Le président de la République, Kaïs Saïed, a accordé une interview exclusive, à la chaîne publique Al Wataniya 1, le jeudi 30 janvier 2020. Il a saisi cette occasion pour dresser le bilan des cent premiers jours de sa présidence, conformément à un engagement pris lors du débat présidentiel. Il également a été appelé à s’expliquer, entre autres, sur trois sujets majeurs : la mission impartie à l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), l’indépendance de la justice et la diplomatie.

Interpellé sur la nomination d’un administrateur auditeur en la personne de Sami Ben Jannet, à la tête du think tank de l’Etat qu’est l’ITES, et sur les critiques qu’a suscitées cette nomination qui serait inappropriée pour beaucoup d’experts du pays, le chef de l’Etat a indiqué que le principal critère retenu pour la nomination à ce poste n’a pas été axée sur le nombre de recherches ou de diplômes universitaires mais sur la capacité du nouveau directeur général à animer des intelligences multidisciplinaires et à privilégier les thèmes de recherche qui servent l’intérêt supérieur du pays.

«C’est plutôt un animateur d’équipes qu’un éminent universitaire ou sociologue qui aurait tendance à faire de cet établissement stratégique un établissement privé pour donner ses cours», a-t-il dit.

Kaïs Saïed, qui a laissé entendre qu’il co-animerait l’ITES avec le nouveau directeur général, a révélé que le premier thème de recherche qu’aura à examiner l’’ITES portera sur “les raisons qui ont fait que toutes les réformes sur l’enseignement dans le pays ont été vouées à l’échec“.

Les tergiversations de la justice ne sont pas du goût du chef de l’Etat

Le président de la République a eu également à aborder le sujet de l’indépendance de la justice. Il a particulièrement déploré l’attitude de certains magistrats à ne pas trancher définitivement dans certaines affaires alors que la culpabilité des personnes accusées est largement prouvée. Kaïs Saïed fait sans doute allusion à des affaires de corruption, de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et de terrorisme.

Il a été amené à faire mention spéciale pour le dossier de l’“appareil secret d’Ennahdha“, insinuant que le Conseil de national de sécurité (CNS) pourrait examiner ce dossier, mais rappelant toutefois que la décision finale revient à la justice, laquelle, a-t-il dit, «doit assumer sa responsabilité».

Il a fait remarquer qu’une justice indépendante se doit de préserver les droits de tous et de rendre justice à tous les Tunisiens, sur un pied d’égalité. Il s’est prononcé contre les calculs politiques étroits en matière de justice et souhaité que tous les dossiers, y compris celui de l’appareil secret, soient traités en toute transparence.

Le deal du siècle, la plus grande justice du siècle

Traitant de l’activité diplomatique, l’espace des 100 jours depuis son investiture, Kaïs Saïed n’a pas boudé son plaisir. Il a rappelé la dynamique qu’a connue cette diplomatie à travers les multiples visites que plusieurs dirigeants (un chef d’Etat, Erdogan ; un chef de gouvernement, Sarraj de Libye ; et autres ministres des Affaires étrangères (occidentaux, asiatique, maghrébins, arabes et africains ont eu effectué à Tunis.

Le président de la République a ainsi répondu à ses détracteurs qui lui reprochent de confiner la Tunisie dans un isolationnisme inquiétant.

Réagissant au sujet d’actualité, «le deal du siècle» entre Israël et les Etats-Unis d’Amérique de Trump, le président de la République a déploré le ton diplomatiquement correct du communiqué publié à ce sujet par le ministère tunisien des Affaires étrangères. Il affirme être intervenu en personne pour rappeler la position ferme de la Tunisie, à ce sujet.

Ainsi, il a qualifié cet accord de «la plus grande trahison» et de «la plus grande injustice des deux siècles». Il a rappelé que l’esprit défaitiste qui prévaut dans le monde arabe ne peut générer qu’aquoibonisme (c’est-à-dire “un questionnement face aux événements extérieurs qui consiste à douter de l’utilité d’agir”), démission et collaboration avec l’ennemi.

Abou Sarra