Porteurs de ses espoirs de changement et d’amélioration de son vécu, les représentants du peuple sont loin d’avoir été à la hauteur. Explications.

Jadis simples marionnettes entre les mains du pouvoir, les députés sont des acteurs centraux dans la Tunisie nouvelle. A la différence de leurs collègues d’avant la chute du régime Ben Ali, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), élue fin 2014, tout comme avant eux ceux de l’Assemblée nationale constituante (ANC), jouissent en effet d’une liberté de parole et d’action, jamais connue auparavant sous la coupole du Palais du Bardo. Et susceptibles, dans un régime politique semi-parlementaire, de leur permettre d’infléchir le cours des choses dans le pays.

Sept ans après, les promesses sont loin d’avoir été tenues. Le bilan est loin d’être à la hauteur des attentes. Pour diverses raisons, imputables à la fois aux représentants du peuple eux-mêmes et au contexte dans lequel ils évoluent.

La première d’entre elles est le manque de sérieux et d’engagement dont bon nombre d’entre eux font montre, et qu’illustre leur défaillance la plus marquante : l’absentéisme.

Apparu dès 2012, ce phénomène s’est aggravé au fil des ans. Les membres de l’ANC, élue le 23 octobre 2011 par les Tunisiens pour écrire une nouvelle Constitution, n’ont pas tardé à devenir des fans de …l’Assemblée buissonnière. Au point que de nombreuses séances plénières ont dû être reportées faute de quorum.

Fin 2012, Al Bawsala, une association spécialisée dans le monitoring du travail parlementaire, constate que 30% des députés sont souvent absents. La palme revient alors, paradoxalement, aux députés du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL, devenu Ettakatol), la formation du président de l’ANC d’alors, Dr Mustapha Ben Jaafar.

Pour redresser la situation, celui-ci décide de réduire d’une heure à une demi-heure du délai d’attente nécessaire avant qu’une commission puisse entamer ses travaux sans quorum, et instaure, fin novembre 2012, un système de cartes magnétiques permettant à la fois de contrôler les absences et retards, et de suivre les votes. Rien n’y fait. Les députés continuent à pratiquer la politique de la chaise vide.

Au point que le Center Carter, un think tank américain, présent en Tunisie depuis 2011, appelle les partis politiques à encourager «vivement les constituants à remplir les devoirs pour lesquels ils ont été élus» ou, à défaut, d’«envisager de démissionner de leur mandat». Cet appel ne sera pas entendu.

Les choses empirent à vue d’œil sous l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), élue fin 2014. Le taux de présence chute de 87% en 2015 à 65% en 2015, pour ce qui est des sessions plénières, et de 67% à 52% pour les travaux en commissions permanentes.

Mauvaise nouvelle pour les partis laïcs, si prompts à critiquer les députés de l’islamiste mouvement Ennahdha, ceux-ci sont les champions de l’assiduité. Tout comme l’étaient la plupart des membres de la Chambre des députés, la dernière Assemblée de l’ère Ben Ali. «Le nombre d’absents n’a jamais dépassé les 16», témoigne Lazhar Dhifi, secrétaire général de l’Amicale des anciens parlementaires tunisiens.

Moncef Mahroug

A suivre, 2ème partie