«La Tunisie n’est l’otage d’aucun parti politique et des décisions de ses instances. Nous vivons tous en bonne intelligence et nous avons des droits, des devoirs et des obligations envers notre pays. Nous respectons la légitimité électorale et nous rappelons à toutes les composantes politiques que la démocratie est une responsabilité. Elles se doivent aujourd’hui de pallier à la pire des crises que traverse un pays totalement bloqué. Nous n’avons plus de temps à perdre dans des interprétations qui peuvent être multiples de la Constitution. Les organisations nationales ont aussi bâti ce pays et elles ne feront pas de la figuration face à ce qui s’y passe aujourd’hui».

C’est en substance la déclaration faite par Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, samedi 15 février 2020, à sa sortie de la réunion avec Kaïs Saïed, président de la République, en présence de Samir Majoul, président de l’UTICA, et d’Elyès Fakhfakh, le chef de gouvernement désigné.

Rappelons que Noureddine Taboubi n’a pas été épargné ces derniers mois par les prétendus leaders politiques. Cela fait des mois que les déclarations malveillantes se succèdent accusant les syndicalistes de corruption et la direction de la centrale de protéger ses «ouailles».

Vrai ? Faux ?

Ce qui est sûr, comme l’a précisé Noureddine Taboubi, c’est que la direction de l’UGTT ne peut pas garantir l’intégrité absolue de tous ses adhérents, au nombre de 70 000.

S’exprimant sur Shams FM, il a déclaré : «Nous ne sommes pas un soleil pour rayonner sur tout le monde, et nous ne pouvons pas non plus nous porter garants de la probité de tous nos syndicalistes. Par contre, nous appelons quiconque possède des preuves tangibles et vérifiables sur les pratiques douteuses de l’un de nos membres de déposer plainte et nous ne protégerons aucune personne quelle qu’elle soit. Il faut que justice soit faite».

Ce n’est pas la première fois que Taboubi s’exprime ainsi dès qu’on lui parle de la corruption de certains syndicalistes. Qui a tort dans ce cas ? Les syndicalistes véreux qui profitent de la lâcheté des responsables et de leur peur ou les dirigeants de l’UGTT ? Elles sont innombrables ces histoires où l’on parle des abus des syndicalistes dans les administrations publiques, de leur interventionnisme éhonté dans le choix de nouvelles recrues ou le soutien à une promotion qui n’est pas méritée ! Mais est-ce la faute à Taboubi qui, lui, a appelé à maintes reprises à sévir à condition que ce ne soit pas un règlement de comptes ou de vengeances personnelles ? Ou devons-nous reprocher aux décideurs publics leur frilosité exagérée dès qu’il s’agit de s’attaquer à un syndicaliste ?

Les maîtres des campagnes ne sont pas des exemples de probité !

Quant à ceux qui ont fait de l’UGTT leur principale cible lors des campagnes électorales, nous ne pouvons dire qu’ils représentent les meilleurs exemples en matière de probité.

Qu’il s’agisse de S.M du groupe Al Karama qui a n’a pas cessé d’attaquer la centrale, ou d’Imed Daimi, ancien chef du cabinet de Moncef Marzougui, nous ne pouvons jurer qu’ils brillent par leur intégrité.

Ainsi, il y a 2 années, Seifeddine Makhlouf avait annoncé sur sa page FB avoir subi un redressement fiscal d’un montant de 260 000 dinars suite à une opération de contrôle. Et bien qu’il ait signifié que c’est un coup monté par des «mafias au pouvoir», la question de sa solvabilité avec les services des impôts mérite d’être posée.

Quant à Imed Daïmi, on ne peut pas non plus prétendre que ce soit le meilleur représentant de la lutte contre la corruption car son exercice au palais de Carthage et ses activités associatives nous poussent à nous poser les questions suivantes :

  • A-t-il remis les états financiers du CPR lorsqu’il en était le secrétaire général ?
  • Est-il vrai que ses amis de toujours dont S.B.A et A.M ont déposé une plainte à son encontre à cause de son manque de transparence et de son refus de leur remettre les états financiers du parti qu’ils ont fondé ensemble ?
  • Son frère, président de l’Association Qatar Al Khayria, a-t-il procédé à la déclaration des biens et des intérêts auprès de l’INLUCC comme le font toutes les associations ?

Mais il n’y a pas que les opposants politiques qui s’attaquent à l’UGTT, lors de sa dernière sortie, Youssef Chahed a aussi critiqué la centrale ouvrière et son secrétaire général avec virulence. Première réaction de la centrale, la dénonciation d’un « acharnement gratuit qui s’inscrirait dans un programme d’empoisonnement du climat politique avant la mise en place du futur gouvernement ».

Face à l’UGTT à laquelle on reproche un interventionnisme politique inacceptable, il y a des partis incapables, après 10 ans, de proposer un projet socioéconomique fédérateur et une vision politique convaincante pour le pays. La place importante occupée par l’UGTT sur la scène publique doit-elle intimider les dirigeants ? Les ministres seraient depuis 2011 sous la menace de limogeages initiés par les partis ou sous la pression de la centrale ouvrière.

Serait-ce la raison qui les pousserait à fermer les yeux sur les dépassements, la corruption ou le népotisme de certains syndicalistes ? Et dans ce cas, ne devons-nous pas dénoncer beaucoup plus leur incapacité à sévir et à protéger les intérêts de l’Etat que le laxisme de la centrale ouvrière face aux dépassements faits par les élus syndicaux ?

Que de témérité de la part de l’UGTT et que de lâcheté de la part des politiques !

Amel Belhadj Ali