Etat..