Pour l’année 2018, les primes souscrites par les compagnies d’assurance devraient atteindre 2,4 milliards de dinars, contre 2 milliards de dinars en 2017, selon les estimations du président de l’Instance générale des assurances (IGA), Hafedh El Ghribi, pour qui cette croissance modeste reflète la faiblesse d’intégration du secteur dans l’économie.

Dans une interview accordée à l’Agence TAP, il précise que le taux d’intégration du secteur des assurances n’a pas dépassé 2% du PIB contre une moyenne mondiale de 6%. L’Afrique de Sud arrive en tête de liste avec 14% et les Etats-Unis (10%), cotre 4% pour le Maroc.

El Ghribi estime en outre que les bénéfices nets des 22 sociétés opérant dans le secteur des assurances en Tunisie en 2018 seront de 100 millions de dinars, un chiffre qui peut être réalisé par une banque de la place. Selon lui, cette situation s’explique par les difficultés auxquelles fait face le secteur des assurances qui le rend moins performant au niveau de la rentabilité par rapport au reste du secteur financier.

Et de rappeler que 22 compagnies d’assurance opèrent sur le marché dont la plupart d’entre elles sont de taille moyenne ou petite et ne disposent pas de la capacité financière nécessaire pour instaurer des systèmes d’information moderne à même de garantir une évaluation efficace des risques.

Le président de l’IGA souligne que la rentabilité du marché de l’assurance, “qui n’est pas encore mûr”, peut s’améliorer en cas d’adoption des réformes nécessaires.

Trois sociétés d’assurance au moins subissent des pertes

Trois des 22 sociétés d’assurance ont subi des pertes causées par la hausse des montants d’indemnisation par rapport aux primes d’assurances souscrites, a souligné Ghribi.

Le marché d’assurance souffre de plusieurs problèmes structurels liés à la hausse de la valeur des indemnisations, notamment dans le domaine de l’assurance automobiles, en raison de l’augmentation du nombre d’accidents.

Le secteur de l’assurance automobile contribue à hauteur de 50% du total des primes d’assurances, avec un chiffre d’affaires de 1 milliard de dinars, alors que la valeur des indemnisations des clients atteint 800 millions de dinars, selon Ghribi.

Le glissement du dinar a engendré la hausse des prix des pièces de rechange, impactant la valeur des indemnisations, indique-t-il. Et que le secteur fait face à plusieurs problèmes d’ordre structurels, notamment en matière de responsabilité sociétale.

Le système de bonification-majoration, ou bonus-malus, n’est pas appliqué de manière efficace en raison du favoritisme dans le calcul de ce système pour les clients. Or, le calcul du système de bonification-majoration dans les pays européens diffère d’une personne à une autre, contrairement à ce qui est appliqué en Tunisie, et ce grâce à l’application des systèmes d’information développés qui prennent en considération plusieurs données relatives au client, telles que la marque de l’automobile, sa durée de vie, les accidents, le lieu de résidence …

Ainsi, l’utilisation des systèmes d’information développés permettent de donner des bonifications aux personnes disciplinées et qui respectent le code de la route, en leur offrant une réduction de la valeur des primes d’assurance.

Par contre, les personnes ayant causé des accidents sont obligées de payer des cotisations élevées. Cette approche est appliquée dans l’objectif de contribuer à la diminution des accidents de la route et à l’amélioration du rendement du secteur de l’assurance.

Il a précisé que la Tunisie demeure parmi les rares pays dans lesquels le ministère des Finances intervient pour fixer la prime d’assurance.

Les sociétés d’assurance sont incapables de fixer les tarifs, car elles ne possèdent pas de systèmes d’information développés permettant d’évaluer les risques de manière précise et d’appliquer le système de bonification- majoration en évitant toute intervention, a-t-il encore fait savoir.

Il faut éviter le favoritisme

Le président de l’IGA estime que l’amélioration du rendement du secteur de l’assurance requiert un ensemble de solutions. Il s’agit d’obliger les sociétés d’assurance de réviser la politique de suscription assurance et d’orienter leurs activités vers les différents segments d’assurance lucratif, outre la modernisation de leur système d’informations, le recours aux compétences des experts et la mise en place d’un système de bonne gouvernance et de règles prudentielles.

Le responsable annonce qu’une base de données axée sur un système de compensation ” Bonus-Malus ” a été lancée depuis le mois de janvier 2019, laquelle base relie toutes les compagnies à l’instance en vue de maîtriser l’application de ce système et d’interdire l’intervention du facteur humain pour réaliser l’équilibre nécessaire dans le segment de l’assurance automobile.

Ghribi a souligné la nécessité d’accélérer l’application de la stratégie de réforme mise en place par l’instance en collaboration avec la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances (FTUSA) et de transmettre le projet de réforme du code de l’Assurance au parlement afin d’adapter le secteur de l’assurance aux normes internationales et de consacrer davantage l’indépendance de l’Instance.

La réforme du Code d’assurance s’est basée, selon lui, sur une étude stratégique réalisée en 2014, pour diagnostiquer le secteur de l’assurance et d’identifier les axes de réformes.

Cette réforme permettra la mise à niveau du secteur de l’assurance et son adaptation à l’évolution commerciale dans le monde.

Il s’agit, également, de permettre aux sociétés d’assurance de se regrouper, a-t-il conclu.